Jérusalem : des biens spoliés redeviennent juifs après un demi-siècle

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L’affaire a été jugée suffisamment importante pour que l’AFP accompagne sa couverture écrite d’une vidéo.

 

 

Cette famille palestinienne, nous dit-on, habitait là depuis 50 ans. Sous-entendu : ces gens étaient chez eux on leur a volé leurs biens. L’article est clair sur les coupables : les Juifs.

 

Une fois l’expulsion menée à bien, quelques hommes juifs sont entrés dans la maison sous la protection de policiers, a constaté un journaliste de l’AFP.

Pour les sympathisants de cette famille palestinienne, il s’agit d’un nouvel exemple de la judaïsation à Jérusalem-Est, annexée et occupée, et il ne fait aucun doute que dans ce cas précis ils cèdent la place à des colons juifs. »

 

Que l’AFP puisse, même en mettant ces paroles dans la bouche de « sympathisants » de la famille, parler sans broncher de « judaïsation de Jérusalem » est aussi absurde que si l’agence avait dénoncé une « francisation de Paris » après l’occupation allemande. Jérusalem a une histoire juive de plus de 3000 ans, et tous les lieux saints juifs sont construits dans sa partie « -Est » (qui n’a été coupée de « l’Ouest » que lorsque les Jordaniens l’ont occupée entre 1949 et 1967).

Mais, pour l’AFP, il y a les « colons juifs » (cette étiquette négative collée aux Juifs ne manquera pas d’attiser certains ressentiments en France envers les Juifs qui y vivent) et les « Palestiniens » (détachés de leur arabité pour devenir uniquement le sujet de l’oppression des Juifs). Si l’AFP était venue à Jérusalem « -Est » il y a un peu plus de 50 ans, avant juin 1967, les seuls colons qu’elle aurait pu y trouver étaient les Arabes qui avaient conquis, occupé et annexé la ville après leur tentative d’éradiquer Israël en 1948. Les Juifs, qui avaient vécu à Jérusalem pendant des siècles, avaient tous été chassés de la vieille ville par la Jordanie – et leurs synagogues détruites. Ils sont revenus en 1967, à la faveur d’une nouvelle guerre lancée contre eux et perdue par les Arabes, et les voilà… colons. Les Arabes, eux, arrivés à Jérusalem par conquêtes successives, ont changé d’identité pour devenir des « Palestiniens », supposés autochtones.

 

Famille palestinienne spoliée, ou spoliatrice ?

Qu’apprend-on sur cette famille expulsée ?

 

Les Shamasneh avaient emménagé en 1964. La maison appartenait avant 1948 à des juifs. Ces derniers, comme des milliers d’autres, ont fui quand les Jordaniens se sont emparés de Jérusalem-Est lors de la première guerre israélo-arabe qui, au même moment et ailleurs, jetait sur les routes des centaines de milliers de Palestiniens.

 

L’AFP prend des libertés avec l’histoire : les Juifs n’ont pas fui Jérusalem, ils en ont été chassés par les Jordaniens.

 

LES HABITANTS DU QUARTIER JUIF DE LA VIEILLE VILLE DE JÉRUSALEM CHASSÉS PAR LA LÉGION ARABE EN 1948 (PHOTO JOHN PHILIPPS)

 

Les « centaines de milliers de Palestiniens », habitant arabes de la Palestine mandataire, eux, n’ont pas été chassés par les Juifs mais ont décidé de fuir les combats – pensant revenir rapidement une fois que les armées arabes auraient pris possession de tout le pays (dans le même temps, des centaines de milliers de Juifs étaient, eux, chassés des pays arabes). Une fois les Juifs chassés de la partie occupée de Jérusalem par les Jordaniens, ils furent spoliés : leurs maisons furent détruites ou données à des familles arabes.

Les Shamasneh vivaient donc dans une maison spoliée à des Juifs après un « nettoyage ethnique » !

 

L’autre version des faits

Un article de Breaking Israel News donne l’autre version des faits, celle que l’AFP n’a pas voulu présenter à ses lecteurs.

 

La maison et le quartier environnant près de la Tombe de Shimon HaTzadik (NDLR Simon le Juste, grand prêtre juif du 4e siècle avant notre ère) avaient originellement été achetés en 1876par le Comité de la communautés sépharade et par l’Assemblée ashkénaze d’Israël. En 1947, les forces armées jordaniennes ont envahi le quartier et chassé les Juifs de leurs maisons. Sous administration jordanienne, ces propriétés ont été transférées sous le contrôle du Dépositaire jordanien de la propriété ennemie, qui en percevait les loyers.

 

Lorsque Israël a reconquis le territoire pendant la guerre des Six-jours en 1967, les familles arabes ont refusé d’évacuer leurs résidences illégalement occupées. Sous la loi israélienne, si des Juifs peuvent prouver que leurs familles vivaient dans des maisons de Jérusalem avant la guerre d’indépendance de 1948, ils peuvent demander que le bureau du dépositaire général d’Israël libère la propriété et leur en restitue les droits. Néanmoins, expulser des squatters arabes implique une longue et coûteuse bataille légale que peu d’Israéliens ont été prêts à entreprendre.

