L’augmentation de l’antisémitisme en Allemagne

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Marc – JForum

Les multiples facettes de l’antisémitisme en Bavière

Un membre d’une communauté juive de Bavière a entendu de son voisin musulman que celui-ci avait retiré ses enfants d’une école coranique parce qu’on y appelait à l’assassinat des Juifs. Une mère juive du même Etat fédéral allemand s’est vue invitée par le directeur de l’école à ne pas laisser son fils aller seul aux toilettes. Il le lui recommandait vivement par ce qu’un autre élève était néo-nazi. Une personne de confession juive a mentionné qu’un pharmacien avait demandé à son père pourquoi il avait besoin d’un conseiller fiscal, “puisque les Juifs ne paient pas d’impôts”.

Ce ne sont que trois exemples tirés d’une récente étude intitulée : ” Description d’un problème : l’antisémitisme et la Bavière”, publiée par le Centre de Recherche et d’Information de Berlin (RIAS). La Bavière comporte 12,9 millions d’habitants. Comme il s’agit d’un Etat fédéral et non d’une nation indépendante, on entend bien moins d’écho international sur qui se passe ici, que dans une diversité de pays européens qui disposent de populations bien moins importantes, comme l’Autriche, la Belgique, la Suède et la Suisse. Environ 17. 500 Juifs sont membres de 13 communautés juives existantes. Approximativement la moitié  vivent dans ou autour de la capitale bavaroise, Munich.

On peut considérer cette étude comme un modèle pour entreprendre ailleurs des analyses similaires, en Allemagne et dans d’autres pays européens. Elle est basée sur des entretiens avec des experts. On mentionne les incidents lors des manifestations opposées à la campagne militaire israélienne “Bordure Protectrice”, en 2014, contre le Hamas comme des événements déclencheurs dans le développement de l’antisémitisme. Les réactions de la société dans son ensemble, à l’époque, avaient également de quoi inquiéter. D’autres évolutions majeures mentionnées comprennent le débat sur l’interdiction de la circoncision en 2012 et l’afflux de réfugiés en Allemagne à partir de 2015.

L’étude définit les auteurs d’actes antisémites comme issus de l’extrême-droite et des groupes qui justifient l’antisémitisme par les fondamentaux de l’Islam. Dans les villes plus petites et les zones rurales,l’extrémisme de droite est dominant. L’antisémitisme en lien avec Israël est aussi particulièrement mentionné comme un phénomène important, aux côtés de l’antisémitisme classique.

Une découverte importante de l’étude réside dans le fait que les relations entre les communautés juives et les hommes politiques autant qu’avec la police sont bonnes. Pourtant, l’opinion dominante est que les plaintes posées pour incident antisémite seront rarement suivies d’effets, de la part des autorités. Les entretiens mentionnent que dans certains cas, la police conseille aux communautés juives de ne pas porter plainte, parce que les auteurs risquent de ne pas être attrapés.

Entre 2014 et 2016, la police a enregistré 482 actes criminels antisémites. 300 d’entre eux se sont déroulés dans de petites villes et des zones rurales. Pourtant, les incidents qui impliquaient des violences ou des prises pour cibles verbales ou écrites d’individus juifs, apparaissent essentiellement dans les zones métropolitaines de Munich et de Nuremberg/Erlangen/Fürth.

Une étude de 2016 menée par l’Université Ludwig-Maximilian (Louis et Maximilien) de Munich, axée sur le racisme, avait découvert que 18% des enquêtés, à Munich, adoptaient des comportements antisémites fort et significatifs. Dans le reste de la Bavière, il s’agissait de 24%. Cette étude traitait exclusivement d’antisémitisme religieux et ethnique et non d’anti-israélisme.

En 2017, l’Université Technique de Regensburg a enquêté sur les attitudes des demandeurs d’asile de Syrie, d’Érythrée, d’Afghanistan et d’Irak qui étaient arrivés en Bavière en 2015 et 2016. Plus de la moitié de ceux provenant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan – qui sont musulmans de manière prédominante – sont d’accord avec l’allégation selon laquelle “Les Juifs ont trop d’influence dans le monde”. Parmi les Érythréens, ce pourcentage était très faible.

 

On peut trouver beaucoup d’autres observations dans l’étude de RIAS. On ne peut en mentionner que quelques-unes ici. Les Juifs perçoivent l’antisémitisme actuel de façon très différente que la majorité non-juive qui n’est pas accoutumée à de nombreux aspects de ce type de haine. A partir des réponses, on peut conclure que de telles réactions peuvent survenir n’importe où ailleurs, que ce soit dans le sport, les contacts avec les autorités, en conversations avec des accointances, en écoutant les conversations à la table d’à-côté, dans le domaine public, sur son lieu de travail,en faisant les magasins, etc. Les expériences antisémites à l’école sont mentionnées de nombreuses fois.

Plus tôt cette année, la Bavière a nommé un commissaire à l’Antisémitisme, Ludwig Spaenle, l’ancien Ministre de l’Education. Il a réagi à l’enquête du RIAS en disant qu’elle prouve que l’Etat et la Société civile doivent apporter des signaux clairs. Une culture d’observation fine de l’antisémitisme est devenue nécessaire.

En août 2018, quand Spaenle était à son poste depuis cent jours, il a offert une interview sur ses conclusions préliminaires. Il a déclaré que la haine des Juifs ne faisaient qu’augmenter. Il a souligné que les auteurs ne provenaient pas que de l’extrême-droite. Ceux venant de la gauche et du monde musulman se focalisent souvent sur Israël. Spaenle considérait qu’il est urgent d’établir une ligne rouge en Bavière, par laquelle on pourrait porter plainte pour antisémitisme.

Spaenle a mentionné particulièrement l’antisémitisme à l’école comme un problème déterminant. Il veut offrir aux professeurs des formations sur la façon de traiter les stéréotypes antisémites, en particulier parmi les Musulmans. Il a déclaré que, depuis 2015, beaucoup des jeunes réfugiés qui sont entrés en Allemagne, ont grandi dans un nid de préjugés contre les Juifs. A ce propos, Spaenle veut aussi ajouter des techniques sur la façon de combattre l’antisémitisme dans les formations pour l’intégration. Il a remarqué que quand il a accepté le poste de commissaire à l’antisémitisme, il n’était pas conscient de la multitude des tâches qui l’attendait.

Par Manfred Gerstenfeld

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