Financement du terrorisme: Daech a encore un « énorme trésor de guerre »

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TERRORISME – « L’éradication du terrorisme passe aussi par l’assèchement de son financement ». Voilà comment Emmanuel Macron présentait les choses à la fin du mois d’août 2017, devant la Conférence des ambassadeurs à Paris. Après avoir mis les pieds dans le plat lors de sa visite au Qatar au mois de décembre, le chef de l’État est à l’initiative de la Conférence de lutte contre le financement de Daech et d’al-Qaida, qui s’ouvre ce mercredi 25 avril à Paris.

Réunissant plus de 70 États et près de 20 organisations internationales, cet événement baptisé « No Money For Terror » (« Pas d’argent pour la terreur ») entend jeter les bases d’une coopération internationale sur ce sujet sensible. Car si la lutte armée sur le terrain s’est avérée efficace pour vaincre, sinon contenir, les différentes organisations jihadistes aux prises avec la France, personne n’a pour le moment trouvé la solution pour couper les vivres de l’État islamique et consorts.

Daech et son « énorme trésor de guerre »

En amont de cette conférence, l’Élysée dresse l’état des lieux. « Daech a accumulé un énorme trésor de guerre, de l’ordre d’un milliard de dollars par an. Il a depuis circulé, au moins en partie, il est vraisemblablement quelque part, il ne s’est pas évanoui », relèvent les services du chef du l’État, qui précisent que « ces groupes sont très doués pour utiliser les techniques les plus sophistiquées pour faire circuler les flux financiers, ils savent se jouer des frontières ».

« Ce trésor n’est pas que monétaire. On a observé depuis plusieurs années que l’organisation a investi dans des entreprises, dans des commerces, dans des biens immobiliers qu’ils gèrent ou font gérer par des proxys (un serveur intermédiaire, ndlr) », détaille-t-on de même source. Autre manne financière à disposition des jihadistes: le recel d’objets d’arts qui, comme pour les activités précédemment citées, passe par un minutieux travail de blanchiment.

Parmi les combines pour échapper à la vigilance des États, le recours massif aux cartes prépayées et aux portefeuilles électroniques, qui permettent « l’anonymat des transactions financières » (principal enjeux de la Conférence). Autre méthode citée, le financement via le crowdfunding ou encore le « mobile banking » dans des régions du monde « faiblement bancarisées ».

Outre le seul cas de Daech, les situations financières d’autres organisations terroristes sont tout aussi préoccupantes. L’Élysée estime que les enlèvements contre rançon, « l’un des vecteurs privilégiés du financement de Boko Haram », auraient permis aux groupes affiliés à al-Qaida d’amasser 150 millions de dollars entre 2008 et 2017. Au Yémen, la trésorerie d’al-Qaida en Péninsule arabique (AQPA) est estimée à 120 millions de dollars.

Une conférence, et après?

Forte de ce constat, la conférence « No Money For Terror » affiche dans sa communication de grandes ambitions, en mettant l’accent sur « les solutions concrètes » qui devraient sortir des échanges entre experts et ministres de chaque pays invité. L’Élysée insiste sur le « format inédit » de cette initiative et se félicite du succès de l’opération: « Aucun invité n’a décliné ».

Autre motif de satisfaction affiché, la participation des différents chefs des service de renseignement (à l’image de Bernard Émié pour la DGSE, de Laurent Nunez de la DGSI et de Bruno Dalles pour Tracfin) et de ministres (Gérard Collomb, Bruno Le Maire, Nicole Belloubet) illustrant « l’approche multilatérale » promue par l’Élysée. De quoi espérer une avancée significative en la matière? Difficile de l’affirmer.

Première limite de la conférence: les différents pays présents seront représentés (au mieux) par des ministres, quand ce ne sont pas -à l’image d’Israël- de simples « experts » qui seront envoyés. Ce degré d’engagement qui diffère selon les invités montre que tout le monde n’est pas vraiment sur la même longueur d’onde sur ce problème, dont la résolution nécessite une étroite coopération internationale.

À ce propos, aucun accord ne sera signé à l’issue de ces deux jours travaux. « Les États et organisations conviés seront invités à s’associer à une déclaration commune », explique l’Élysée, incapable d’affirmer si tous les États présents signeront ce document qui, au final, n’engagera à rien et n’établira aucun calendrier coercitif.

Autre écueil, les contraintes géopolitiques qui limitent les potentielles avancées en la matière. L’absence de l’Iran, pays pourtant frappé par Daech, en est une. « Téhéran est sur la liste noire des pays du Groupe d’action financière (organisation présente à la Conférence, NDLR) », rétorque l’Élysée, oubliant que l’Afghanistan, pourtant convié, fait également partie de cette liste. « Nous ne voulions pas importer des conflits à cette conférence », précise-t-on de même source, alors que le financement du terrorisme est justement à l’origine d’une crise entre le Qatar et les autres pays du Golfe (tous conviés).

Malgré ces difficultés, l’Élysée espère que les participants de la conférence réussiront à définir un ensemble de « bonnes pratiques » qui pourraient par la suite tenter d’être globalisées, par le biais par exemple d’une résolution qui serait adoptée -un jour peut-être- par les Nations Unies.

Source www.huffingtonpost.fr

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