Le Juif en danger partout dans le monde

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par Dora Marrache

« Plus jamais ça ! » avait-on dit après l’Holocauste. On y a cru, ou plutôt on a voulu y croire, mais on n’y croit plus. Les accusations dirigées contre le Juif pleuvent de toutes parts : islamistes et chrétiens, qu’ils appartiennent à la mouvance d’extrême droite ou d’extrême gauche, s’attaquent aux Juifs avec une virulence qui rappellent les années 30.

Mettre fin à l’antijudaïsme est un rêve que nous, Juifs, caressons depuis la nuit des temps. Parce que de nature profondément optimiste, nous pensions naïvement qu’après la Shoah le comportement des hommes de toutes races et de toutes religions se modifierait, que le Juif pourrait enfin vivre en paix. Mais il est temps de se rendre à l’évidence : Ce n’est pas le bon sens qui est la chose du monde la mieux partagée, mais bien la haine du juif. Même Adama Dieng, le conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide, en a pris conscience : «Les signes des années trente refont surface. Vous êtes tous témoins chaque jour de l’antisémitisme qui monte », a-t-il déclaré le 1er mai.

En effet, aujourd’hui, 74 ans après la Seconde Guerre mondiale, le Juif assiste impuissant à la renaissance de la judéophobie avec une virulence qu’il n’aurait jamais imaginée : synagogues attaquées, cimetières vandalisés, croix gammées un peu partout, même sur les photos de Simone Weil, meurtres (Ilan Halimi, Sarah Halimi etc.), citoyens juifs attaqués où qu’ils soient, même dans leur domicile, etc. Et si pendant les dernières décennies, l’antisémitisme et les actes de violence dirigés contre les Juifs étaient surtout le fait de terroristes musulmans avec le soutien moral de l’extrême-gauche, la situation aujourd’hui est bien pire .

Les discours de haine se multiplient et ne sont plus l’apanage de l’islam radical et de l’extrême-gauche comme certains se plaisent à le croire. À la lumière des attentats aux États-Unis et en Europe, force est de constater que l’extrême-droite fait un retour en force, preuve s’il en est que la judéophobie est toujours aussi virulente. Et ce n’est pas seulement l’Europe qui est malade, l’Amérique du Nord l’est tout autant. En fait ce n’était qu’une question de temps. L’extrême-droite attendait le moment propice pour ressurgir, le terrain a été préparé par la gauche qui a libéré la parole et par l’islamisme qui a choisi le terrorisme.

Certes, les raisons de cette haine diffèrent et sont difficiles à cerner. La haine du musulman pour le Juif n’a pas les mêmes racines que celle du chrétien pour le Juif (peuple déicide, peuple élu, …) . Le musulman a fait siennes toutes les accusations portées contre le Juif. Il considère que s’il ne réussit pas, c’est à cause du Juif. Ce dernier occupe tous les hauts postes et contrôle tout : les médias, les finances, l’économie, les arts, etc. Quant à la haine de l’extrême-droite, elle relève de l’antisémitisme traditionnel, nationaliste, xénophobe… Il renaît de ses cendres et ne rencontre aucun obstacle sur son chemin, que ce soit aux États-Unis ou en Europe. L’antisémitisme de l’extrême gauche, qui atteint aujourd’hui des dimensions planétaires, prône le multiculturalisme, se définit comme tiers-mondiste, pro-palestinien et antisioniste, bref il est aux antipodes de celui de l’extrême-droite. Et chacun se croit détenteur du Bien et se donne pour mission de combattre le Mal. Et le Mal en l’occurrence, c’est encore le Juif.

Quant à la majorité silencieuse, parce qu’elle choisit justement le silence, elle donne tacitement son accord aux antisémites. Effrayée devant la montée de l’islam radical, elle se nourrit des discours de l’extrême-droite, et  de tous les mythes du Juif comploteur, voleur, menteur, s’accaparant la finance, les médias, etc. D’ailleurs les commentaires des lecteurs sur la caricature du NY Times en disent long sur la position de cette majorité : elle ne voit pas en quoi cette caricature est antisémite, elle considère qu’on a le droit de se moquer des Juifs. 

Et force est de constater que tous les groupes ont en fait un point commun: une haine inextinguible, paroxystique pour le Juif.

Et le Juif, quelle est sa place dans ce monde menaçant ?  Le Juif est confronté non pas à un seul ennemi- l’islamisme-, ni même à deux, mais bien à trois ennemis : l’islamisme radical, l’extrême-gauche et l’extrême-droite. Les trois mouvements semblent bien s’être donné le mot pour terroriser le Juif et lui rappeler sa vulnérabilité. Faut-il s’en inquiéter ?

La violence verbale,  nous y sommes certes accoutumés, mais elle a pris aujourd’hui des proportions qui nous rappellent, hélas, les années qui ont précédé l’Holocauste. Il semble bien que Les Protocoles des Sages de Sion, cet ouvrage antisémite par excellence,  en inspirent plus d’un. Les réseaux sociaux et même des médias traditionnels comme le NY Times se lancent à bride abattue contre les Juifs.

