Le Musée Judéo-alsacien, dans l’ancienne synagogue de Bouxwiller

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À l’ombre de deux grands tilleuls, l’ancienne synagogue de Bouxwiller, un petit village situé entre Saverne et Haguenau, dans le Bas-Rhin, abrite le Musée judéo-alsacien. Si vous passez par là cet été, entre deux randonnées dans les Vosges du Nord, n’hésitez pas : c’est le genre de petit musée instructif et passionné où, en une heure, l’air de rien, vous comprenez des choses essentielles… Détails…

Réduite par les nazis à une fabrique de carton, la synagogue, qui depuis 1960 ne parvenait plus à rassembler le quorum des dix hommes juifs nécessaires pour la prière, a failli être détruite en 1983 et transformée en parking, mais la voici devenue mémoire vivante.

Pourquoi, malgré les destructions, l’Alsace recélait encore, en 1945, la plus forte concentration de synagogues rurales d’Europe, et donc mondiale ? Pourquoi, après la Révolution, et rien qu’en Basse-Alsace, plus d’une centaine de synagogues sont construites en quelques dizaines d’années ?

Je suis d’origine alsacienne et lorraine, mon père est protestant, ma mère catholique : vous imaginez comme ce mélange, historiquement, a pu être explosif.

Ces questions m’intéressent donc particulièrement : tous les communautarismes sont en soi des impasses, mais comment nous comportons-nous vis-à-vis des communautés, c’est peut-être la seule vraie question politique.

Dites-moi ce que vous pensez des Juifs alsaciens, je vous dirai quel alsacien vous êtes.
Persécutions, pogroms, meurtres rituels : comme ailleurs, toutes les pratiques de l’antisémitisme sont répertoriées en Alsace.

On accuse les Juifs d’être responsables de la peste noire entre 1347 et 1350 : à Colmar et à Strasbourg, plusieurs milliers de Juifs sont brûlés vifs. Ils sont interdits en ville, doivent payer des taxes pour passer sur une commune, même pour y faire transiter un cercueil.
On se souvient que l’Église catholique les oblige, sur décision du concile du Latran, à porter la rouelle, cette pièce d’étoffe jaune cousue sur le vêtement, qui est l’ancêtre de l’étoile jaune ; et qu’ils sont bannis du royaume de France en 1394, Philippe Auguste élevant avec leur argent l’Hôtel de Ville de Paris et les Halles (qu’on appelait les Champeaux). C’est alors que les seigneuries de la vallée du Rhin (et celles de Provence) vont servir de refuges précaires : l’Alsace devient pendant des siècles une zone tampon soustraite à l’autorité du roi de France comme à celle de l’empereur d’Allemagne, elle se morcelle en une multitude de principautés ; cette dispersion du pouvoir est favorable aux Juifs.

Se fondent des îlots de tolérance, souvent économiques, qui ne font pas disparaître l’antisémitisme, cette maladie de l’esprit à laquelle souscrira la Réforme luthérienne, mais vont protéger, un peu, les Juifs.

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