Le rabbi de Kalov, par. Bamidbar : accueillir dignement un rav de passage

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«Ne retranchez pas la branche des familles issues de Kehath » (Bamidbar 4,18).

Nous constatons qu’à l’arrivée dans une ville d’un rav qui a la faculté de diffuser la Tora et la crainte du Ciel aux résidents des lieux, parfois, le président de la communauté n’invite pas le rav à prendre la parole à la synagogue ou dans les institutions de Tora, estimant que c’est une atteinte portée à son honneur. Il considère en effet qu’en l’invitant à prendre la parole, c’est une manière d’insinuer que le rav de leur communauté n’est pas suffisamment talentueux pour pourvoir à tous leurs besoins spirituels.

Or, il s’agit d’une coutume ancienne qui figure déjà dans la Guemara (Irouvin 36b et Betsa 38a) : lorsqu’un rav est invité dans une ville, on lui fait l’honneur de le faire discourir devant les résidents de la ville. Le ‘Hatam Sofer écrit au sujet de cette coutume : l’usage du peuple juif équivaut à (une loi de) la Tora.

Lorsque le ‘Hatam Sofer apprit que le rav de la localité de Mattersdorf n’avait pas accordé l’honneur à un rav de passage de prendre la parole à la synagogue, il s’emporta contre lui en lui reprochant de n’avoir pas suivi cette coutume, si bien que le rav de la ville fut contraint de lui écrire une lettre pour se justifier.

La raison pour laquelle on n’y voyait aucune atteinte portée à l’honneur du rav local tient au fait que le rav invité a toujours un avantage par rapport au rav de la communauté, même si ce dernier est un bon orateur et est très intelligent. En effet, l’invité est un nouveau visage avec un contenu et un style de discours nouveau, qui lui est propre. La nature de l’homme le pousse à courir écouter un nouvel orateur, plus qu’un orateur auquel il est habitué.

Le rav Hillel de Kalamiya avait l’usage de sillonner les villes et de prendre la parole à chaque lieu, et un jour, il arriva dans la localité de Grosswardein. Il constata que cette localité était remplie d’érudits en Tora et dotée d’un rav important, un érudit vertueux et excellent orateur. Il craignait que certains résidents fassent des remarques en constatant qu’un rav extérieur leur adressait des propos d’éthique pour les éveiller à améliorer leur conduite. Il préfaça son discours par les termes suivants : «Le Midrach (Béréchit Rabba 97) commente ce verset : “Puisse-t-il multiplier à l’infini au milieu de la contrée” : Israël est comparé à des poissons, car ceux-ci, bien qu’ils grandissent dans l’eau, lorsqu’une goutte de pluie tombe du ciel, ils l’accueillent avec avidité, comme quelqu’un qui n’a jamais goûté au goût de l’eau de sa vie. Ainsi est Israël : même s’ils grandissent dans la Tora, lorsqu’ils entendent un nouvel enseignement de Tora, ils l’acceptent avec un grand intérêt. »

Le Gaon de Kalamiya poursuivit : « La ville de Grosswardein est pleine de Tora et n’a pas besoin de ma Tora, mais tout comme les poissons sont avides de recevoir des gouttes de pluie, du fait que l’eau est dotée d’un goût différent de celui de la mer dans laquelle ils évoluent et auquel ils sont habitués, à l’arrivée d’un nouvel orateur, on l’accueille avec enthousiasme. »

L’Admour et auteur du Divré Yoël de Satmar zatsal mentionne une autre raison à cette coutume de faire honneur à un rav invité de parler à la place du rav de la communauté : il arrive fréquemment que des personnes n’acceptent pas les propos de remontrance du rav de la communauté, estimant qu’il n’est préoccupé que par son propre honneur, afin que sa communauté ait bonne réputation, ou que le rav, par ses propos, vise à humilier certaines personnes qu’il déteste, ou d’autres calculs, ce qui n’est pas le cas d’un rav invité dont les propos sont accueillis plus favorablement.

En adoptant cet usage, les rabbanim des communautés indiquent qu’ils considèrent leur travail comme une mission sacrée, et ne craignent pas que les rabbanim invités aient plus d’influence qu’eux, au contraire, ils s’en réjouissent, l’essentiel pour eux étant d’accroître l’honneur du Ciel et que de plus en plus de Juifs se renforcent dans la Tora et les Mitsvoth, et ils n’agissent pas pour leur propre intérêt.

Le rabbi de Klausenbourg zatsal expliqua un jour que dans le cantique des anges, il est dit : « Ils se donnent avec affection une permission mutuelle » : chaque ange sert le Créateur en récitant le cantique, sans penser qu’il est le seul à le réciter, et de ce fait, il donne la permission à son prochain de le réciter. C’est l’intention du texte de nos Sages (‘Haguiga 15b) : si le rav ressemble à un ange de Hachem des armées, demandez à apprendre la Tora auprès de lui : le rav se conduit à l’image de l’ange et donne la permission à un rav invité de prendre la parole à sa place, et il est digne d’accepter ses enseignements de Tora, car son intention est totalement pure.

Or, même de grands hommes tombent parfois dans les filets du Yétser Hara de l’orgueil et de la jalousie. Les Tsadikim affirment que la plus grande opposition de la part de certains rabbanim contre les ‘Hassidim, même après qu’il s’avéra que ce n’était pas une nouvelle voie qui s’écarte de la Tora, que D’ préserve, provenait souvent d’un sentiment d’orgueil et de jalousie. Le Ba’al Chem Tov et un grand nombre de ses élèves, comme le rav et auteur du Méor Haénayim de Tchernobyl, avaient l’usage d’entreprendre des voyages de renforcement, et ces rabbanim craignaient qu’ils parviennent à enflammer les membres de leur communauté à l’égard de notre Père céleste, là où ils n’avaient pas réussi. C’est pourquoi ils poursuivaient les ‘Hassidim et n’autorisaient pas ces rabbanim ‘Hassidim à prendre la parole dans leur ville.

Ainsi, nous pouvons dire à propos du verset : « Ne retranchez point la branche des familles issues de Kehath » : la famille Kehat est une allusion à ceux qui partent à la recherche d’âmes juives pour les rapprocher de leur Père céleste, car le terme Kéhat est un langage de rassemblement, comme il est dit (Beréchith 49,10) : « À lui l’assemblée (kehat) des peuples. » Le terme Chévet est un bâton sur lequel on s’appuie lorsqu’on prend la route. Le Saint béni soit-Il lance une mise en garde pour toutes les générations : ne brisons pas le bâton des rabbanim invités qui rapprochent les cœurs juifs en tout lieu où ils se rendent, et ne faisons rien pour les empêcher de s’exprimer, mais au contraire, soutenons-les de notre mieux afin d’élargir les frontières de la sainteté, en faveur du Ciel.

Chabbath Chalom !

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