La FIJ et les incitations à la violence du Fatah contre des journalistes israéliens

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Le 21 avril, le Fatah, le parti palestinien au pouvoir, a publié une vidéo menaçante incitant à la violence contre des journalistes israéliens, et la plus grande organisation représentant les journalistes au niveau international n’a encore exprimé aucune inquiétude.

Cet article a été publié pour la première fois par CAMERA (une organisation qui promeut une couverture précise et équilibrée d’Israël et du Moyen-Orient) – sous le titre « Fatah Incitement against Israeli Journalists met with Silence at IFJ ».

Comme l’a rapporté Khaled Abu Toameh dans le Jerusalem Post, la vidéo du Fatah diffusée sur les médias sociaux identifie trois journalistes israéliens par leur nom et leur visage :

  • Yoni Ben-Menachem, ancien directeur général de l’Autorité de radiodiffusion israélienne et analyste pour le Centre des affaires publiques de Jérusalem ;
  • Gal Berger, correspondant sur les affaires palestiniennes pour la KAN, la Société de radiodiffusion publique israélienne ;
  • et Ehud Ya’ari, analyste des affaires arabes pour Channel 12.

La vidéo du Fatah accuse les trois journalistes d’« incitation à la violence » contre les dirigeants de l’Autorité palestinienne et les qualifie de « généraux de guerre israéliens se faisant passer pour des gens des médias ». Elle décrit Ben-Menachem comme un « officier de renseignement israélien qui est devenu journaliste par la suite » ; elle présente Berger comme un « journaliste militaire » qui a probablement « servi dans un appareil de sécurité interne » ; et cherche à discréditer Ya’ari comme quelqu’un qui est « proche des cercles du gouvernement et qui a des opinions de droite ».

Pourquoi le Fatah a-t-il ciblé ces journalistes en particulier ? Le Fatah les accuse de « mener » une « campagne systématique d’incitation à la violence » contre les dirigeants de l’Autorité palestinienne dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. En fait, les trois journalistes avaient fait des reportages sur l’incitation palestinienne contre Israël, en particulier sur l’accusation totalement infondée selon laquelle l’État juif répand délibérément le coronavirus parmi les Palestiniens.

En d’autres termes, des reportages factuels de la part de journalistes israéliens sur l’incitation palestinienne contre Israël ont conduit les responsables palestiniens à lancer une campagne diabolisant les reporters israéliens qui faisaient leur travail. Un journaliste chevronné qui travaille fréquemment dans les territoires palestiniens a déclaré à CAMERA : « Ce type d’incitation met en danger la vie des journalistes. En traitant les journalistes de « généraux de guerre », le Fatah d’Abbas [le président palestinien] donne en fait le feu vert aux Palestiniens pour attaquer les journalistes ».

La campagne a également des conséquences plus larges, notamment l’imposition d’un « effet d’intimidation » qui dissuadera les autres journalistes qui travaillent en Cisjordanie, y compris les correspondants étrangers.

Nasser Abu Baker et la Fédération internationale des journalistes

La récente incitation du Fatah rappelle l’histoire de Nasser Abu Baker, un journaliste de l’Agence France-Presse couvrant les affaires israélo-palestiniennes, qui, dans son rôle supplémentaire de président du Syndicat des journalistes palestiniens, avait mené une campagne de boycott contre les journalistes israéliens (en 2016, alors qu’il était journaliste à l’AFP, Nasser Abu Baker s’était également porté candidat à un siège au Conseil révolutionnaire du Fatah).

En plus de ces deux postes, Abu Baker a également siégé (et continue de le faire) au comité exécutif de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), la plus grande organisation de journalistes au monde, qui représente plus de 600 000 professionnels des médias dans quelque 140 pays.

Fin 2016, Nasser Abu Baker a été délégué au Congrès du Fatah et s’est également présenté aux élections du conseil révolutionnaire du Fatah. En réponse aux préoccupations soulevées par CAMERA concernant le conflit d’intérêts flagrant qu’impliquait la couverture d’affaires dans lesquelles il jouait un rôle politique actif, l’AFP a réagi par une sanction légère : Abu Baker a été suspendu de son travail pendant une semaine. La FIJ s’est insurgée contre l’AFP, et a demandé à ses membres de se joindre à la condamnation. La FIJ n’a pas condamné ni même commenté la campagne qu’Abu Baker avait menée contre les journalistes israéliens et contre les journalistes et fonctionnaires palestiniens qui n’avaient pas osé les boycotter.

La FIJ a-t-elle changé d’attitude depuis lors ? Un examen du site web de l’organisation révèle une abondance de condamnations contre Israël basées sur des allégations fournies par le Syndicat des journalistes palestiniens. Pourtant, étant donné que son président a notamment participé aux élections du conseil révolutionnaire du Fatah et qu’il a été le fer de lance d’une campagne menaçante contre les journalistes palestiniens qui n’ont pas boycotté leurs collègues israéliens, l’organisation ne peut être considérée comme une source crédible.

Il n’est donc pas étonnant que la FIJ n’ait pas encore répondu à la récente campagne d’incitation du Fatah contre les journalistes israéliens. L’organisation, dont l’objectif déclaré est de protéger les journalistes à travers le monde, n’a pas publié de déclaration ni pris de mesures connues contre la vidéo du Fatah visant les journalistes israéliens.

Peut-on raisonnablement attendre quelque chose de la FIJ ?

Le silence profond de la FIJ est d’autant plus frappant qu’il y a moins d’un an, en juin 2019, la FIJ a fait l’éloge de l’engagement déclaré du Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, en faveur de la sécurité des journalistes. Le secrétaire général de la FIJ, Anthony Bellanger, a déclaré que “nous sommes toujours prêts à faire de notre mieux pour soutenir ce processus”.

Mohammed Shtayyeh, tout comme le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, est un membre éminent du Fatah. Le Fatah est la principale faction de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui domine l’Autorité palestinienne.

Malgré tout ce qui précède, la FIJ n’a pas jugé approprié de commenter la vidéo du Fatah incitant à la violence contre les journalistes israéliens, les traitant de « généraux de guerre » et les accusant d’incitation anti-palestinienne simplement parce qu’ils avaient fait leur travail et rapporté des faits sur la direction palestinienne.

Presspectiva, le site web hébreu de CAMERA, a posé les questions suivantes à la FIJ :

  • La FIJ a-t-elle l’intention de publier un commentaire sur la campagne du Fatah ?
  • Si non, pourquoi ?
  • L’amélioration de la sécurité des journalistes n’est-elle pas un objectif louable, y compris pour les journalistes israéliens ?

Au moment où nous écrivons ces lignes, la FIJ n’a pas encore répondu à cette question. Suivez-nous pour les éventuels développements.

A lire également sur ce sujet : « Quand la Fédération internationale des journalistes se réunit à… Ramallah! » (InfoEquitable, décembre 2018).


Source : Shlomi Ben-Meir, « Fatah Incitement against Israeli Journalists met with Silence at IFJ », publié le 4 mai 2020 par le Committee for Accuracy in Middle East Reporting in America (CAMERA). Texte également disponible en hébreu sur le site Presspectiva.

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