Pourquoi la Chine soutient-elle le régime de Kim Jong-Un ?

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La Chine est le puissant voisin de la Corée du Nord avec laquelle elle partage une frontière de 880 milles. Elle est aussi son principal partenaire commercial, leurs échanges représentant plus de 90 pour cent du commerce de la Corée du Nord.

Aucun pays n’a plus d’influence sur la Corée du Nord que la Chine.

Après l’annonce d’un nouveau test nucléaire mené par la Corée du Nord, le président Trump a dit envisager d’arrêter «tous les échanges commerciaux» avec les pays faisant des affaires avec Pyongyang.

Les Chinois se sentant visés, ont qualifié cette position de Trump d’injuste car ils seraient lourdement pénalisés, étant donné que les États-Unis importent de la Chine des marchandises d’une valeur d’environ 40 milliards de dollars par mois.

Les Chinois prétendent qu’ils font de gros efforts afin de « résoudre pacifiquement cette question».

Pourquoi, en vérité, les Chinois ont laissé Kim Jong-un se doter de l’arme nucléaire et pourquoi ils ne feront rien du tout pour mettre fin à son régime.

Pourquoi Kim Jong-un insiste pour se doter de l’arme nucléaire

 

Depuis que Kim Jong-un est au pouvoir en 2012, il a utilisé le développement des armes nucléaires – un héritage du règne de son père – en tant que pilier de la stratégie nationale de son régime. En plus d’étendre ses capacités de frappe nucléaire en effectuant des essais nucléaires et antimissiles, la Corée du Nord a également construit un réacteur nucléaire à eau légère et une installation d’enrichissement d’uranium, et a redémarré son réacteur nucléaire de cinq mégawatts à Yongbyon, permettant au pays de construire lentement son stock de combustible nucléaire.

Des estimations récentes suggèrent que le stock d’armes nucléaires de la Corée du Nord comprend de dix à seize armes nucléaires et pourrait croître rapidement d’ici 2020 jusqu’à une estimation minimale de 20 armes et une estimation maximale allant jusqu’à 125 armes.

La Corée du Nord est-elle le problème de la Chine ?

Le rêve d’une Corée réunifiée et démocratique pour les Américains est aussi un cauchemar pour les Chinois

La Corée du Nord est actuellement une priorité de sécurité nationale pour les États-Unis parce que Kim Jong-un construit des missiles nucléaires capables de les atteindre, mais les autorités chinoises ne partagent pas ce sentiment d’urgence.

La Corée du Nord possède des armes nucléaires et des missiles à plus courte distance qui peuvent frapper la Chine depuis des années.

Pourtant, tandis que la Chine s’oppose au programme d’armes nucléaires de la Corée du Nord, sa principale préoccupation en matière de sécurité à cet égard est bien différente de celle des Américains.

La Chine craint l’effondrement du gouvernement de Kim Jong-un qui, selon elle, créerait un tel chaos dans le Nord, qu’il générerait une crise de réfugiés nord-coréens affluant chez elle. Ce serait aussi une occasion pour les Américains d’augmenter leur présence militaire dans la région et jusqu’aux frontières de la Chine.

Le gouvernement chinois estime donc qu’il n’a pas intérêt à réprimer la Corée du Nord tel que lui demande l’Administration Trump car cela pourrait conduire à la chute de Kim.

Le rêve d’une Corée réunifiée et démocratique pour les Américains est aussi un cauchemar pour les Chinois.

D’après Scott A. Snyder, un expert sur la Corée qui siège au Conseil des relations extérieures des États-Unis, la Chine « est le cordon ombilical qui maintient en vie la Corée du Nord. (…) Mais leur principal intérêt est la stabilité dans la péninsule. Ils ont donc un effet de levier qu’ils ne peuvent pas utiliser, essentiellement parce que s’ils l’utilisent, ils vont générer de l’instabilité. »

La Corée du Nord a montré ces dernières années une indépendance considérable vis-à-vis de la Chine en ce qui concerne son programme d’armes nucléaires. Elle a, par exemple, persisté à tester des missiles malgré l’embargo de la Chine sur les importations de charbon.

En novembre 2015, Scott A. Snyder écrivait dans la conclusion de son rapport* destiné à l’Administration Obama les observations suivantes:

  1. « Si l’Occident accepte que la Corée du Nord devienne un État possédant des armes nucléaires, la portée et l’ampleur des efforts de chantage nord-coréen envers ses voisins vont probablement s’intensifier. L’alternative serait d’utiliser la force militaire pour provoquer des changements de régime afin de réaliser la dénucléarisation.
  2. Étant donné l’intérêt de la Chine à maintenir la stabilité de la péninsule coréenne et sa réticence croissante à soutenir le régime de Kim Jong-un (sic), la poursuite d’une approche coordonnée à l’échelle internationale définissant les conditions de la survie du régime nord-coréen et sa stabilité économique devraient être attrayantes pour Pékin.
  3. Le risque que la pression économique accrue sur Pyongyang induise une instabilité ou un contrecoup est relativement faible en comparaison des coûts d’un conflit militaire, des conséquences de la prolifération nucléaire nord-coréenne ou des préparatifs militaires supplémentaires devenus nécessaires afin de contenir les capacités nucléaires de la Corée du Nord.
  4. Le risque de prolifération accrue de la Corée du Nord d’ici 2020 et ses efforts pour développer la capacité de mener une frappe nucléaire directe sur les États-Unis signifie que le fait de ne pas agir maintenant obligera la prochaine Administration américaine à faire des choix parmi des options beaucoup moins acceptables face à une crise aggravée de la Corée du Nord.»