Ainsi, aux États-Unis, non seulement 3 députées démocrates – Rachida Tlaib (une Palestinienne qui a des accointances avec les Frères musulmans), Ilhan Omar (une réfugiée somalienne musulmane) et Alexandria Ocasio-Cortez (députée démocrate de New-York) se livrent ouvertement à des critiques parfois dithyrambiques des Juifs et de l’État juif, un peu comme le font les députés musulmans à la Knesset.

Qui plus est, le NY Times, en bon gauchiste, leur apporte son soutien en faisant écho à leur antisémitisme. Dans son édition internationale du 25 avril, il présente une caricature on ne peut plus antisémite, digne d’un média suprématiste blanc : elle représente Netanyahou sous la forme d’un chien-guide (une comparaison très prisée des nazis et des islamistes) , une étoile de David sur son collier (pour bien signifier que ce n’est pas seulement l’homme qui est mis en cause, mais le Juif), et tenu en laisse par un Donald Trump aveugle, une kippa sur la tête, suggérant ainsi qu’il s’est converti au judaïsme et qu’il se laisse guider par les Juifs. Et le message est on ne peut plus clair : les Juifs contrôlent le monde, même le Président des États-Unis est sous leur joug.

Rappelons que dans l’un de ses éditoriaux,  le NY Times avait aussi affirmé que « Jésus, né à Bethléem, était probablement un Palestinien à la peau foncée ». Et voilà qu’il fait de l’Islam, après Abbas, une religion contemporaine du judaïsme et antérieure au christianisme. Une insulte à l’intelligence des lecteurs ! Le NY Times prend réellement ses lecteurs pour des idiots ! À moins que ses éditorialistes ne gobent bêtement ce que leur disent les Palestiniens n’ayant eux-mêmes que peu de connaissances pour être en mesure de présenter la vérité historique.

Mais depuis bien longtemps les antisémites ne peuvent se contenter de discours haineux. Comme de raison, de tels discours ont produit l’effet attendu : ils les ont incités à passer de la parole aux actes, ils ont ouvert la voie à la seconde étape, la violence physique avec ses attaques meurtrières  et le terrorisme. En France, les crimes violents contre les Juifs ne se comptent plus  L’Allemagne n’est pas épargnée par cette folie meurtrière, pas plus que d’autres pays européens.

Et aujourd’hui, l’Amérique qui se croyait à l’abri découvre avec horreur que la haine du Juif n’a pas de frontières. Ainsi, en octobre 2018,  à Pittsburgh aux États-Unis, une fusillade fait 12 morts dans une synagogue. Six mois plus tard, jour pour jour, c’est une autre synagogue qui a connu le même sort, même si le tireur n’a pas pu atteindre son but. Les Juifs américains ont été profondément choqués.

Le Centre Simon Wiesenthal, basé à Los Angeles, a qualifié cet attentat de «rappel horrible que les flammes de la haine brûlent encore beaucoup chez certains». Et le directeur général de la Ligue Anti-Diffamation a déclaré : « Cette fusillade rappelle la virulence persistante de l’antisémitisme ». C’est aussi le pointe de vue du président israélien, Reuven Rivlin, il en a parlé comme d’un « douloureux rappel que l’antisémitisme et la haine des juifs sont toujours présents, partout ».

Il est regrettable que ces personnalités aient eu  besoin de voir de tels actes pour ouvrir les yeux et réaliser que « les flammes de la haine brûlent encore ». Sans doute s’imaginaient-elles que seule l’Europe était frappée par le terrorisme, qu’il n’était l’œuvre que de musulmans radicalisés et que jamais l’Amérique ne connaîtrait une telle flambée de violence.

Alors, une question se pose avec acuité : Que faire face à cette montée de l’antisémitisme ?

Quoi que nous fassions, qui que nous soyons, nous, en tant que Juifs, sommes totalement impuissants. Certes, il y a aussi dans la gauche de nombreux JJuifs qui s’adonnent au terrorisme verbal et qui, ce faisant, apportent de l’eau au moulin des antisémites, lesquels en concluent qu’ils peuvent tout se permettre.

Quant aux gouvernements, que font-ils pour la sécurité des citoyens juifs ? Rien, absolument RIEN ! Certes, ils multiplient les déclarations condamnant les actes antisémites et leurs auteurs. Ils se disent  désolés, choqués, et jugent inacceptables de tels actes. Mais les condamnations viennent surtout des organisations juives :   Le Centre Simon Wiesenthal, la Ligue anti-diffamation, le Comité juif américain, le Musée américain de l’Holocauste, etc.

Tant qu’il n’y a pas mort d’hommes, les auteurs de ces actes ignobles se contentent de présenter des excuses. Et généralement cela ne va pas plus loin. Sauf cas exceptionnels, il n’y a guère de sanctions. Ainsi, deux jours après avoir publié sa caricature, le NY Times a reconnu, non pas la gravité du dessin, mais ce qu’il appelle son « erreur » : « L’image était choquante et c’était une erreur de jugement de la publier ».

