L’ère Trump et le leadership dans le peuple juif

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Par David E. Avraham

« Quand, arrivé dans le pays que l’Éternel, ton D’, te donne, tu en auras pris possession et y seras bien établi, si tu dis alors : « Je voudrais mettre un roi à ma tête, à l’exemple de tous les peuples qui m’entourent », tu pourras te donner un roi, celui dont l’Éternel, ton D’, approuvera le choix : c’est l’un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi ; tu n’auras pas le droit de te soumettre à un étranger, qui ne serait pas ton frère. Seulement, il doit se garder d’entretenir beaucoup de chevaux, et ne pas ramener le peuple en Égypte pour en augmenter le nombre, l’Éternel vous ayant déclaré que vous ne reprendrez plus ce chemin-là désormais. Il ne doit pas non plus avoir beaucoup de femmes, de crainte que son cœur ne s’égare ; même de l’argent et de l’or, il n’en amassera pas outre mesure. Or, quand il occupera le siège royal, il écrira pour son usage, dans un livre, une copie de la Tora, en s’inspirant des Kohanim, descendants de Lévi. Elle restera par devers lui, car il doit y lire toute sa vie, afin qu’il s’habitue à révérer l’Éternel, son D’, qu’il respecte et exécute tout le contenu de cette loi et les présents statuts ; afin que son cœur ne s’enorgueillisse point à l’égard de ses frères, et qu’il ne s’écarte de la loi ni à droite ni à gauche. De la sorte, il conservera longtemps sa royauté, lui ainsi que ses fils, au milieu d’Israël » (Devarim/Deutéronome 17,14-20).

Comme tout le monde sait, le 20 de ce mois de janvier 2017 a été marqué par l’investiture du nouveau locataire de la Maison Blanche : Donald J. Trump.

Pour les uns, cet évènement tant redouté annonce une ère sombre et pleine d’incertitudes. Pour d’autres, c’est l’amorce d’une période de changement nourrie par l’espoir que le milliardaire excentrique fera une réalité de son fameux slogan politique : « Make America great again » (rendre sa grandeur à l’Amérique). Mais est-ce que les promesses de la campagne électorale ne s’avéreront pas être une fois de plus des nuées sans pluie ?

Certains d’entre nous se souviennent encore avec une once d’amertume d’un B. Obama scandant à tout va : « Yes we can ! » (Oui, on le peut !). Un « Yes we can » qui devint au final un simple « Hope » (espoir).

Mais comme on le sait, les promesses (politiques) n’engagent que ceux qui les écoutent. Le même aimait à dire que la politique, telle qu’elle se pratique aujourd’hui, n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent.

Quoi qu’il en soit cette investiture est l’occasion pour nous de réfléchir sur le leadership, tout particulièrement d’étudier ce que le judaïsme considère comme étant un bon leadership.

« Là où il n’y a pas d’homme, efforce-toi d’en être un » (Avoth/Maximes des pères 2,5).

Lorsque l’on aborde le sujet du leadership tant d’un point de vue général que sous le prisme de la Tora, d’emblée une question s’impose à nous : est-ce que nous pouvons tous être des leaders ?

Est-ce qu’une personne est née pour être leader ou devra-t-elle se former avant de pouvoir le devenir ? C’est une question à laquelle de nombreux théoriciens sur le management ont tenté de trouver des éléments de réponse. Et qui demeure à ce jour, un sujet de débat continuel.

A cette interrogation s’ajoute le fait de savoir si nous devons tous prétendre au leadership ? Une société dont tous les membres souhaiteraient en tenir les rênes n’est-elle pas vouée au chaos et à l’anéantissement ?

C’est entre autres ce que nous enseigne l’un des récits du midrach (Maassiyoth du Ran). Le Midrach raconte effectivement que le fameux rabbi Yehochoua’ ben Lévi accompagna le prophète Elie dans une ville dont les habitants étaient tous cupides et avares. Et aucun d’eux n’accepta de leur offrir l’hospitalité. Le lendemain, Elie les bénit de tous devenir des leaders. Après cela ils se rendirent dans une ville dont les habitants étaient tous bons et généreux. Ceux-ci s’empressèrent de leur offrir l’hospitalité. Et le lendemain, Elie les bénit qu’ils n’aient toujours qu’un seul leader à leur tête.

Le prophète s’expliqua auprès de son accompagnateur. Il lui signifia que lorsqu’une communauté dispose d’un leader unique, celui-ci en garantit la paix. Mais si tous les membres de la communauté briguent le pouvoir cela conduira au chaos et la fin inéluctable de celle-ci.

C’est en substance ce qu’écrit l’auteur du Séfer ha’Hinoukh au sujet du commandement divin de nommer un roi (mitsva 71 de son décompte).

Cela dit, revenons à la question initiale : le leadership est-il inné ou acquis ?

L’approche du Judaïsme à cette question s’exprime dans la Tora par l’exposé des caractéristiques du plus grand leader de notre peuple : Moché rabbénou, Moïse pour les francophones invétérés.

Moché fut le plus grand leader du peuple juif. Pourtant il manquait d’expérience et bégayait. Selon le judaïsme, un leader n’est donc pas forcément quelqu’un qui possède tous les talents appropriés pour remplir cette fonction. Un leader est quelqu’un qui voit qu’il y a un travail à accomplir et qui s’en occupe, qui reconnait que la tâche est capitale et que personne d’autre ne s’en charge. C’est notamment ce qui poussa David à combattre Goliath et à devenir l’un des plus grands souverains de notre peuple.

