Gain double

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Illustration: Netanihou à Bar Ilan (2009)

Editorial du Yated Nééman, dimanche 16 août

 

Deux pierres d’un coup, si l’on veut décrire les accords entre Israël et les Emirats, contre l’annulation du projet de déclaration de souveraineté sur la Judée et la Samarie. Avec deux personnalités qui en profitent : le président Trump, et, pas moins que lui, le Premier ministre Netaniahou. Trump avait désespérément besoin d’un résultat positif sur le plan politique à la fin de sa première cadence, et peut-être la dernière, à la présidence des USA, et il va peut-être lui être donné d’être le parrain d’accords de paix historiques entre d’autres nations arabes encore et Israël. En même temps, Trump – et pas moins Netaniahou – étaient dans une situation dans laquelle ils ne savaient plus comment s’y prendre pour évacuer le projet de souveraineté, qui était sur le point de dévorer les deux partenaires.

Nul doute que la période de présidence de Trump, qu’elle s’achève ou non, ne manque pas d’éléments politiques sans précédent pour la Droite israélienne : cela commence par la reconnaissance de Jérusalem comme étant la capitale d’Israël, puis le transfert de l’ambassade américaine en cette ville, puis la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, en même temps que la déclaration que les implantations israéliennes en Judée et en Samarie ne sont pas illégales sur le plan de la législation internationale. Il est clair que l’appétit est venu en mangeant, et qu’une acceptation d’une déclaration de la part d’Israël de sa souveraineté sur ces territoires aurait permis à plusieurs dirigeants de Droite de mieux dormir la nuit, mais on a soudain découvert dans cette partie de la place politique locale que cette déclaration s’inscrivait dans un plan plus global, et comprenait l’acceptation, de la part d’Israël, de l’établissement d’un Etat palestinien.

Il est vrai que Netaniahou lui-même a parlé en son temps de « deux Etats », au courant de son fameux discours à Bar Ilan, mais c’était dans le temps (en 2009), sous un autre président aux Etats Unis et dans une autre atmosphère. De nos jours, quand le seul partenaire à d’éventuelles discussions est le ‘Hamas de Gaza, cette idée a été totalement évincée.

Avec cela, selon le plan de Trump, la reconnaissance de la souveraineté s’inscrit dans ce plan général d’accord avec les Palestiniens : de fait, plus encore que la Gauche israélienne s’est élevée contre cette reconnaissance, la Droite locale a vu des opposants farouches s’élever. Netaniahou lui-même ne savait pas non plus comment se conduire face à la montée d’une contestation dure en provenance de toutes les nations du monde entier, refusant qu’Israël déclare de manière unilatérale sa souveraineté sur ces territoires. Toutes les nations européennes ont fait connaitre leur opposition absolue, y compris les pays les plus proches d’Israël en général. Mais qu’est-ce qu’Israël allait gagner en faisant cela ? Il n’est pas sûr que l’affaire en vaille la peine. Etait-il intéressant de se brouiller avec le monde occidental, pour quoi au fait ? […]

En réalité, déjà Mena’ham Bégin a mis en place la souveraineté d’Israël sur le Golan, ce qui n’a pas empêché plusieurs Premiers ministres par la suite – et certains introduisent Netaniyahou dans cette liste également – à accepter de restituer la plus grande partie du plateau à Assad, si ce n’est le désir de ce dernier de voir ses soldats pouvoir tremper leurs pieds dans le lac de Tibériade… Ceci était impensable pour Israël. Sinon, nous aurions depuis longtemps du demander un visa pour nous rendre à la synagogue de Katsrin (NDLR : synagogue du temps de la Guemara, dans une ville située à une dizaine de kilomètres sur le plateau du Golan).  Alors, à quoi sert une déclaration de souveraineté de cet ordre, si l’on peut l’annuler avec tant de facilité…

En revanche, l’accord officiel avec les Emirats est sans doute aucun un résultat important pour Biniamin Netaniahou. Il s’ajoute à ceux conclus avec l’Egypte et la Jordanie. Avec ceci en plus que si les accords précédents signifiaient « paix contre des territoires », là il est question de « paix contre la paix ». Les accords précédents étaient accompagnés d’un engagement israélien de faire avancer des conventions avec les Palestiniens, alors que dans ce qui va être signé à présent, qui parle encore d’eux ? Les riches émiraties ne se sentent en aucune manière concernés par les gens d’Abou Mazen. Ceci est du reste une tendance généralisée : le monde ne se sent plus concernés par eux, le fait que ce groupe est pourri, dégradé, sans espoir, est déjà compris par tout le monde. Au mieux, la cause palestinienne peut permettre de s’en prendre à Israël, mais c’est vraiment tout.

Ce qu’Israël doit payer – à savoir de remettre la déclaration de souveraineté à une date ultérieure non fixée – est insignifiant, en particulier face au fait que Netaniahou cherchait une manière élégante d’abandonner cette idée. Elle menaçait au mieux d’engendrer une nouvelle intifada dans les territoires, et d’amener Israël à une confrontation avec les nations amies d’Israël, et ceci, en plus, quand dans trois mois se tiendront des élections aux Etats Unis, desquelles il n’est pas du tout évident que Trump continuera à être le président de ce pays. Celui qui risque de le remplacer n’est pas du tout porté à accepter la déclaration de souveraineté…

En bref, quelle que soit la manière dont Netaniahou concevait la déclaration de souveraineté, ce qu’il a reçu en échange est de loin plus intéressant. La Droite va pousser des hauts cris, votera Bennet, mais en dernière ligne, si finalement Netaniahou boucle ce chapitre avec une visite officielle à Abou Dabis, c’est de loin préférable à une déclaration qui pouvait provoquer une opposition générale dans le monde…

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