Pourquoi la decision du conseil de sécurité est juridiquement contestable?

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La résolution du Conseil de Sécurité déclarant les implantations israéliennes en Cisjordanie illégales et demandant leur gel est passée grâce à une abstention des Etats Unis et avec le soutien de la France, de la Grande Bretagne et des autres membres du Conseil de Sécurité. La question juridique est au cœur du contentieux israélo-palestinien. Et au cœur de celle-ci, le statut des réfugiés palestiniens et des territoires de Cisjordanie/Judée Samarie et de Jérusalem. Jetons un regard sur les principaux jalons juridiques de ce conflit pour mieux comprendre la position israélienne ainsi que certaines revendications palestiniennes, voire l’attitude de l’Union Européenne sur le dossier des implantations et des réfugiés palestiniens.conseil.

La dévolution de la Palestine au Foyer Juif par la puissance mandataire

Chacun, bien sûr, a entendu parler de la déclaration Balfour de 1917 par laquelle la Grande Bretagne s’engage à créer un Foyer Juif en Palestine ; mais à cette date, si la Grande Bretagne était engagée dans la conquête de la Palestine (elle occupait déjà Jérusalem), elle ne disposait pas encore des droits d’une puissance mandataire : il ne s’agissait que d’une déclaration d’intention.

Aussi, le texte constitutif de l’établissement du Foyer Juif en Palestine est la conférence de San Remo de 1920 entre les puissances alliées de la guerre de 1914 qui vise à fixer le sort des provinces arabes de l’Empire Turc : la France se voit confier un rôle de protection en Syrie et au Liban et la Grande Bretagne un mandat sur la Palestine pour y créer un Foyer national Juif. Ces dispositions furent confirmées en 1922 par la Société des Nations (l’ancêtre de l’ONU créé au lendemain de la guerre de 1914).

Voici le texte original de la SDN traduit de l’anglais : Les hautes parties contractantes conviennent de confier, par application des dispositions de l’article 22, l’administration de la Palestine, dans les limites qui pourraient être déterminée par les principales puissances alliées, à un mandataire, sélectionné par lesdites Puissances.

Le mandataire sera responsable de la mise en vigueur de la déclaration à l’origine faite le 8 novembre 1917, par le gouvernement britannique, et adoptée par l’autre des puissances alliées, en faveur de l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.

Le mandataire sera la Grande Bretagne. Haut du formulaire : Le territoire de Palestine sous mandat et destiné à l’établissement du Foyer Juif se situait sur les deux rives du Jourdain, incluant la Jordanie actuelle, la Judée-Samarie (Cisjordanie) et Israël actuel. La frontière Nord étant la Syrie et le Liban, sous mandat français et à l’Est la Babylonie (Irak).

Observons que si la référence au Foyer Juif de la déclaration Balfour est on ne peut plus claire, nulle part il n’est fait mention à l’origine d’un « peuple arabe palestinien », mais de préserver les droits civiques et religieux des communautés non-juives résidant sur le territoire.

La diminution du territoire du Foyer Juif par soustraction de la Transjordanie

En raison des émeutes arabes qui éclatent en Palestine ou d’autres éléments liés au contexte régional puis international, les Anglais vont infléchir leur politique vis-à-vis du Foyer Juif.

En 1922, dès sa prise de fonction, la puissance mandataire scinde le territoire en deux et crée un émirat sur la rive est du Jourdain et l’offre à Abdallah, fils d’un chérif de la Mecque, de la dynastie Hachémite, chassé par la famille des Séoud (d’où l’Arabie Séoudite) et à qui les Britanniques avaient d’abord promis la Syrie, ce qui était contradictoire avec leur décision de l’attribuer à la France. Ainsi se comportaient alors les puissances de ce monde. Elle obtient l’accord des dirigeants juif pour cette cession d’une partie de leur foyer national.

La restriction de l’immigration juive

Le mandat confié aux Britanniques précisait que la puissance mandataire devait « placer le pays dans des conditions politiques, administratives et économiques qui permettront l’établissement d’un foyer national juif et le développement d’institutions d’autogouvernement », ainsi que « faciliter l’immigration juive et encourager l’installation compacte des Juifs sur les terres ».

Telle était la définition donnée au Foyer national Juif.

Or, à partir de 1922, les Britanniques commencent à freiner l’immigration juive par une série de « Livres Blancs », ce qui entraîne une importante immigration clandestine.