De même, Ilhan Omar, après avoir tenu de graves accusations contre l’AIPAC et contre Israël a été contrainte, à la demande d’une dizaine de parlementaires, républicains comme démocrates, de présenter des excuses. Elle l’a fait de toute évidence à contrecœur et a accusé ses collègues de la traiter ainsi parce qu’elle est musulmane : « Personne ne les appelle antisémites parce qu’ils sont juifs, mais quand il s’agit de quelqu’un comme moi, même une légère mention d’eux … »a-t-elle déclaré.  De toute évidence, comme tous les manipulateurs, elle attaque et c’est elle la victime. Hélas, il est fort à parier que ses collègues juifs se sont gardés ensuite d’exiger que des sanctions soient prises à son encontre.

Mais les Juifs n’ont que faire de leurs excuses ! Que valent ces excuses ? Sincères, elles ne le sont jamais, et les antisémites récidiveront. D’ailleurs, David Harris, le directeur du Comité juif américain, a tweeté à propos de la caricature du NY Times: « Le » dessin animé « est plus que choquant. Antisémite à l’extrême. Non, les « excuses » ne suffisent pas. Le NY Times doit plutôt expliquer aux lecteurs comment cela s’est passé ».

Or non seulement sa demande est restée lettre morte, mais la réaction du NY Times à de quoi en choquer plus d’un. Deux jours après s’être « excusé », le journal persiste et signe avec la publication d’une nouvelle caricature antisémite présentant Netanyahou comme celui qui se prend pour le Moïse des Temps modernes.

Bien sûr, on nous dira  que ce n’est pas le Juif qui est représenté, mais un homme politique. Personnellement, j’y vois la réponse du NY Times aux récriminations des Juifs et elle pourrait se résumer ainsi : « Juifs, je vous emm … ! » De toute façon, le NY Times a toujours été antisémite et il sait qu’il a encore de beaux jours devant lui, que les Juifs démocrates comptent parmi ses fidèles lecteurs et que, quoi qu’il écrive, il jouira toujours de leur soutien car ils se veulent américains d’abord.

La solution ? De ces trois mouvements lequel est le plus à craindre ? Je ne saurais le dire, mais il me semble bien qu’à plus ou moins long terme, ils risquent fort de s’unir, de s’amalgamer pour former un nouvel antisémitisme d’une extrême violence. L’Islam est la bête noire de la droite, et la gauche, son ennemi juré. Mais comme la gauche et les islamistes ont le Juif pour ennemi, ils sont d’une certaine façon les alliés de la droite.

On peut affirmer sans risque de se tromper que les antisémites ont encore un bel avenir devant eux. Doit-on s’en inquiéter ? Peut-on espérer mettre un terme à cette haine ? «Il n’y a pas de place pour une violence aussi haineuse dans notre société. Les gens de toutes les religions doivent s’unir et déclarer que nous ne tolérerons jamais une telle haine », a déclaré Jonathan Greenblatt, le directeur de la Ligue anti-diffamation.

Et de quelle façon son rêve pourrait-il se réaliser ? Quels sont les moyens à mettre en œuvre ? L’éducation ! L’éducation ! nous dira-t-on. Il est vrai qu’il y a trop d’ignorants aujourd’hui, qu’on ne lit plus, qu’on ne se cultive plus, qu’on rejette le passé pour se dire progressiste, qu’on n’apprend pas aux jeunes à développer leur esprit critique. Il est vrai aussi que seule une étude et une compréhension du passé, de l’histoire peut remédier à la violence raciste. Mais dans le cas de l’antisémitisme, j’en doute. Je me dis que si la Shoah avec l’extermination de  6 millions de Juifs n’a pas suffi à mettre fin à cette haine millénaire, il n’y a plus aucun espoir de l’éradiquer.

Mais une consolation, et non des moindres, demeure : aujourd’hui, la situation du Juif est radicalement différente de celle des années 30. Le Juif n’est plus seul, isolé, abandonné à lui-même et la proie des antisémites. Aujourd’hui, il peut échapper à l’antisémitisme, car il a un pays. Et comme il est doté d’un remarquable pouvoir de résilience, quoi que fassent tous les antisémites de la terre, le Juif sera toujours là.

Alors, au lieu de nous lamenter, nous devrions peut-être nous dire que l’heure de la fin de l’exil a sonné, que cette résurgence de  l’antisémitisme évocateur de très douloureux souvenirs est peut-être un mal pour un bien. Et je conclurai avec cette phrase du président israélien Reuven Rivlin « Que tous ceux qui veulent nuire aux Juifs le comprennent bien : Nous sommes forts, nous sommes unis et nous ne serons jamais vaincus par la haine ».

© Dora Marrache pour Europe-Israël  

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