EXCLUSIF – Comment choisir son école ? Interview avec le rav David Choukroun

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EXCLUSIF - Comment choisir son école ? Interview avec le rav David Choukroun

Nous avons rencontré le rav David Choukroun, et avons appris qu’il occupait dorénavant le rôle de « médiateur » à la municipalité de Jérusalem, affecté spécialement au public francophone. Nous étions curieux de savoir ce que signifiait un tel poste, et en quoi notre public pouvait en profiter.
Nous avons eu droit, pour l’entrée, à une explication plus large du système éducatif israélien – exposé très certainement d’une grande importance pour toute famille qui pense faire sa ‘alia, ou qui l’a déjà faite et éprouve diverses difficultés à poser ses repères.

« Comprenons tout d’abord les diverses options du public qui est le nôtre, au niveau des écoles, avant de préciser mon rôle – celui de « megacher », de médiateur, responsable de la ‘alia française dans les écoles religieuses, face aux difficultés que nos coreligionnaires peuvent rencontrer – et elles ne manquent pas : les enfants peuvent se sentir déphasés dans les nouvelles structures dans lesquelles on les a inscrits, et les parents également sont susceptibles de ne pas se retrouver dans le système local, totalement différent de ce qu’ils ont connu à l’étranger.
« Cela fait déjà une quinzaine d’années que je travaille dans l’éducation, donnant beaucoup de cours à des enfants ‘olim pour les aider, en privé, et à petite échelle, dans une école à Ramoth et une autre à Bayith Vegan. Je travaille également au Wa’ad harabbanim dans le domaine français, connaissant de ce fait les problèmes sociaux qui peuvent se poser. Comme je suis assez mêlé à ce qui se fait dans le domaine francophone, la municipalité a fait appel à moi pour que je m’occupe de manière plus large de notre public. »

Pourquoi les difficultés que vous évoquez ?

« Les gens qui viennent de France le font, souvent, pour leurs enfants, afin qu’ils réussissent mieux dans leur vie de Juifs. Or il faut savoir que le système pédagogique local ne ressemble pas à celui de France : là-bas, c’est soit une école goy, soit une école juive. Il est vrai qu’il y a des nuances entre les diverses écoles juives, entre franchement orthodoxes et bien plus laïques ; toutefois, le point commun est tout de même qu’elles cherchent à non seulement enseigner les lois juives, mais aussi un mode de vie juif. La majorité des membres de la communauté sont religieux, et tiennent à ce que leurs enfants adhèrent, en plus de leurs connaissances, à cette existence spécifique qui est la nôtre.
En Israël, c’est différent : les écoles du système général, mamlakhti, sont laïques – toutes les matières profanes sont abordées, mais les études juives ne prennent pas une grande place. Très certainement, elles ne visent pas à apprendre un mode de vie. On peut se retrouver avec des enseignants sans kipa qui donnent des cours de Tanakh, à titre purement culturel.
Dans le Mamlakhti-dati, les deux pans semblent abordés. Néanmoins, ce courant est également rattaché aux programmes du ministère de l’Education nationale ; le public qui les fréquente émane généralement des couches sociales liées aux partis religieux nationalistes. A priori, ce courant est l’idéal pour le français qui fait sa ‘alia, mais attention, pas toujours, comme nous allons le voir.
Le troisième type d’établissement est le ‘Haredi – religieux, qui dépend peu du ministère et correspond plus aux écoles sous contrat que nous connaissons en France. On y enseigne principalement le kodech, mais aussi les matières profanes suivant les écoles.
Les parents français cherchent a priori à rejoindre le mouvement religieux. Cependant, ils se tournent en majorité vers le Mamlakhti-dati, qui semblerait plus leur correspondre. Toutefois, de grandes nuances existent entre les différentes écoles de ce type, et dans certaines d’entre elles, les matières religieuses sont apprises comme les profanes, sans la réelle transmission d’un mode de vie. Quand ces parents ont fait le choix d’Erets Israël, c’était souvent, effectivement, pour que leurs enfants aillent de l’avant et soient encore plus à l’aise dans la pratique du judaïsme. Sinon, ils auraient plutôt opté pour certaines régions des Etats-Unis et du Canada… Or, faire passer cette dimension n’est pas chose facile. Dans le mauvais établissement, les enfants risquent au contraire de régresser, de subir de mauvaises influences et de tout abandonner ! Ceci dit, il existe de très bonnes écoles du Mamlakhti-dati.
Dans le secteur ‘Haredi-religieux, on pourra trouver également diverses formules, ce qui est important pour les Français qui tiennent, envers et contre tout, à ce que leurs enfants passent le bac ! Ils ne peuvent pas admettre une école où l’on dispense, par semaine, une heure de maths et une heure d’anglais… Il existe de nos jours suffisamment d’institutions dans ce courant où l’on suit des études de kodech de très bon niveau, et en même temps, des enseignements de ‘hol tout aussi valables. Là, quand les jeunes arrivent à l’âge de choisir entre le lycée et la Yechiva qetana, ils ont les deux possibilités.