A la suite de la révolte arabe de 1936-1939, un troisième Livre Blanc est publié en 1939, limitant l’immigration juive à 75000 personnes sur une durée de 5 ans, ceci au moment où les exactions contre les Juifs allemands se généralisent. Au terme de cette période, aucune immigration juive ne sera tolérée, sauf à ce que la population arabe y consente. D’importantes restrictions sur les achats de terres par les Juifs sont également édictées.

Si les deux premiers Livres Blancs visaient à rassurer la population arabe de Palestine, l’objectif du troisième Livre Blanc est clairement d’éviter que les Arabes ne se portent au côté des Nazis.

Enfin, à la fin de la seconde Guerre mondiale, et jusqu’à l’indépendance d’Israël en 1948, les Britanniques poursuivent la politique édictée par le troisième Livre Blanc, qui s’applique alors particulièrement à l’afflux massif des rescapés de la Shoah, et internent des dizaines de milliers d’immigrants clandestins à Chypre et en Europe.

Entretemps, dès 1946, l’indépendance complète du royaume de Transjordanie est reconnue, la Transjordanie est admise à l’ONU et l’Emir en devient le roi.

Le plan de partage de l’ONU accepté par Israël et la guerre de 1948

Le 29 novembre 1947, la résolution 181 de l’ONU approuve un plan de partage de la Palestine (au sens du territoire incluant l’Israël et la Cisjordanie actuelle) entre un État Juif et un État Arabe avec Union économique. C’est, après San Remo suivi de la décision de la SDN, le deuxième acte de juridiction internationale. Jérusalem se voit accorder un statut spécial et reste sous mandat international.

Cette résolution est rejetée par les communautés arabes de Palestine et il s’ensuit une guerre civile meurtrière entre Juifs et Arabes palestiniens dès le lendemain du vote (5000 victimes juives et arabes). La guerre civile ne sera qu’un prélude à la une guerre généralisée Israélo-Arabe qui éclatera six mois plus tard, le 15 mai 1948, suite à la fin du Mandat Britannique et à la déclaration d’indépendance d’Israël.

Cette guerre, se conclura par des accords d’armistice signés entre Israël et les différents pays arabes engagés (à l’exception de l’Irak) entre février et juillet 1949.

Elle sauve l’Etat d’Israël du risque de la disparition et élargit ses territoires définis par le Plan de Partage. Une partie de la Cisjordanie et l’Est de Jérusalem sont occupés par la Transjordanie, qui devient le Royaume de Jordanie. L’annexion de la Cisjordanie par la Jordanie n’a été reconnue de jure que par le Royaume Uni. Les arabes palestiniens vivant dans les frontières d’Israël et de Jordanie reçoivent la citoyenneté de ces pays. La bande de Gaza passe sous administration égyptienne.

Observons que le territoire de Cisjordanie (Judée-Samarie) n’a donc pas de statut juridique établi. Les frontières entre Israël et la Jordanie, résultant de la guerre pour l’indépendance israélienne, sont des lignes d’armistice et non des frontières reconnues.

Le traitement des réfugiés palestiniens

Aucun accord entre Israël et les pays arabes ne peut être obtenu sur la question des réfugiés palestiniens. L’ONU créera donc l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), avec la mission de mettre en place un programme économique de soutien aux réfugiés.

A l’occasion de la guerre des Six Jours (1967), les Israéliens conquièrent et occupent la partie cisjordanienne du Royaume de Jordanie entrainant le départ d’environ 300.000 arabes palestiniens vers la Jordanie.

La résolution 242 de l’ONU fait suite à cette guerre et prévoit :

  • Le retrait israélien des (version française) / de (version anglaise) territoires occupés.

  • La fin de toute revendication ou état de belligérance.

  • Le respect et la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues.

  • La nécessité de garantir un juste règlement du problème des réfugiés (sans autre précision).

Les derniers développements juridiques

En 1988, le roi de Jordanie renonce officiellement à tout droit sur la Cisjordanie occupée par Israël au profit de l’OLP. Cet acte est surtout politique – se dégager de la question palestinienne car le Royaume n’a aucun droit légal sur ce territoire.

Enfin avec les accords d’Oslo entre Israël et l’OLP en 1993, représentant des arabes de Cisjordanie, les parties concernées ont partagé le territoire de Cisjordanie/Judée Samarie en 3 zones : la zone A sous contrôle palestinien, B sous contrôle militaire israélien et administratif palestinien et C sous contrôle israélien. Les négociations concernant le statut final devaient trancher l’affectation de ces territoires mais elles n’ont pas débouché jusqu’à ce jour.

Les accords d’Oslo remettent à des négociations ultérieures sur le statut final des questions clé telles que :

  • Jérusalem,

  • Le statut des réfugiés,

  • Les implantations juives en Cisjordanie (Judée-Samarie),

  • Les arrangements de sécurité,

  • Les frontières définitives,

  • Les relations et la coopération avec les états voisins.

