Irak, Liban : l’Iran perd le Moyen-Orient

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L’Iran perd le Moyen-Orient – démontrent les manifestations au Liban et en Irak

Téhéran peut être très fort pour gagner de l’influence, mais il n’est pas capable de piloter et gouverner après une offensive sur le terrain.

En moins d’un mois, des manifestations contre la corruption et le manque de réforme économique ont éclaté en Irak et au Liban. Dans les deux pays, les manifestations sans précédent qui ont secoué des villes et des villages chiites ont révélé que le système d’influence iranien dans la région avait échoué. Pour les communautés chiites d’Irak et du Liban, Téhéran et ses supplétifs n’ont pas réussi à traduire les victoires militaires et politiques en une vision socio-économique. Autrement dit, le récit de la résistance iranienne n’a pas mis de la nourriture sur la table.

Depuis le tout début de la révolution islamique, le gouvernement iranien et le corps des gardiens de la révolution ont adopté une politique claire, détaillée et à long terme sur la manière d’exporter leur révolution dans la région, principalement dans les pays à majorité chiite. L’Iran avait fait preuve de beaucoup de patience et de persévérance dans la mise en œuvre de sa politique, acceptant de petites défaites, en gardant à l’esprit l’objectif principal : l’hégémonie sur l’Irak, le Liban, la Syrie et le Yémen.

Aujourd’hui, l’Iran semble gagner la partie sur le long terme. Son supplétif au Liban a prévalu lors des élections législatives de l’année dernière. En Syrie, l’Iran a réussi à sauver son allié, le président Bachar al-Assad. Ces dernières années, l’Iran a également acquis beaucoup plus de pouvoir à Bagdad grâce à ses séides, notamment les Forces de mobilisation populaire (FMP), les milices chiites créées pour lutter contre l’État islamique.

Cependant, dans son plan mené sur quatre décennies, l’Iran a négligé un point important : une vision socio-économique pour maintenir sa base de soutien. Tout en épuisant toutes les occasions de se mêler aux institutions étatiques de la région, le régime iranien n’a pas remarqué que le pouvoir exigeait une vision pour le lendemain. À mesure que les événements se déroulent dans la région, l’Iran ne parvient pas à régner. L’Irak et le Liban en sont de bons exemples.

L’Iran a créé des groupes auxiliaires dans les deux pays, leur a donné le pouvoir par le biais de financements et d’armes, et les a aidés à infiltrer les institutions de l’État. Aujourd’hui, les institutions étatiques en Irak et au Liban ont une seule mission principale  : au lieu de protéger et de servir la population, elles doivent protéger et servir les intérêts iraniens.


Les observateurs ont qualifié les manifestations en cours au Liban de mouvement «sans précédent» pour plusieurs raisons. Pour la première fois depuis longtemps, les Libanais ont compris que l’ennemi se trouvait à l’intérieur – c’était leur propre gouvernement et leurs dirigeants politiques – et non un occupant extérieur ou un influenceur régional. En outre, les dirigeants politiques ont été incapables de contrôler le déroulement des manifestations, qui ont lieu dans tous les groupes confessionnels et dans toutes les régions, de Tripoli au nord à Tyr et Nabatieh au sud, en passant par Beyrouth et Saida. L’échelle montre que les manifestants sont capables de s’unir au-delà de leurs affiliations ethno-religieuses et politiques. Ce qui les a rapprochés, c’est une crise économique persistante qui a touché des personnes de toutes les confessions et de toutes les régions. Comme l’a dit un manifestant : la faim n’a pas de religion.

Pour la première fois depuis la formation du Hezbollah dans les années 1980, les chiites libanais se retournent contre la milice pro-iranienne.

Mais surtout, les manifestations sont sans précédent puisque le Hezbollah a également adopté une position inhabituelle. Fier de ses décennies de protection contre l’appauvrissement et de lutter contre l’injustice, le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a décidé de se ranger du côté des autorités contre la population dans les rues. C’est un revers majeur pour le Hezbollah, alors qu’il doit traiter le problème des manifestations actuelles, son plus grand défi national à ce jour.

Le dirigeant du Hezbollah n’a pas choisi d’appuyer le gouvernement du Premier ministre Saad Hariri sans prendre de précautions. Des scènes de fraternisation de manifestants chiites se joignant à d’autres Libanais dans les rues ont terrifié les dirigeants du parti. Les chiites du Liban ont toujours été les piliers du pouvoir national et régional du Hezbollah. Ils votent pour le Hezbollah et son allié chiite Amal lors des élections et se battent avec eux au Liban, en Syrie et au Yémen. En retour, beaucoup d’entre eux reçoivent des salaires et des services offerts en abondance par l’Iran et le Hezbollah.

Mais pour la première fois depuis la formation du Hezbollah dans les années 1980, les chiites libanais se retournent contre lui. À Nabatieh, cœur du groupe au sud du Liban, des manifestants chiites ont même incendié les bureaux des dirigeants du Hezbollah.

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