Israël, nouvelle puissance navale en Méditerranée

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Par  BAZAK – Temps et Contretemps


Illustration : Frégate française FREMM Auvergne  l’US Navy USS Donald Cook et la frégate grecque HS Aigaion participent à un exercice naval organisé par la marine israélienne en mer Méditerranée.

Israël est considéré comme une puissance militaire, sur terre, dans les airs et dans le cyber espace. Les récentes manœuvres au large des côtes israéliennes, dénommées Mighty waves, nous rappellent qu’Israël a une large façade maritime, poumon indispensable pour son commerce avec l’étranger. Pour éviter une polémique de plus, l’objectif affiché n’était pas militaire, mais civil. En cas de tremblement de terre, le dispositif à mettre en place pour sauver le maximum de vies humaines. Aux différents défis déjà connus, Israël doit désormais ajouter la problématique maritime, qui devient aussi vitale que les autres et hisse ses forces navales au même niveau que les autres armes.

Ces manœuvres ont rassemblé les quatre marines américaine, grecque, française sous la direction de la marine israélienne. Ce qui est une première. Des observateurs du Canada, d’Allemagne, de l’Italie, de l’Angleterre et de l’Otan assistaient à ces exercices. On peut s’étonner que la France ait participé alors que les relations avec Israël sont tendues ; elle essaye de ménager les uns et les autres pour conserver une carte à jouer.

Comparée à un passé récent, la situation a été bouleversée par la découverte et l’exploitation des champs gaziers de Tamar et de Léviathan au large. On pouvait penser que la Méditerranée n’était plus au centre du monde, qu’elle serait frappée par le déplacement des enjeux en termes de géopolitique ou de géostratégie vers l’Asie. Il faut observer probablement le phénomène contraire. Dans un espace inversement restreint, se concentrent à présent de nombreux enjeux et défis majeurs.

Les guerres civiles, dans lesquelles les grandes puissances et leurs alliés interviennent, le conflit israélo-palestinien, le chaos en Syrie, la rivalité irano-américano-israélienne, l’affaiblissement du régime Turc, la problématique des recherches gazières et pétrolières qui implique Liban, Israël, Chypre, Turquie, sont autant de motifs de s’inquiéter de leur résolution par la force.  C’est également une zone majeure d’échanges entre l’Orient et l’Occident. Les frontières existantes ont été décidées par les anciennes puissances coloniales, ce qui n’est pas sans créer de nos jours des sources potentielles de conflits souvent latents.

Quels enjeux pour l’Europe, la France et Israël ? Tenter de se réapproprier la gestion de ces crises plutôt que de les subir avec leurs effets collatéraux, tel le problème migratoire d’une actualité brûlante. On peut appliquer un multilatéralisme avec toutes les parties ce qui est très loin d’être le cas. Parallèlement la situation peut devenir totalement hors de contrôle alors que les États-Unis augmentent leur pression sur l’Iran et qu’à tout moment un conflit peut éclater impliquant Israël, le Hezbollah et le Hamas.

  La France, en participant à ces manœuvres «civiles» conduites par des militaires, n’a pas encore établi de stratégie cohérente, ce que démontrent ses positions souvent confuses et contradictoires, tant au plan régional que dans les instances internationales. Lorsqu’elle vote des résolutions condamnant Israël, elle peut difficilement entretenir un dialogue de confiance avec son interlocuteur !

Cette situation implique de prendre en compte les espaces aéro-maritimes proches, dont la mer Rouge. Face aux progrès technologiques, singulièrement en matière de cyber guerre, se limiter à son propre espace géographique serait une redoutable erreur. Sur ce dernier point, la France semble avoir compris avec retard. On peut résumer les déclarations de la ministre Florence Parly comme suit «la France va créer un commandement de l’espace dont la mission sera de fédérer et de coordonner tous les moyens. La France accuse du retard dans le développement d’armes appropriées dont les lasers, qu’elle va rattraper».

Vaste programme quand on connait les difficultés de l’armée à obtenir un budget adapté à ses besoins ! Sans la nommer, on voit bien que l’affaire Huawei est un vrai sujet, qui a largement été débattu en Israël, à la suite à la demande pressante des États-Unis.

La présence des deux grandes puissances que sont les États-Unis et la Russie transforme la zone en luttes géostratégique par puissances régionales interposées. Le conflit syrien en témoigne si besoin était, au même titre que ce qui se passe en Irak, en Afghanistan et en Turquie. Le projet de la route de la soie, auquel Israël a adhéré pour ne pas être en reste dans ses relations avec la Chine, verra une implication beaucoup plus significative de cette grande puissance, qui de poids léger sur le plan militaire pourrait très vite devenir poids lourd !

Bien que riveraine majeure de la Méditerranée, l’Europe en est la grande absente. Elle ne pourra mettre en œuvre une politique multilatérale efficace que lorsqu’elle sera prête à ne parler que d’une seule voix avec tous ses moyens, sous une seule autorité. La cacophonie actuelle ne fait que contribuer un peu plus au chaos ambiant et aux risques accrus de conflits. On le voit bien en Libye, au Yémen et en Syrie. La France voudrait bien en être le chef de file, mais comment dans un tel contexte ?

Israël a su prendre en compte la nature multilatérale des conflits modernes, bien qu’il y ait parfois eu des ratés. Israël qui est confronté depuis longtemps aux agressions de toutes natures, fait partie du cercle très fermé des grands cyber acteurs. Tsahal accélère depuis plusieurs années le développement de moyens aéronavals adaptés. La marine dispose également de six sous-marins, dont il est peu question dans les médias, mais qui par nature, sont peu visibles ! On ne dit pas s’ils sont équipés de lanceurs nucléaires, ni s’ils sont présents en mer Rouge. La dissuasion est aussi au prix de la discrétion.

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