Conclusion

Ceux qui seraient tentés de considérer Trump comme un va-t-en-guerre dont l’impulsivité et le manque d’expérience vont causer un conflit nucléaire avec la Corée du Nord devraient méditer les informations suivantes:

  • En 1994, sous la présidence de Bill Clinton, les États-Unis, suspectant la Corée du Nord de chercher à fabriquer des armes nucléaires, se préparent à une guerre. Le secrétaire de la Défense, William J. Perry, annonce l’envoi de troupes en Corée du Sud, et se dit prêt à accepter les risques de guerre qui en découlent, préférant celui-ci à un risque nucléaire.
  • Des plans sont dressés pour envoyer des avions F117 et lancer des missiles de croisière sur un réacteur nucléaire à Yongbyon, afin d’empêcher les Coréens de pouvoir en extraire de quoi fabriquer des armes. Finalement, la guerre est évitée à la suite de négociations où le gouvernement nord-coréen s’engage à ne pas fabriquer de telles armes, en échange d’un programme d’aide d’un milliard de dollars des États-Unis.
  • Le processus de normalisation sous la présidence de Bill Clinton a pris fin avec l’élection de George W. Bush, qui a inclus la Corée du Nord dans la liste des pays de l’Axe du Mal en janvier 2002, tandis que le renforcement des sanctions financières américaines contre la Corée du Nord a accru les effets de l’embargo américain.
  • Les tensions américano-nord-coréennes sont montées d’un cran après que les États-Unis eurent accusé la Corée du Nord de conduire un programme clandestin d’enrichissement de l’uranium à des fins militaires, ce que la Corée du Nord a toujours nié alors que ce pays a développé secrètement des armes nucléaires

En 2015, Scott A. Snyder concluait que pour mettre fin à la menace nucléaire nord-coréenne, les États-Unis devaient faire trois choses:

  • Washington devait augmenter la pression sur Pyongyang afin que le régime reconnaisse son choix existentiel entre sa survie et son statut de puissance nucléaire.
  • Les États-Unis devaient poursuivre des pourparlers à cinq, c’est à dire sans la Corée du Nord (les discussions à six comprenant Pyongyang, Beijing, Washington, Tokyo, Moscou et Séoul ont été lancées par George W Bush en 2003 mais n’ont donné aucun résultat) pour développer une voie viable afin que la Corée du Nord survive et profite de la dénucléarisation. Un tel consensus à l’échelle régionale sur la voie à suivre vers la dénucléarisation devant induire un débat en Corée du Nord concernant les coûts et les avantages de sa poursuite du nucléaire.
  • Troisièmement, les États-Unis devaient encourager la Chine et la Russie à retirer leur soutien politique et à accroître la pression sur la Corée du Nord jusqu’à ce que le régime s’engage à la dénucléarisation.

Autrement dit, les experts américains, les Chinois et maintenant Poutine, recommandent de continuer les parlottes qui n’ont servi à rien depuis plus de quinze ans !

Selon l’Administration Trump, la principale façon dont la Chine peut obliger Kim Jong Un à changer sa stratégie nucléaire, est d’appliquer pleinement les sanctions existantes du Conseil de sécurité de l’ONU et de restreindre le commerce avec la Corée du Nord bien au-delà de ce qui est inclus dans ces sanctions.

Afin de persuader les dirigeants chinois de le faire, les fonctionnaires américains ont utilisé alternativement les carottes et les bâtons.

Trump a louangé le président chinois, Xi Jinping, et lui a offert un accord commercial favorable en échange d’une aide sur la Corée du Nord. Mais le président et ses conseillers ont également menacé d’aller en guerre sur la péninsule coréenne – une perspective terrifiante pour les Chinois – si la Chine ne met pas un frein au programme nucléaire de la Corée du Nord. (Le récent avertissement d’agir par «fire and fury» de Trump était autant destiné à Beijing qu’à Pyongyang).

Voilà pour le néophyte, homme d’affaires impulsif et imprévisible que se plaisent à dénoncer les chroniqueurs gauchistes tels que le politologue Pierre Martin dans le Journal de Montréal.

© Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.

*Addressing North Korea’s Nuclear Problem, November 19, 2015, Council of Foreign Relations.

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