Le droit du peuple juif à disposer de lui-même

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La loi adoptée le 19 juillet 2018 ne fait, en réalité, que corriger une dérive institutionnelle qui a progressivement transformé l’Etat juif (ou des Juifs), en l’Etat de  tous ses citoyens. Il était donc nécessaire de rappeler la vocation d’Israël, à savoir permettre au peuple juif de disposer de lui-même, tout en consacrant une égalité des droits civiques à l’ensemble des citoyens du pays, qu’ils soient juifs ou non.

Rappelons donc que la Loi sur l’Etat Nation du peuple juif ne contrevient pas à l’annonce faite, le 2 novembre 1917*, par Lord Balfour, secrétaire des Affaires Etrangères Britannique, à Lionel Rothschild, responsable de la communauté juive en Angleterre : « le Gouvernement de sa majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine, d’un foyer national pour les Juifs qui ne porte pas atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives ». Il était alors bien question d’un foyer pour la nation juive, même s’il devait prendre en considération les droits des minorités.

De même, la Loi fondamentale est parfaitement compatible avec la résolution 181 de l’Onu du 29 novembre 1947 qui a décidé du plan de partage de la Palestine en un Etat juif, un Etat arabe (et un statut international pour Jérusalem et la banlieue). Les pays arabes de la région ne l’ont jamais admise et la Transjordanie a finalement annexé la Cisjordanie et Jérusalem, en avril 1950. De même,  les arabes de Palestine n’acceptaient pas que les terres sous la souveraineté de l’empire ottoman, puis sous mandat Britannique (jusqu’en mai 1948), soient réparties entre Juifs et arabes. Néanmoins, la vocation de la résolution 181 était très claire, en l’occurrence, créer un Etat juif.

Enfin et surtout, le principe du droit à l’autodétermination est consacré par la Charte de l’Onu qui rappelle qu’un des buts des Nations Unies est de développer entre les nations, des relations amicales fondées sur « le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes » (article 1 alinéa 2). Le peuple juif dispose donc du droit, libre et souverain, de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère.

Ainsi, le fait, pour la Knesset, d’insérer dans son dispositif institutionnel, un rappel de son identité historique et de la vocation de l’Etat (telles qu’envisagées à l’origine), ne devrait choquer personne. Inversement, ce sont les contestations de cette Loi qui constituent une atteinte au peuple juif de disposer de lui-même.

En effet, la déclaration d’indépendance du 14 mai 1948 a rappelé « le droit naturel du peuple juif est d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre Etat souverain » avant de proclamer « la fondation de l’Etat juif dans le pays d’Israël qui portera le nom d’Etat d’Israël ».

L’inconvénient pour Israël, résulte d’une dérive institutionnelle, issue de la Loi fondamentale de 1992 sur la dignité et la Liberté qui a fait d’Israël un Etat juif et démocratique. En réalité, cette Loi n’a fait que transposer, en Israël, l’ensemble des principes issus des Droits de l’Homme concernant les libertés individuelles et le respect des personnes, de leurs biens et de leur intimité. Si donc le texte a rappelé la liberté pour les ressortissants de quitter le pays et pour les Juifs du monde de la faculté de s’y établir, bon nombre ont interprété le texte comme emportant une renonciation à son identité d’origine pour devenir le pays de tous ses ressortissants.

En outre, une forme de renonciation à la judéité de l’Etat est venue du retrait d’une mention fondamentale sur les cartes d’identité des israéliens. Le concept de nationalité (leoumiyoute), c’est à dire le lien juridique qui existe entre les nationaux et leur Etat (comme c’est le cas dans tous les Etats démocratiques ou non) n’a jamais été institué en Israël. Pour autant, et bien que la langue hébraïque distingue le concept de citoyenneté (Ezrar) et celui de nation (leom), la teoudat zeout ne mentionne plus la nationalité des citoyens israéliens depuis 2002. Autrement dit, depuis cette date, la carte d’identité israélienne ne mentionne plus si le citoyen est juif, arabe, druze, bédouin, circassien… en raison de la disparition de la rubrique « léom » sur la carte d’identité  israélienne.

