Analyse : la stratégie Zemmour, par Jean-Marc Lévy

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Jean-Marc Lévy pour Israël Is Forever Alsace

Illustration : la belle France (chateau de Versailles)

Le constat est clair et connu : depuis 40 ans, sur fond d’augmentation quasi-incessante du chômage et de désindustrialisation du pays, la France ne défend plus ses intérêts souverains ou économiques, ni sa culture, ni son savoir, ni son histoire, ni sa langue ni même ses valeurs occidentales ou son mode de vie qu’elle abandonne parfois avec délice et repentance face à la tyrannie des minorités. La gauche qui a perdu depuis trente ans son magistère moral et intellectuel, a trahi et abandonné son électorat traditionnel (ouvriers, salariés, profs, …), remplaçant la lutte des classes par la lutte des races, pour aller se vautrer dans l’islamo-gauchisme, le wokisme et tous les délires « intersectionnels » et raci(ali)stes. De son côté, la droite qui ne travaille déjà plus depuis longtemps à un renouvellement de son corpus politique veut tellement plaire à la gauche qu’elle a honte d’être de droite. De son propre aveu, elle ne se voit que comme le moyen de corriger les errements de la gauche et de pallier son laxisme et son manque de rigueur. La droite a abandonné depuis longtemps ses valeurs et s’est peu à peu converti au progressisme le plus échevelé, tandis que le centre se ralliait à la gauche. Pourtant, depuis quarante ans, droite et gauche se succèdent au pouvoir, incapables de satisfaire les aspirations légitimes des Français qui veulent simplement vivre dignement de leur travail et en sécurité dans un pays qui ne se renie pas. Les politiques sont devenus peu à peu des gestionnaires, puis des moralistes qui masquent leur incompétence et leur absence de résultats par un prêchi-prêcha destiné à rééduquer les Français. Depuis quarante ans, la parole du peuple a été confisquée par des élites, qui condescendent encore à organiser des élections mais dont les élus ne tiennent plus leurs promesses, non par pragmatisme, mais au nom d’idéologies soi-disant progressistes et en réalité mortifères, ne travaillant plus pour l’intérêt de la majorité, et qui exercent un vrai pouvoir de nuisance en appliquant le principe du « vous n’en voulez pas ! Vous l’aurez quand même ! ». Les contrepouvoirs (media, juridictions supérieures) sont devenus désormais le pouvoir puisqu’ils pensent exactement comme eux, et le juge, aujourd’hui quasi-unanimement politisé à gauche, utilise son pouvoir de manière militante en devenant soit le bras armé du pouvoir soit l’instrument consentant et complice des minorités agissantes qui l’instrumentalisent et le manipulent à leur profit. Depuis des décennies, la démocratie est malade du dévoiement et de la confiscation du droit, des medias qui préfèrent la caricature, l’anathème, la posture, l’insulte ou la censure plutôt que le débat d’idées, du double-standard d’une justice soumise à une idéologie apte à criminaliser la dégustation d’un steak, mais capable de fermer les yeux sur l’assassinat d’une vieille dame juive. Emmanuel Macron représente le paroxysme de ce déclin français. Synthèse ratée de Giscard et de Rocard, ayant prospéré sur les ruines d’un socialisme à la française, qu’il a débarrassé de ses oripeaux, Emmanuel Macron a réalisé l’alliance louis-philliparde des bourgeoisies de droite et de gauche. Mais loin de tenir ses promesses, l’homme qui n’aimait pas le peuple n’a cessé, durant ce quinquennat qui s’achève, de délégitimer la voix du peuple et de l’opposition parlementaire, qu’il a remplacé par de pseudo-conventions citoyennes tirées au sort – la négation de la démocratie – et n’a jamais hésité, pour faire avancer un agenda militant, à violer les libertés individuelles fondamentales de Gaulois réfractaires qu’il a cherché à tout prix à mater. Les Français ont subi également l’autoritarisme et la régression démocratique d’un président dont l’obsession est le contrôle de l’information et la réécriture de l’Histoire. La bonne santé de la démocratie française s’apprécie dans ces deux chiffres : 70% des Français se sont abstenus lors des dernières élections régionales, alors même que le parti présidentiel – le bien mal nommé La République en Marche – avait recueilli 2% des suffrages (abstention comprise ) !

C’est dans ce contexte, alors que la fonction présidentielle n’est plus incarnée, que l’Etat n’a jamais été aussi faible dans toutes ses prérogatives régaliennes, que la campagne que souhaitaient le pouvoir et les medias s’annonçait déjà écrite, qu’Eric Zemmour déboule dans une mécanique qui semblait bien rôdée. En trois mois, au cours de rencontres littéraires qui fleuraient bon le meeting politique, l’écrivain a déchiré le voile du politiquement correct et de l’omerta politique et médiatique sur des sujets qui étaient tabous ou mis sous le tapis jusque-là, et réussi à imposer ses thèmes de prédilection en obligeant ses challengers de droite et de gauche à sortir parfois du déni et à se positionner.

Selon sa propre analyse, son socle électoral est composé d’un tiers de déçus de la droite LR qui avaient choisi François Fillon, d’un tiers de la droite nationale RN et d’un tiers d’abstentionnistes. Alors que le constat d’Eric Zemmour est partagé par 70% des Français, alors que l’alerte sécuritaire de la tribune des généraux en mai dernier a recueilli 58 % de soutien populaire et que l’abstention électorale bat des records, le nouveau candidat doit élargir sa base. Alors qu’il n’a pas de parti derrière lui pour l’instant – et c’est ce qui peut lui arriver de mieux – il dialogue depuis trois mois directement avec les Français. Les électeurs n’étant la propriété de personne, Eric Zemmour doit cristalliser sur sa candidature l’alliance d’une droite populaire et plus bourgeoise ou plus intellectuelle, autant que les abstentionnistes, souvent de droite, indisposés par la dérive centro-progressiste de la droite juppéiste et qui boudent les urnes depuis des années. La campagne clivante du candidat maintenant déclaré, qui n’est pas sans rappeler celle de Nicolas Sarkozy, se fera sur la restauration de la souveraineté nationale et sur celle de l’autorité de l’Etat. Celui dont la stratégie ressemble à celle de Donald Trump et qui représente la seule véritable alternative à Emmanuel Macron doit maintenant présenter un programme et convaincre. C’est un pari  loin d’être gagné, car la ligne de crête d’Eric Zemmour est ténue, puisqu’il doit rallier sans se rallier. S’il y parvient et s’il transforme l’espoir que suscite sa candidature en victoire électorale, ce ne sera pas la victoire du vote populiste, mais bien celle du vote populaire.

NDLR : La France, la France… Mais la présente analyse serait tout à fait valable pour Israël également… Voire pour les Etats Unis. S’agirait-il d’un phénomène mondial ?

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