Je ne mise pas un dirham sur l’expulsion d’Iquioussen !

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Par Albert NACCACHE

Le prédicateur Hassan Iquioussen est dans le viseur du ministère de l’intérieur, pour des appels à la haine et à la violence contre la communauté juive notamment. Dans un tweet publié le 28 juillet, Gérald Darmanin a annoncé son expulsion, justifiée par le fait que «ce prédicateur tient depuis des années un discours haineux à l’encontre des valeurs de la France contraires à nos principes de laïcité et d’égalité entre les femmes et les hommes, incitant à la haine et à la discrimination et porteurs d’une vision de l’islam contraire aux valeurs de la République française. Il sera expulsé du territoire français».

Loi séparatisme

L’expulsion du prédicateur n’aurait pas été possible sans la loi luttant contre le séparatisme, promulguée en août 2021, qui prévoit :

 – Le durcissement des peines en cas de provocation à la haine ou à la violence commise dans un lieu de culte.

– Des contrôles plus stricts sur les flux financiers venus de l’étranger vers les associations religieuses.

Annonce de cette loi par Emmanuel Macron

Qui est Iquioussen ? 

Hassan Iquioussen, 58 ans, surnommé le «prêcheur des cités», est l’islamiste le plus célèbre de France. Très suivi sur Internet, notamment avec une chaîne YouTube suivie par 169.000 personnes et une page Facebook comptant 42.000 abonnés. En l’espace de quelques années, la famille de Hassan Iquioussen, une des têtes d’affiche des Frères musulmans en France, s’est constitué une formidable base arrière dans la région de Denain. Avec en substance, entrisme dans les mairies, développement de réseaux religieux et complaisance des pouvoirs locaux.

Dans un article un peu long, mais qui résume parfaitement le sujet, Céline Pina nous explique pourquoi il est essentiel d’expulser le prédicateur islamiste Hassan Iquioussen : «Pour le grand public, l’homme n’est guère connu. Il est pourtant l’un des prédicateurs les plus en vue de Musulmans de France. Cette association, qui appartient à la mouvance des Frères musulmans, n’est autre que la fameuse UOIF. Elle a été rebaptisée ainsi par souci marketing et politique : le nouveau nom permet d’assimiler tout musulman aux islamistes, et d’espérer faire oublier son rôle dans la diffusion de l’idéologie frériste et du discours victimaire sur la soi-disant persécution des musulmans en France. Musulmans de France a pour guide spirituel Yousouf Al Qaradawi, pour qui l’Europe est une terre à conquérir au nom de l’islam, et ses disciples partagent ses représentations et sa vision du monde…Hassan Iquioussen ne fait pas exception. Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter ses prêches. Sachant que ceux en français sont édulcorés, ils n’en restent pas moins gratinés ! Ainsi l’homme est profondément antisémite. Pour lui, les Juifs se sont alliés à Hitler provoquant la Shoah pour permettre l’édification d’Israël. Oh, il ne nie pas la Shoah, il explique qu’elle a été voulue par les Juifs pour servir leurs intérêts territoriaux en Palestine ! On ne saurait aller plus loin dans l’abjection. Il reprend par ailleurs tous les clichés de la haine des Juifs qu’il décrit comme avares et usuriers. Passage du Coran à l’appui, il déclare : les Juifs n’ont cessé depuis ce temps de comploter contre l’islam et les musulmans. Il fait de l’Occident une civilisation islamophobe… Pour lui les attentats sont de faux problèmes qui permettraient d’éviter de parler des problèmes de la société occidentale. Bien sûr, il fait passer la charia avant les lois de la République, refuse l’égalité aux femmes, magnifie l’idée du martyr. Il en appelait également à mettre douze balles dans la tête aux apostats de l’islam …L’homme n’est pas un marginal au sein de la communauté musulmane. Il a su s’enrichir et a longtemps bénéficié de protections politiques. Lui et son fils ont été très soutenus par la maire PS de Denain, Anne-Lise Dufour. Le fils a même été un des piliers de la mairie et de la stratégie électorale de la maire. …Hassan Iquioussen est un homme puissant et respecté dans le milieu frériste, lequel ne cesse de croître en influence. La stratégie des islamistes, version Frères musulmans, est d’investir le milieu politique, associatif et culturel pour peser sur les représentations et réislamiser la population arabo-musulmane en marquant dans tous les domaines la différence avec la civilisation et la civilité européenne. Force est de constater que cette façon de faire est payante et se mesure aujourd’hui dans les revendications identitaires que portent de plus en plus de musulmans, notamment les plus jeunes. …Ils étaient 74% en 2020 à faire passer la charia avant les lois de la République. …Le rôle des prédicateurs stars comme Tariq Ramadan ou Hassan Iquioussen, leur forte implantation à gauche, les liens qu’ils entretiennent avec les pouvoirs locaux, les accords clientélistes passés partout sur le territoire, l’entrisme pratiqué dans certains partis et associations (LFI, EELV, PS, PC, mais aussi Ligue de l’enseignement, Ligue des droits de l’homme, Planning familial, Amnesty international…), comme leur poids auprès des instances de la Commission européenne, expliquent une telle influence. Ils ont pu attaquer les fondamentaux de notre contrat social, en premier lieu la notion d’égalité homme/femme et la laïcité, non seulement en toute impunité, mais en gagnant en reconnaissance, influence, pouvoir et argent. Voilà pourquoi l’expulsion d’Hassan Iquioussen prend une forte dimension symbolique. Elle signe la fin de l’impunité. Être un islamiste assumé, une figure des Frères musulmans doit devenir source d’opprobre et d’ennuis…. On peut donc se réjouir de cette décision d’expulsion. Reste encore à ce qu’elle soit exécutée, et dans ce domaine, la confiance n’est pas de mise. Certes, cette expulsion ne marquera un coup d’arrêt au travail de déstabilisation politique et de séparatisme effectué sur notre sol par les islamistes, que si l’effort est continu. … La politique se nourrit aussi de symboles. Cette expulsion en est un. Remarquable». [1]