Depuis, les tentatives de négociations en vue d’un accord final ayant toujours débouché sur des impasses, aucune de ces questions n’a trouvé à ce jour de solution pouvant constituer une base légale.

A noter qu’aucune disposition des accords d’Oslo n’interdit la poursuite des constructions dans les implantations juives de la zone C contrôlée par Israël.

Le statut juridique des territoires

Certains juristes considèrent que la position d’Israël au plan du droit international concernant son occupation et ses constructions dans les territoires de Judée Samarie et à Jérusalem est illégale. Ils s’appuient sur une décision de la Cour de Justice Internationale de 2004 statuant sur la légalité du mur de séparation et considérant la Cisjordanie comme un territoire occupé et cette construction contraire au droit international, ou sur la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne allant dans le même sens et ayant entraîné le marquage des produits des territoires. La question de la construction à Jérusalem est également problématique, celle-ci conservant encore son statut international spécial conformément à la résolution de 1947.

Si ces interprétations devaient prévaloir, ces constructions seraient interdites selon le droit international.

Dans ce débat juridique, plusieurs éléments pourraient confortent la position israélienne :

  • Comme on l’a vu, depuis le refus arabe de 1947, les territoires de Cisjordanie/Judée Samarie n’ont pas de statut juridique clair. Certains experts juridiques prétendent que cession de ce territoire au foyer juif par la puissance mandataire n’a pas été remise en cause depuis en raison du refus arabe de 1947 et qu’Israël possède bien des droits légaux sur ce territoire.

  • La Cour suprême d’Israël qui est reconnue au plan international pour la qualité et l’indépendance de ses jugements a autorisé jusqu’à ce jour la construction dans les territoires. C’est donc que pour elle, celle-ci a une base juridique en droit international vu du point de vue israélien.

  • Enfin comme on l’a vu, les accords d’Oslo, conclus entre Israël et l’OLP représentant les Palestiniens laissent en suspens des questions fondamentales, n’interdisent pas la poursuite de la construction israélienne dans ces territoires occupés/disputés et ne fixe pas le sort des implantations en cas d’accord final.

Le statut juridique des réfugiés

Concernant les réfugiés palestiniens, ils sont concernés par deux résolutions de l’ONU : la résolution de 1948 qui demandait le retour des réfugiés qui le souhaiteraient et l’indemnisation de ceux qui y renonceraient (soit à l’époque environ 800.000 personnes) et la résolution 242 de 1967 qui comme on l’a vu ne parle que d’un juste règlement du problème des réfugiés, laissant cette question ouverte à la négociation. Il est vrai que la première résolution supposait la signature d’un accord de paix qui n’a pas eu lieu. Le nombre des réfugiés enregistrés aujourd’hui se monte à plus de 5.000.000 (ce chiffre inclut ceux de Gaza et de Cisjordanie) ce qui prend en compte les survivants de 1948 et leurs descendants. Cette situation créée par l’ONU est unique. Après les nombreux exodes qui se sont produits dans des situations de conflit dans le monde, seule la génération ayant migré était considérée comme réfugiée. De plus la plupart des réfugiés ont été intégrés dans les pays d’accueil, ce qui n’a pas été le cas dans les pays arabes sauf en Jordanie.

Conclusion

Le droit international reste le cadre dans lequel la solution du conflit doit être envisagée. Mais il ne peut être la seule considération : par exemple, pour Israël le respect strict de la résolution du Conseil de Sécurité de 1967 (au sens de l’interprétation française) signifierait le repli sur des frontières indéfendables face au terrorisme : il signifierait en effet l’arrivée incontrôlée d’armes et de terroristes en Palestine pour poursuivre la lutte armée. Il serait donc le déclencheur d’une nouvelle guerre et non une garantie de paix, dans le contexte régional et international actuel. De même, l’acceptation par Israël du principe du droit au retour l’ensemble des personnes ayant statut de réfugié signifierait concrètement un afflux démographique arabe qui causerait la disparition d’Israël comme un Etat-Nation du peuple juif vivant à côté d’un Etat palestinien arabe.

Le droit international sur ces questions comporte suffisamment d’ambiguïté pour laisser ouverte les types de solutions à promouvoir. La dernière décision du Conseil de Sécurité, en voulant clarifier la situation dans des conditions qui ne paraissent pas conformes aux données juridiques rassemblées ici, risque fort de l’envenimer.

Collectif Ré-information – 

Source www.tel-avivre.com

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