Les écoles hors contrat en danger en France ?

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Nouvelle étape dans le débat sur la laïcité et nouvelle cible : les écoles hors contrat.

Alors que la France doit, tous les jours un peu plus, faire face au débat que provoque la montée d’un islam radical dans ses rues et ses écoles, Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’éducation nationale, a dit la semaine dernière qu’elle se sentait préoccupée par le développement des écoles dites « hors contrat » – ces établissements scolaires totalement indépendants du contrôle de l’Etat  – qui sont autant de « choix pédagogiques » pouvant exprimer un « repli religieux ou communautaire ».

 

(Rappelons tout de suite que les établissements hors contrat ont une gestion totalement autonome, embauchent qui ils veulent sans qu’il soit nécessaire de posséder un diplôme, et ne sont pas non plus tenus de suivre les programmes officiels, même si l’Etat, au nom du droit à l’éducation qui revient à chaque enfant, veille à ce qu’un minimum de connaissances soit acquis).

 

« Des citoyens, des élus locaux sont inquiets de voir se développer en France des embrigadements idéologiques ou confessionnels hostiles aux valeurs républicaines… »

 

« Il me faut convenir devant vous que le ministère de l’Education nationale est aujourd’hui effectivement préoccupé par le rythme de développement des établissements privés hors contrat et de l’instruction à domicile », a fait savoir Najat Vallaud-Belkacem jeudi dernier lors d’un point avec la presse.

 

Avant d’ajouter : « Je reçois de plus en plus de signalements dans le contexte anxiogène que nous vivons. Des citoyens, des élus locaux sont inquiets de voir se développer en France des embrigadements idéologiques ou confessionnels hostiles aux valeurs républicaines. » Et de conclure : « Renforcer le contrôle du droit à l’éducation, c’est le meilleur moyen de protéger la liberté de l’enseignement. »

 

Dans les faits, les mesures annoncées ne sont pas de grande ampleur puisqu’il s’agit surtout de modifier l’obtention du droit à ouvrir un établissement d’éducation hors contrat, mais leurs retombées peuvent s’avérer déplorables.

 

Jusqu’ici en effet, il suffisait de déposer une déclaration préalable à la mairie, devant le rectorat et le procureur de la République. Les autorités disposaient jusqu’à ce jour de délais courts (huit jours pour le maire, un mois pour l’administration) pour s’opposer à l’ouverture d’un établissement hors contrat qui en faisaient la demande. Alors qu’au contraire qu’inversement, pour obtenir la fermeture d’un établissement une fois ouvert, une procédure devant la justice est nécessaire et elle prend environ une année scolaire pour aboutir. Estimant que les délais de création sont bien trop courts, le ministère propose donc, à la place, de passer à un système d’autorisation préalable, « avec un délai d’instruction raisonnable de quatre mois », même si un refus de la part des autorités peut être ensuite contesté devant la justice.

 

Une façade démocratique

 

Mais derrière cette façade « démocratique » se trame, nous semble-t-il, un tout autre problème. Car il y a tout lieu de craindre qu’en voulant combattre un certain fondamentalisme religieux, Vallaud-Belkacem s’attaque à tout l’édifice de la laïcité qu’elle prétend pourtant défendre… Lorsqu’elle utilise l’euphémisme du « contexte anxiogène que nous vivons« , Mme. La ministre flatte les peurs attisées par la droite face au développement en France des écoles. Car, en vérité, cette loi vise l’ensemble de l’enseignement privé surtout lorsqu’il est religieux.

Est-ce qu’en cherchant à lui faire assumer les pleins pouvoirs sous prétexte de répondre au problème de la laïcité « française », la ministre n’affecte-t-elle pas au contraire la légitimité d’un législateur qu’elle est pourtant censée représenter ? Et qu’en agissant comme si la question même du droit à l’égalité devant l’enseignement n’en n’était pas une – comme s’il n’était pas urgent que l’Etat prenne position sur le statut à donner à un message hostile à ses fondements – Mme. Najat Vallaud-Belkacem ne porte-t-elle atteinte à l’idée même de la laïcité qu’elle est venue défendre ?

 

Comme on peut s’en rendre compte sur son site officiel où elle affirme que « des inspections renforcées et inopinées d’établissements qui suscitaient des inquiétudes ont permis d’identifier non pas des situations de radicalisation mais de vraies failles pédagogiques. » Sous-entendu : le problème n’est pas de régler un fait religieux ou de quelconques débordements radicaux, mais bien d’assurer une certaine légitimité pédagogique aux établissements qui en ont besoin ou de la retirer à d’autres, et tout cela en vertu du seul bon vouloir du législateur…

Rappelons à cet égard que, même s’il ne concerne aujourd’hui que 56 400 élèves (soit 0,5 % des effectifs !), et même s’il reste encore marginal, l’enseignement hors contrat est pourtant en progression, surtout dans le primaire, puisque 80 nouvelles écoles de ce genre ont ouvert entre 2014 et 2015. Un chiffre important quand on sait que sur les 11 343 établissements d’enseignement en France, pour le primaire et le secondaire, 7 854 relèvent de l’école publique, et environ 800 sont des établissements hors contrat. Parmi ces établissements, 300 affichant un message religieux : 160 sont catholiques, 50 juifs, 40 musulmans et 30 protestants. En 2011, on comptait  120 écoles catholiques, 44 écoles juives, 18 écoles protestantes, et 6 écoles musulmanes. (Le reste est constitué de structures privées ne faisant aucun cas de la question religieuse).

 

Il est facile d’interdire et, de fait, d’entretenir une situation de conflit entre la laïcité et les opinions religieuses, quelles qu’elles soient. Plutôt que de faire comme si l’exécutif allait pouvoir se poser en maître de la situation en fermant les yeux sur les enjeux d’un débat, ce projet de loi vise à maintenir une politique de l’autruche « bien française » tout en envenimant la situation.

 

Oui, le modèle démocratique est contesté en France, et il revient à ses citoyens d’affirmer leur choix pour la liberté des valeurs et de leur enseignement. Mais, renforcer le contrôle du droit à l’éducation n’est pas du tout le meilleur moyen de protéger la liberté de l’enseignement. Bien au contraire, il empêche l’émergence d’un vrai retour à la liberté qui risque bien, s’il n’est pas entrepris tout de suite, de n’avoir jamais lieu…

 

 

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