Jusqu’à ‘het, toutes les écoles (hormis les ‘hadarim, dont nous ne parlons pas) fonctionnent avec un programme comportant les deux options, ‘hol et kodech. Là, les jeunes sont placés devant le choix : continuer avec un tel programme mixte, ou passer au koulo kodech – à la Yechiva qetana. Dans les écoles ‘harédi, la plupart optent pour cette dernière possibilité.

Toutefois, il existe depuis plusieurs années, à Jérusalem, des écoles clairement religieuses qui permettent à leurs élèves de continuer jusqu’au bac à un niveau bon et intense dans les deux composantes. Il s’agit d’un nouveau courant dans les écoles ‘harédi, faisant partie du « Mamlakhti-‘harédi », plus ou moins accepté par le monde ‘harédi.

Tout ceci fait une grande panoplie de possibilités…

Justement, voilà pourquoi il est plus qu’indispensable que les parents se fassent conseiller par des gens les connaissant, et surtout par des personnes au courant du système israélien, en mesure de dire quelle école est trop forte pour eux, et laquelle n’est pas assez religieuse pour leurs enfants.
L’un des éléments primordiaux d’une ‘alia réussie est de savoir se diriger vers des établissements qui conviennent à nos enfants. Les autres sont : une parnassa, car on ne peut pas s’en remettre que à la Grâce du Seigneur, et un lieu où habiter, car ce choix a une influence essentielle sur l’avenir de la famille.
Dans le domaine des écoles, il ne fait aucun doute que Jérusalem est de loin la mieux desservie, avec des options très larges. Ailleurs, les choix sont moins grands et, par conséquent, les problèmes s’y avèrent plus difficiles à résoudre.

Arrivons-en à présent à votre poste personnel : celui, fort curieux, de médiateur – « megacher »…

Là, nous touchons à l’une des particularités du système pédagogique local, en cela totalement différent de celui que nous avons connu en France !
Les écoles du mamlakhti-dati ont également un médiateur, preuve que ce besoin était partagé, et que la nomination d’un tel responsable s’imposait.
En France, les enfants vont à l’école pour la journée, sous la responsabilité de l’établissement. Les problèmes sont gérés d’une manière très stricte, dans un cadre clair et structuré, avec un programme à suivre à la lettre. Si un élève prend un peu trop ses aises, il est immédiatement replacé dans le droit chemin. En cas de difficultés scolaires, on met l’élève au pas, lui rappelant qu’il doit travailler. On ne fera appel aux parents que dans des cas très graves.
En Israël, c’est totalement différent : tout d’abord, la proximité est très grande. Les parents peuvent téléphoner une fois par semaine à l’enseignant pour s’intéresser à ce qui se passe avec leur enfant – en France, jamais de la vie ! Parfois, l’école veut faire passer un message aux parents, et ces derniers peuvent facilement ne pas comprendre. Un ton amical peut être compris comme reposant sur la haine, et provoquer une catastrophe. Néanmoins, cette proximité existe aussi entre les élèves et les professeurs, et cela fait perdre au nouveaux ‘olim toute notion de limites. Bien sûr, les problèmes de langue, et surtout, les différences de mentalité, sont énormes.
Un problème plus grave encore : en cas de difficultés scolaires, ici, on proposera très facilement de faire appel à des spécialistes en tout genre pour tenter d’y remédier : des orthophonistes, des ergothérapeutes, des psychologues, un auxiliaire de vie scolaire, etc. On pourra aller jusqu’à suggérer des traitements – comme la ritaline , un grand classique local…
Evidemment, toutes ces propositions parascolaires dépassent largement l’entendement des parents habitués à l’école de l’étranger. Là-bas, nul directeur d’école ou enseignant ne leur téléphonait pour leur demander d’envoyer l’enfant chez un psychologue ! Une telle démarche choque très fortement les parents français ! Eh bien, ici, c’est courant et normal, et cela passe bien…
Il faut donc comprendre que toutes ces initiatives parascolaires sont normalement proposées ici – et elles ont leur effet.
C’est mon rôle !
Normalement aussi, je dessers les ‘olim récents, mais pas d’illusion : le temps n’arrange pas forcément l’adaptation des parents à la mentalité israélienne, et il peut m’arriver aussi d’aider des familles plus anciennement installées.
Mon rôle est là essentiel : je dois expliquer les différences entre les deux mondes, afin que les enfants réussissent au mieux dans leurs nouvelles écoles, dans le système qu’ils découvrent.

