Analyse: le Hamas échoue, à Gaza la haine et le désespoir s’accumulent

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Ron Ben-Yishai, Yedioth, 124News

La foule palestinienne se rassemblait vendredi vers 13h, près de la zone industrielle de Karni, à l’est de la ville de Gaza. Seulement quelques centaines de protestataires étaient présents, en plus d’un instigateur enthousiaste scandant des slogans religieux afin d’inciter les jeunes gazaouis se tenant à bonne distance de la clôture à exiger leur « droit au retour ». Ils n’ont pas bougé. A 200 mètres de l’autre côté de la barrière de sécurité séparant l’Etat hébreu de l’enclave, allongés au sol, les tireurs d’élite de l’armée israélienne (Tsahal) se tenaient immobiles, observant la scène, au moment où tout était encore calme, pas même un cerf-volant traversait le ciel. Des équipes importantes d’unités de renseignement ainsi que le service du porte-parole militaire se tenaient eux, à moins de 20 mètres de la barrière. L’armée, cette fois, était déterminée à empêcher non seulement toute infiltration, mais aussi à observer au plus près les manifestants, dans « le blanc des yeux ». Vers 14h, tel un coup d’envoi, le mouvement s’est mis en route. Près de 2000 personnes, jeunes hommes et femmes, ont été amenées en bus. Il y avait cette fois peu d’enfants, le Hamas ayant visiblement retenu la leçon après les critiques qui lui ont été adressées dans la bande de Gaza ainsi que par le monde arabe, lui reprochant d’envoyer les plus jeunes au devant du danger. Au même moment, l’instigateur augmenta le volume au maximum pour faire entendre un mélange de slogans et de louanges aux « martyrs ». A bout de souffle, il fit une pause, laissant place à des chants guerriers. Il était l’heure de lancer les premiers cerfs-volants.

L’échec du Hamas

Côté israélien, juste derrière moi, un drone s’était élevé pour détruire deux cerfs-volants en moins d’une seconde, puis s’était reposé au sol. La foule se rapprochait peu à peu de la ligne de barbelés, mais sans oser la franchir. Deux Palestiniens se sont démarqués du rassemblement pour faire rouler des pneus enflammés en direction des tireurs d’élite. La fumée noire s’épaississait peu à peu. D’autres se sont ensuite joints à eux, courant vers une autre position de tireurs d’élite. Une ambulance les accompagnait d’un hurlement de sirène, non pas pour se frayer un passage, mais pour les ameuter encore davantage. Un des commandants israéliens ordonna aux soldats de tirer des coups de semonce. Une brève rafale se fit entendre, les garçons s’arrêtèrent net. Vers 18h30, les émeutiers palestiniens se dispersèrent sans avoir, pendant ces quelques heures de rassemblement, manifesté de motivation particulière.

Bien au contraire d’ailleurs. Les protestataires paraissaient agir au ralenti. Seuls quelques cerfs-volants, chargés de bombes incendiaires, avaient été lancés depuis le quartier de Shuja’iyya, situé dans la zone est de la ville de Gaza, à quelques centaines de mètres de nous. Le vent du nord-ouest les a balayés vers les champs du kibbutz de Nahal Oz. Certains d’entre eux ont brûlé des herbes sèches au moment de leur chute. Mais les équipes de lutte contre les incendies, civile et militaire, se tenaient prêtes cette fois pour vaincre les feux. Là non plus, les Palestiniens n’ont pas enregistré de victoires. Parallèlement, près du passage de Karni, quelques hommes armés de cutters, ont réussi à couper la clôture de barbelés et à s’introduire à l’intérieur du périmètre de sécurité pour s’élancer vers la barrière séparant l’enclave de l’Etat hébreu. Les observant au travers du réticule de visée, les tireurs d’élite de Tsahal n’ont pas ouvert le feu. Les Palestiniens, moins de huit personnes en tout, ont lancé des bombes artisanales ainsi que d’autres engins explosifs semblables à des grenades de l’autre côté de la barrière, afin de faire reculer les soldats. Sur ordre du commandant de brigade, les militaires ont tiré, visant les jambes d’un des manifestants, qui s’est écroulé et a été évacué par ses complices vers une ambulance qui s’est ensuite éloignée vers les ruelles de Shuja’iyya. Cette séquence s’est répétée à plusieurs reprises, mais à intervalles espacés. Les Palestiniens s’approchant de la clôture paraissaient en furie.

Mais les milliers de protestataires qui se sont précipités il y a deux semaines vers la barrière de sécurité, entraînés par le Hamas, étaient absents cette fois. Les manifestants se traînaient paresseusement, comme par obligation. Tsahal a tiré les leçons des manifestations du jour de la Nakba le 15 mai dernier, déployant à présent des forces militaires beaucoup plus importantes et largement visibles, et mobilisant également des unités de renseignement chargées d’enregistrer chaque instant des évènements pour une information plus précise. Les cerfs-volants ont été également moins efficaces, stoppés par les drones, chutant par dizaines voire par centaines, au milieu des champs autour et derrière nous. Le Hamas a piteusement échoué vendredi. Ses appels à la mobilisation à prendre d’assaut la clôture en l’honneur du Jour de la Naksa et du dernier vendredi du Ramadan n’ont eu que peu d’écho. Moins de dix mille personnes se sont rassemblées et vers 18h, les manifestants se sont rendus à la prière du soir, puis au dîner qui brise le jeûne du Ramadan. Il est clair qu’avec une telle préparation de la part de Tsahal, militaire, mais aussi au niveau du renseignement, grâce à un déploiement d’unités d’observation chargées d’établir leur propre compte rendu en faveur d’une meilleure lutte médiatique, l’effet était des plus disuasifs. Les équipes internationales ayant filmé et photographié les manifestations qui ont entraîné la mort de plusieurs Palestiniens le jour de la Nakba, s’attendaient au pire. Ils se sont trompés. Pour autant, le problème à Gaza est loin d’être résolu. C’est un abcès où la haine et le désespoir s’accumulent, et si les Israéliens sont en droit de souffler, il faut savoir que l’histoire n’est pas encore terminée.

Ron Ben-Yishai est reporter et analyste spécialiste des questions militaires. Cet article a été publié avec l’aimable autorisation de Ynet.

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