En 2002, la Cour Suprême israélienne a imposé au Ministre de l’intérieur d’inscrire la mention « Juif » sur les cartes d’identité des Juifs convertis au judaïsme réformé. Or, Eli Yichai (du parti orthodoxe shass), a refusé de le faire, compte tenu de ce qu’il refusait de considérer comme juives, les personnes converties dans des conditions qui ne respectent pas la Halakha. Il a donc décidé de supprimer cette mention relative à la nationalité sur les cartes d’identité. Par la suite, en 2004, la Cour Suprême a débouté les Juifs israéliens (qui demandaient le rétablissement de cette mention), estimant que la demande était motivée par des seules considérations statistiques.

Ce délitement de la prééminence nationale juive s’est, en outre, accompagné de la difficulté, pour l’Etat d’Israël, de faire appliquer la règle tenant au serment d’allégeance par les députés non juif de la Knesset. La Loi fondamentale sur la Knesset du 12 février 1958 a mis à la charge des députés, une obligation de déclarer allégeance à Israël (art 15). Or, le député ne peut disposer des prérogatives attachées à la fonction, avant d’avoir prêté serment (art 16). Or, l’alinéa suivant interdit les députés de disposer d’une autre citoyenneté pour prêter serment.

Aussi, et faute de rappeler qu’Israël est l’Etat nation du peuple juif, les députés arabes de la Knesset (qui se disent députés palestiniens de la haute Assemblée) ne se privent pas de violer leur serment. Ils ont appelé l’ensemble du peuple palestinien à faire grève le 11 août 2018, dans l’ensemble de ce qu’ils appellent « la Palestine occupée » (sic)  contre ce qu’ils disent être l’apartheid israélien (sic). Le député Ahmed Tibi considère que la loi sur la nationalité juive crée deux types de citoyens dans une tentative de fausser l’histoire par la législation et les lois (sic). Pour lui, la Loi viole l’accord-cadre bilatéral signé avec l’Union européenne qui stipule : « L’Europe et Israël partagent les valeurs de démocratie, égalité et défense de droits de l’Homme ».

Bien évidemment, il n’en est rien. Tous les pays européens, opèrent une distinction entre d’une part, les ressortissants nationaux, d’autre part, ceux qui ne le sont pas, mais en situation régulière dans le pays, et, de troisième part, les non nationaux en situation irrégulière. Il est donc temps, pour Israël, qu’il en fasse de même. L’Europe, elle-même, fait les frais d’une renonciation au respect des identités nationales. Résultat, les identités locales en Espagne, en Corse, au pays basque se réaffirment, au risque de fragmenter les entités étatiques. Qu’Israël en soit préservé.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

  • “La déclaration Balfour de 1917 est une lettre ouverte datée du 2 novembre 1917 et signée par Arthur Balfour, le Foreign Secretary britannique. Elle est adressée à Lord Lionel Walter Rothschild (1868-1937), éminence de la communauté juive britannique et financier du mouvement sioniste, aux fins de retransmission.

    « Cher Lord Rothschild,
    J’ai le grand plaisir de vous adresser, de la part du Gouvernement de Sa Majesté, la déclaration suivante, sympathisant avec les aspirations juives sionistes, déclaration qui, soumise au cabinet, a été approuvée par lui.
    Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour les Juifs et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et aux statuts politiques dont les Juifs disposent dans tout autre pays.
    Je vous serais obligé de porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste (en). »

    — Arthur James Balfour1.

    La déclaration est publiée dans le Times de Londres le 9 novembre, dans l’encart « Palestine for the Jews. Official Sympathy. »https://fr.wikipedia.org/…/D%C3%A9claration_Balfour_de…

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