Mobilisations en masse contre l’expulsion  

L’annonce de la décision d’expulsion a semé l’émoi dans la communauté musulmane et la riposte s’organise dans la sphère islamiste, d’Houria Bouteldja à Taha Bouhafs, en passant par les sites «Dômes et minarets» ou «Mizane Info». Musulmans de France (ex-UOIF) et CCIE sont en première ligne car l’expulsion d’Hassan Iquioussen serait une défaite pour les organisations fréristes.

De Lille à Nice en passant par Lyon, des dizaines de mosquées et organisations musulmanes se déclarent choquées et prennent la défense de quelqu’un qui «ne saurait être considéré autrement qu’un homme de paix et de dialogue, fervent opposant à toute forme d’intégrisme et de radicalisme, qui a éclairé 40 ans durant toute une génération à qui il a apporté compréhension et équilibre entre vivre sa religion et vivre pleinement sa citoyenneté …Nous l’avons toujours connu fidèle à son engagement rejetant la haine de l’autre, condamnant le racisme, l’antisémitisme, l’extrémisme, l’obscurantisme et le terrorisme et prônant l’égalité homme-femme, et a tout au long de son ministère promu sans relâche le dialogue, le respect, la paix et le vivre-ensemble».

Cette figure de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), devenue Musulmans de France, devenue star de la prédication en France ces dernières décennies, est dans la tourmente administrative.

Hassan Iquioussen, 58 ans, est né à Denain, dans le Nord, n’a aujourd’hui pas la citoyenneté française. L’homme, qui vit toujours dans la région, est seul détenteur de la nationalité marocaine et d’une carte de séjour de dix ans dont le renouvellement lui est aujourd’hui refusé. Dans une vidéo, il s’en explique :  Mon père, à ma majorité, m’a pris par la main ainsi que mes sœurs et mon frère pour nous faire déchoir de cette nationalité en pensant qu’il n’était pas possible de garder son identité spirituelle et culturelle tout en étant Français. Je suis Français de fait. Je suis Français dans le cœur et dans l’âme, dans la pensée et dans ma culture. Malheureusement, je subis une injustice puisqu’on m’a privé de ma nationalité et aujourd’hui, on veut me priver de mon pays, de ma région, on veut m’éloigner de ma femme, de mes enfants (au nombre de cinq, ndlr) et de mes petits-enfants (quinze, ndlr), ce que je considère être une injustice». Il martèle aussi son opposition à l’antisémitisme, déplorant l’amalgame qui est fait avec l’antisionisme. «Mon combat depuis ces 40 dernières années est un combat de justice. J’ai toujours défendu la cause palestinienne qui, à mon avis, est une cause juste. C’est vrai que j’ai tenu lors d’une conférence sur l’injustice subie par le peuple palestinien dans les années 2000 des propos qui ont été vexants et qui ont touché une partie de la communauté juive. J’ai fait mes excuses». [2]