Qui a été responsable, à la municipalité de Jérusalem, de prendre cette initiative ?

M. Emmanuel Zilberman et Mme Lisa Cohen. Ils ont compris que le public religieux qui veut s’installer à Jérusalem a besoin d’une personne qui les connaisse et qui puisse les aider.
Mme Lisa Cohen, une francophone, est là pour aider les ‘olim dans tous les domaines, pas seulement l’éducation. C’est du reste une adresse à connaître…
Devora Ségal, une autre préposée à la municipalité, conseille pour le mamlakhti-dati.

Justement, le fait qu’une personne ait été nommée pour cet autre circuit scolaire nous montre encore une fois la différence entre les deux ensembles : ici, tout est compartimenté ; en France, nous avons connu une unité magnifique : dans la même synagogue pourront prier des Sefarades et des Achkenazes, des gens très religieux, et des gens qui le sont moins ; tout le monde priait ensemble, et se réunissait au kidouch après l’office.
En Israël, ce n’est pas le cas : dans les périodes difficiles, heureusement, l’unité se fait, mais au jour le jour, les divergences sont énormes : à quel courant appartiens-tu ? Que fais-tu ? etc.
La municipalité de Jérusalem a compris le besoin des Français et a décidé, donc, de placer une personne à ce poste.

Question de Kountrass :  » La municipalité de Jérusalem, oui, et la Sokhnouth non… Car, contrairement à l’intelligence dont fait preuve la municipalité de Jérusalem, la Sokhnouth n’a pas su prendre de mesures de cet ordre. Ceci lui a récemment valu une grande critique de la part de certains groupes, critique qui a frappé également l’un des journaux francophones, pourtant d’apparence religieuse, pour avoir longtemps accepté ses annonces, malgré son irrespect notoire de l’engagement religieux de notre public…
Le pire est que la Sokhnouth n’a même pas compris la nature de la critique qui lui était opposée (son responsable a parlé de reproches quant aux visées financières de cet organisme – incompréhension du reste intéressante…) !
La critique elle-même n’a pas forcément été assimilée non plus : on a parlé de « hachmada », de massacre, au lieu de « chmad » – incitation à abandonner la pratique religieuse…
De fait, la Sokhnouth a-t-elle mis en place un responsable orthodoxe de la ‘alia en France ? Cette question, pourtant essentielle, n’a pas été posée à son responsable… « 

Tout d’abord, bien sûr, je ne suis pas un représentant de l’Agence juive, et je vous invite à vous adresser à son directeur pour de meilleures réponses. Cependant, il faut être clair : ce n’est pas cet organisme qui dirige les ‘olim vers telle ou telle école. Elle organise tout au plus des salons de l’éducation, auxquels participent des représentants des municipalités d’Israël, ainsi que des représentants des chaînes d’écoles.
Toutefois, les dernières séances ne se sont pas très bien passées, ce qui explique ce mouvement de protestation contre l’Agence juive. On lui reproche de ne pas laisser suffisamment d’accès aux représentants religieux.
Finalement, la question est de savoir si cette institution est disposé à tenir compte des particularités du public francophone, ce qui n’est pas évident.
Et il faut dire que, dans le passé, les vagues de ‘alia du Yémen ou d’Afrique du nord n’ont pas si bien été traitées…

Cependant, ce n’est pas ma critique de la Sokhnouth, très à l’œuvre depuis sa création, qui va changer les choses.
En revanche, sur le terrain, je suis certain que le brouhaha en question explicite la présence d’un problème, et la nécessité de se tourner vers des conseillers dignes de ce nom au moment de la ‘alia !
Combien de familles me contactent aujourd’hui, en me suppliant : « M. Choukroun, cette école n’est pas faite pour nous, aidez-nous à passer ailleurs ». Deux appels de cet ordre la semaine dernière ! Ou cette autre famille, qui avoue avoir choisi une école non-religieuse, contrairement à ses options personnelles…
Les gens commencent à prendre conscience des nuances, et lorsqu’ils font leur ‘alia, ils savent se diriger vers les groupes prêts à les aider, à part les représentant dans les municipalités, tels que Ner Ya’alé de la rabbanith Ovadia, Lev LeA’him, les gens autour du rabbi de Kalov, le site de Tsarfat bealia…

Bien sûr, je me tiens à la disposition du public, et quiconque cherche conseil ou aide dans les écoles religieuses de Jérusalem peut me contacter au +972 (0) 54-679-7577 de 9 h à 13 h ou par e-mail au 5807698@gmail.com.

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