Le cynisme des Russes

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La chronique de Michèle MAZEL

   Au lendemain d’une frappe aérienne contre des milices pro-iraniennes aux environs de Damas, «l’armée russe», nous dit Le Figaro du 7 février, «a accusé vendredi Israël de s’être servi d’un Airbus-320 avec 172 passagers à bord comme bouclier pour échapper à une riposte syrienne à des bombardements». Une information qui aurait gagné à être étoffée.

L’avion, qui faisait la liaison Téhéran -Damas, a été dérouté par la tour de contrôle de cet aéroport pour lui éviter d’être pris pour cible par les défenses anti-aériennes syriennes. Les autorités de Damas ont pu craindre en effet un incident semblable à celui intervenu à Téhéran il y a moins d’un mois ; les Iraniens avaient tiré deux missiles sur un avion civil ukrainien qu’ils avaient pris pour un missile américain.

            Plus chanceux l’Airbus 320 a pu atterrir sans encombre à Khmeimim, le grand aéroport militaire russe situé non loin de la ville de Lattaquié. Bien que située en territoire syrien cette base n’est accessible en temps ordinaire qu’au personnel russe. Il faut dire que la Russie en a besoin compte tenu du soutien logistique qu’elle apporte au régime de Damas. Etonnant concours de circonstances, d’ailleurs le même jour des appareils militaires russes avaient décollé de cette base pour aller bombarder la province syrienne d’Idlib, faisant 17 morts – hommes femmes et enfants, tous des civils syriens.

            Ce n’était pas la première sortie de l’aviation russe, qui pilonne depuis des mois des concentrations de populations. Les victimes se comptent par centaines. Il semblerait donc que le souci russe pour la sécurité des passagers ne s’étend pas aux infortunés syriens qualifiés un peu légèrement de rebelles. Oserait-on évoquer le sort des 298 passagers et membres d’équipage du Boeing 777 des Malaysia Airlines abattu dans l’espace aérien de l’Ukraine par un missile russe tiré à partir de la Russie le 17 juillet 2014 ? Forte de sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité, la Russie ne se soucie guère des critiques.

            Mais le cynisme du Kremlin se manifeste de bien d’autres façons. On l’a vu récemment avec l’histoire de la jeune israélienne, arrêtée alors qu’arrivant de Delhi elle se trouvait en transit à l’aéroport de Moscou avant de prendre l’avion pour Tel Aviv. Son crime ? On a trouvé dans son sac neuf grammes de cannabis. Son châtiment ? Sept ans et demi de prison ferme, peine confirmée en appel. Les demandes de grâce envoyées par le premier ministre israélien et par le président Rivlin lui-même sont restées sans réponse. On a vite compris que la jeune femme n’était qu’un pion et que les Russes voulaient toute une série de concessions en contrepartie. Ils ont fini par les obtenir.

            La commémoration à Jérusalem du 75ème anniversaire de la libération d’Auschwitz a permis à la Russie de faire une nouvelle démonstration de cynisme. Moscou a envoyé à Yad Vashem un «documentaire» sur l’événement que les dirigeants de cet établissement de mémoire n’ont pas cru nécessaire de contrôler. Ce n’est qu’après sa diffusion qu’ils se sont rendus compte de la façon dont il déformait l’histoire pour glorifier l’attitude de la Russie pendant la guerre et porter des accusations gratuites contre la Pologne. Le communiqué publié par Yad Vashem évoque bien «des documents tendancieux» mais ne va pas jusqu’à accuser nommément Moscou. A quoi bon en effet.

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