Hassan Iquioussen saisit la justice

Par l’intermédiaire de son avocate, Louise Simon, Hassan Iquioussen a fait savoir qu’il saisit le tribunal administratif de Paris dans le cadre d’un référé-liberté visant à faire suspendre l’arrêté d’expulsion qui le vise. «La menace à l’ordre public n’est pas caractérisée et en tout état de cause il y a des atteintes aux libertés fondamentales qui sont disproportionnées», dénonce-t-elle, se disant prête à aller «jusqu’au conseil d’État», envisageant même de déposer une «question prioritaire de constitutionnalité et la saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme».

Musulmans de France ex-UOIF en défense au prédicateur

Sans surprise, le président de Musulmans de France (MF) Mohsen Ngazou exprime son soutien à Hassan Iquioussen. «J’avais tout espoir de voir cette affaire se régler rapidement. Malheureusement, ce n’est plus le cas … Aujourd’hui, j’exprime ma profonde incompréhension quant à cette décision à l’encontre de Hassan Iquioussen, l’un des plus prestigieux prédicateurs musulmans de France. … C’est un homme de paix et de dialogue. Il n’a cessé de suivre une voie éclairée et respectueuse du cadre républicain. Une longue expérience du terrain alliée à la maturité de l’âge lui confère une sagesse extraordinaire».

Le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) lance une pétition le 1 août 2022 qui comptait 16.000 signatures le premier jour et plus de 21.000 le 3 mars. Le CCIE qui a pris la relève du CCIF dissous, présente son initiative comme étant celle de «citoyens et citoyennes, musulmans et non musulmans qui appellent les autorités françaises à suspendre cet avis d’expulsion qui créerait de la confusion dans la communauté musulmane française, et mettrait injustement en danger la vie d’un homme qui a toujours honoré la justice». Ce serait «une terrible erreur doublée d’un très mauvais signal envoyé à l’endroit de la communauté musulmane».

Le député (LFI) David Guiraud

Le député LFI (La France insoumise), David Guiraud, élu sous l’étiquette Nupes, proteste et rappelle que l’imam ciblé «n’a pourtant été poursuivi pour aucun crime ni aucun délit» et fustige une procédure «dont le motif islamophobe est clairement établi et relève du fait du prince».      

La décision d’expulsion n’est pas acquise

Le dossier constitué sur Hassan Iquioussen par la préfecture du Nord a convaincu la commission d’expulsion des étrangers, présidée par le président du tribunal judiciaire de Lille. Elle a donné un avis favorable à l’expulsion, le 22 juin. Mais la décision n’était pas acquise. Avec cinq enfants, quinze petits-enfants et tout son patrimoine déclaré en France, Hassan Iquioussen peut se targuer d’être inséré, à sa manière. Selon Le Point, lors de la réunion de la commission départementale d’expulsion, le préfet du Nord s’est déplacé en personne pour plaider le dossier devant les magistrats avec l’appui sans réserve du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Il a insisté sur l’antisémitisme de l’imam. Ses propos, tenus en 2004, 2005 et 2014, ciblaient «expressément les Juifs et non pas l’État d’Israël ou le sionisme». Hassan Iquioussen les décrivait comme «ingrats, avares, vivant entre eux dans des ghettos». L’imam, a martelé le préfet, a par ailleurs déclaré publiquement que «le lobby sioniste voulait sa peau depuis 2004», lorsqu’il a appris que son expulsion était envisagée.  La métamorphose du CCIF dissous en CCIE qui poursuit le combat, montre la difficulté de la lutte contre l’islamisme.

 [1] Céline Pina Causeur 29 juillet 2022

[2] Saphirnet Hanan Ben Rhouma 28 juillet 2022

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