Iran: le coup de main antiterroriste israélien qui embarrasse Paris

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France's president Emmanuel Macron (L) greets Iranian president Hassan Rouhani at the Millennium Hotel near the United Nations on September 18, 2017, in New York. / AFP PHOTO / LUDOVIC MARIN

En juin, le Mossad a aidé les Français et les Belges à déjouer un attentat contre des opposants iraniens

La France a récemment recommandé à ses diplomates et représentants de reporter tout voyage en Iran en raison de risques sécuritaires et d’un « durcissement » des autorités iraniennes après l’attentat déjoué de Villepinte contre les Moudjahidines du peuple, a révélé l’agence Reuters. Le ministère des Affaires étrangères s’est refusé à commenter, sans cacher – en privé – son vif mécontentement.

C’est une fuite dont les autorités françaises se seraient bien passées. En pleine conférence des ambassadeurs, l’agence Reuters a révélé récemment le contenu d’une note interne du Quai d’Orsay, datée du 20 août, recommandant aux fonctionnaires français de ne pas se rendre en Iran, en raison du « durcissement » du régime à l’égard de Paris.
Rédigé par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères Maurice Gourdault- Montagne, ce document à usage interne fait explicitement référence à « l’affaire de Villepinte », une tentative d’attentat fin juin.
Si cette affaire est tellement sensible, c’est – comme l’opinion peut le révéler – en raison de l’implication des services de renseignement israéliens qui ont aidé la France, la Belgique et l’Allemagne à déjouer cet attentat.
La collaboration étroite entre Israël et les services occidentaux contre l’Iran est un sujet sur lequel la diplomatie française n’aime guère s’étendre. D’où l’embarras de Paris sur ce dossier et la colère sourde après la diffusion de cette note confidentielle.
Le samedi 30 juin, un couple de Belges d’origine iranienne, Asmir et Nasmeh S., est arrêté par la police belge.
A bord de leur voiture, on découvre des explosifs (500 grammes de TATP), ainsi qu’un mécanisme de mise à feu. Le couple âgé d’une trentaine d’années, avait, semble-t-il, pour projet de se rendre à Villepinte, au nord de Paris, afin d’y commettre un attentat contre l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien (OMPI).
Ce mouvement d’opposition radicale à la République islamique y tenait un grand meeting. De nombreuses personnalités y participaient, comme Rudy Giuliani, ancien maire de New York et avocat de Donald Trump, les anciens ministres des Affaires étrangères Philippe Douste- Blazy et Bernard Kouchner ou encore Rama Yade et l’ex-Premier ministre canadien Stephen Harper.
Le siège des Moudjahidines du peuple est en France, à Auvers-sur-Oise. Dirigée par Maryam Radjavi, l’OMPI est une organisation peu transparente, parfois comparée à une secte.
D’inspiration marxiste et islamiste, elle a été considérée comme « terroriste » jusqu’en 2002 par les Etats- Unis et 2009 par l’Union européenne. Les autorités iraniennes la considèrent toujours comme telle et dénoncent la France qui l’accueille sur son territoire.
En Iran, l’image des Moudjahidines reste profondément marquée par le fait qu’ils ont combattu au sein de l’armée irakienne de Saddam Hussein… contre l’armée iranienne, durant la guerre entre les deux pays (1980-1988).
L’OMPI s’est progressivement rapprochée des services de renseignement américains et israéliens dans leur lutte commune contre la République islamique.
Ce sont ainsi les Moudjahidines du peuple qui ont révélé en 2003 l’ampleur du programme nucléaire militaire clandestin de Téhéran, déclenchant les sanctions contre le régime.
Fin juin, les Israéliens ont averti les services occidentaux, notamment la DGSI française, de la préparation d’un attentat contre l’OMPI. Outre le couple en Belgique, trois personnes ont été arrêtées en France, une seule d’entre elle ayant finalement été remise à la justice belge. En Allemagne, un diplomate iranien en poste à l’ambassade de Vienne (Autriche) a, lui aussi, été appréhendé.
Il est soupçonné d’être l’organisateur de cette tentative d’attentat.
Excellente coopération. Téhéran a évidemment démenti toute implication dans cette affaire, accusant l’OMPI de manipulation. La découverte de cette tentative d’attentat était concomitante avec le début d’une tournée en Europe du président iranien Rohani, venant plaider la cause de son pays face aux sanctions unilatérales des Etats-Unis.
Côté israélien, on ne se prive pas de se réjouir de l’excellente coopération entre services de renseignement.
C’est de bonne guerre, alors que plusieurs affaires d’espionnage ont compliqué les relations entre Français et Israéliens. Mais cela permet surtout d’enfoncer un coin entre Paris et Téhéran, alors que la diplomatie française s’attache à préserver l’accord sur le nucléaire avec l’Iran (JCPOA). Un accord voué aux gémonies par le Premier ministre israélien.
A Paris, le consensus règne sur la nécessité de sauver le JCPOA, mais pas sur l’avenir de la relation avec l’Iran. Là où s’élabore la politique étrangère (Elysée, Quai d’Orsay, services de renseignement, etc.), les désaccords sont vifs entre les partisans d’une normalisation et les courants hostiles à la République islamique.
Ainsi le ministre Jean-Yves Le Drian reproche-t-il à l’Iran sa « volonté d’hégémonie » au Moyen-Orient, une position partagée par l’Arabie saoudite et par Israël.
En embarrassant les autorités françaises, la fuite de la note du Quai met donc le doigt là exactement où ça fait mal.
Là où s’élabore la politique étrangère (Elysée, Quai d’Orsay, services de renseignement, etc.), les désaccords sont vifs entre les partisans d’une normalisation et les courants hostiles à la République Islamique.

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