Nous sommes donc tous des leaders potentiels. Plus encore, le Judaïsme requiert que nous soyons tous prêts à devenir des leaders comme l’enseigne la Michna de Pirké Avoth (2,5) : « Là où il n’y a pas d’homme, efforce-toi d’en être un », autrement dit, un homme, un dirigeant s’il le faut.

Cela signifie-t-il pour autant que nous devons tous briguer des carrières politiques ? Certainement pas.

Ce n’est pas uniquement de la direction de la sphère politique ou du monde de l’entreprise dont il est question là, mais tout ce qui touche potentiellement le peuple juif. Chacun doit aspirer à son propre leadership. Un leadership qui révèlera la singularité de sa personne, de son cœur et de son âme.

C’est pourquoi le rav Chelomo Wolbe (1914-2005) avait l’habitude de dire à ses étudiants de s’exercer à regarder les besoins du peuple juif. Le problème particulier que chacun verrait et essaierait de solutionner serait le domaine dans lequel il pourrait atteindre une certaine grandeur spirituelle.

En d’autres termes : c’est le domaine dans lequel il pourrait atteindre un certain « leadership ».

Certes, nous sommes donc tous des leaders potentiels, mais des leaders dans le domaine qui nous est propre.

 

Mais alors, comment définir un bon leader juif ?

“Moché grandit et alla vers ses frères et il vit leur souffrance ”(Chemoth/Exode 2,11).

La première question que doit se poser tout aspirant au leadership juif est donc la suivante : où vois-je la nécessité de me lever et d’être un leader ?

Répondre à cette question implique d’évoquer les traits de caractère indispensables au leader juif : la compassion, l’humilité, la tolérance et le ‘ayin tova (la bienveillance ou le fait d’avoir un regard positif sur les gens et sur les choses).

Comme nous l’enseigne le midrach : Moché rabbénou ressentit en effet la souffrance de son peuple et les aida à porter leur lourd fardeau. Sa compassion amena à ce qu’il soit choisi comme leader du peuple juif (Chemoth 2,11, avec Chemoth Rabba 1,27).

De même, pour reprendre les termes du rav B. Gershenfeld : un bon roi se doit de comprendre le caractère unique de l’individu et l’aider à trouver sa place au sein de la nation. Cela demande indiscutablement de l’humilité, de la tolérance, mais surtout la capacité de voir le bien contenu en chacun (‘ayin tova).

Le leadership implique également et surtout le fait d’être un ambassadeur du véritable Leader du monde : Hachem.

Le rav Dessler enseigne à ce sujet : la vraie fonction de la royauté est, comme l’explique le Maharal, de faire de D’ le Roi du peuple juif, en amenant chacun à la reconnaissance qu‘Il règne sur le monde entier et que toutes nos réussites et nos joies ne se trouvent qu’à Son service (Mikhtav MéElyahou, vol. 3, p. 22).

C’est donc armé de ces qualités et de l’ambition de contribuer à l’essor du peuple d’Israël ainsi qu’à l’avènement de la Royauté divine dans ce monde, que l’on doit passer à l’action.

Car au final, un leader doit avoir le courage et l’énergie d’agir.

Le leadership juif se distingue donc tant par sa vocation et que par son étendue.

Chaque Juif est un leader en puissance. Il lui appartient juste de savoir s’éveiller à l’essor du peuple d’Israël – à se préoccuper du bien-être spirituel et matériel d’autrui en l’incluant dans son « je ».

Cela suppose évidement d’être activement engagé dans la voie que l’on promeut en tant que leader. Il ne s’agit pas d’être parfait ou sans faute, mais d’être honnête en s’efforçant de mener une vie en accord avec les idéaux que l’on prétend représenter. Car la capacité d’un bon leader juif à guider la communauté découle de sa capacité à parfaire son propre caractère et à réaliser son propre potentiel.

Certes, il y a d’autres aspects plus techniques du leadership tel le courage de suivre sa vision obstinément et de façon persistante, la capacité d’élaborer des stratégies, une volonté de prendre des risques raisonnables, une disposition à changer, réévaluer, et si besoin est, choisir une autre voie. Ou encore faire preuve d’un jugement juste, d’une capacité de résoudre des problèmes et de créativité. Cet ensemble de qualités peut être étudié dans la Tora, mais on les acquiert essentiellement en s’efforçant de côtoyer les grands leaders de notre peuple.

Il existe aujourd’hui des lieux où tout Juif peut apprendre et acquérir auprès d’authentiques leaders toutes les qualités nécessaires à un bon leadership juif. Des leaders qui possèdent et maitrisent réellement toutes ces qualités.

Ces lieux, ce sont les Yechivoth. Car, comme l’enseigne le rav ‘Haïm Chmoulévitz, de mémoire bénie, la Yechiva est le lieu où sont transmises toutes les bases d’une vie juive authentique, ce qui inclut bien entendu le leadership.

 

Puisse Hachem nous éclairer de la lumière de Sa Tora et renforcer nos cœurs de courage afin que nous parvenions à devenir des leaders pour nous-même, pour notre famille, pour notre communauté et pour l’ensemble de notre peuple. ●

Extrait de Kountrass numéro 202

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