 

Bien que beaucoup de biens immobiliers en Israël ont légalement appartenu à des Juifs depuis avant l’établissement d’Israël, le processus légal est prohibitif et la dernière expulsion de ce genre a eu lieu il y a 11 ans.
Shimon et Dalia Hubara ont décidé d’entrer en procès pour récupérer leur foyer ancestral après que leur fille de 26 ans Odelia ait été tuée par un terroriste palestinien en février 2005. Quand la famille Hubara l’a attaquée au tribunal, la famille Shamasneh a affirmé avoir vécu dans la maison depuis 1964. Néanmoins, la famille Shamasneh n’a pu prouver être résidente que depuis 1972.

 

Après une bataille de 8 ans, la Cour suprême a statué en faveur des plaignants juifs en 2013. Les Hubara ont alors vendu la propriété a un autre acheteur juif. Bien qu’enjoints par la cour de payer un loyer, la famille arabe a refusé, menant vers une procédure d’expulsion. En 2015, la Cour suprême a ordonné à la famille d’évacuer la propriété mais ils ont encore refusé l’ordre de la cour.

 

C’est donc un attentat perpétré en 2005 par les terroristes palestiniens du Jihad islamique devant une boîte de nuit du bord de mer de Tel Aviv qui a motivé la famille israélienne à entreprendre des démarches pour récupérer son bien !

Pour cela, elle s’est tournée comme dans tout Etat de droit vers les institutions juridiques de son pays, qui ont pesé les arguments des uns et des autres avant de rendre leur verdict. L’AFP a beau ne pas reconnaître la souveraineté israélienne sur sa « capitale indivisible » (« La communauté internationale ne reconnaît pas l’annexion »), elle existe de fait. L’occupant précédant, la Jordanie, a d’ailleurs renoncé à toute revendication en 1988 et les derniers accords signés avec l’Autorité palestinienne, les accords d’Oslo, ne prévoient pas de souveraineté palestinienne sur Jérusalem tant que les deux parties ne se mettent pas d’accord.

 

Guerre démographique

Bien sûr, il y a un enjeu politique et idéologique. Des activistes juifs religieux, comme le petit-fils du grand rabbin et chef spirituel du parti ultra-orthodoxe Shass Ovadia Yossef, étaient présents sur les lieux (où ils faisaient face à d’autres activistes d’extrême gauche, soutiens des revendications arabes). Yoni Yossef a déclaré : « Si Dieu le veut, [après les rénovations], nous offrirons la maison à une famille juive, qui emménagera et renforcera la présence juive dans le quartier. Le peuple juif est revenu sur sa terre et à Jérusalem. »

La famille Hubara a sollicité l’assistance du Israël Land Fund, une institution de droite religieuse qui travaille bel et bien à une re-judaïsation de Jérusalem, souvent (comme en avait parlé son directeur, le conseiller municipal de Jérusalem Arieh King, dans un récent reportage perfectible d’Arte ) en achetant grâce à des donateurs en grande partie américains des biens à des Arabes disposés à vendre, ou comme ici à des Juifs ayant récupéré leurs biens par voie légale et disposant donc du droit de les vendre. Le but est clair : installer des Juifs dans des quartiers à majorité arabe.

Ces méthodes ne font pas forcément l’unanimité en Israël où la plupart des gens s’occupent d’autre chose que de modifier la balance démographique, mais elles sont légales. Elles font partie d’une guerre démographique à laquelle les Arabes ont largement pris part, comme dans le cas présent en occupant des biens spoliés à des Juifs, sans qu’il ne le leur en soit fait reproche.

Pour la famille arabe, toute bénéficiaire de spoliation soit-elle, quitter un endroit où l’on s’est habitué à vivre depuis plusieurs décennies est forcément difficile à avaler.

Est-ce sous le coup de cette émotion que l’AFP, sourde au récit de la famille juive qui n’est d’ailleurs même pas nommée, a choisi d’ouvrir son article sur la complainte d’une dame évacuée ?

 

« ‘Y a-t-il une plus grande injustice que celle-ci’, se lamente Fahmiyeh Shamasneh. »

 

Peut-être. Mais alors comment ne pas sourire lorsque l’on voit, dans le clip de l’AFP, l’illustration de cette terrible « injustice » ?

 

 

« Je les rends responsables de m’avoir fait mal au dos en me transportant dehors, » fustige l’un des évacués.

Quelle cruauté, ces Israéliens ! Pour un peu, on les croirait presque aussi violents que les gardiens de camps de concentration de Kim Jong-Un. Sauf que là-bas, les milliers de victimes enfermées n’ont pas la liberté de s’installer dans la rue pour deviser avec des journalistes complaisants : Kim Jong-Un et ses acolytes n’étant pas juifs, ils peuvent poursuivre leurs bien plus noirs desseins à l’abri des caméras.

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