Les enfants qui n’intéressent personne

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La chronique de Michèle MAZEL – Temps et contretemps

Ils sont assis sagement sur ce qui ressemble à un banc mais est en fait un lit de fortune.  Trois enfants – le plus jeune a six ans, la grande en a onze racontent le quotidien de la vie sous la terreur. Leur histoire est celle de dizaines de milliers d’autres petits Israéliens vivant de l’autre côté de la barrière qui sépare l’État juif de la bande de Gaza. Ils parlent des grappes de ballons, des incendies, des explosions, des tirs de roquette parfois. Et les longues heures passées dans les espaces sécurisés que la loi rend obligatoires dans les nouvelles constructions.

Ils évoquent les alarmes nocturnes, la course effrénée dans le noir vers les abris, la panique. «Moi je n’ai pas pleuré, se hâte d’expliquer un garçonnet». Une fillette explique qu’elle ne veut pas quitter la maison dans la journée. Elle a peur de la mort qui vient du ciel, peur de ne pas pouvoir rentrer à temps se mettre en sûreté. Quand sa mère insiste, elle fait un tour de bicyclette dans le tout petit jardin et rentre précipitamment. Pendant ce temps les médias en France s’attardent sur ce qu’ils appellent «le caractère disproportionné» des représailles de l’armée.

Le Figaro Live met en ligne des vidéos montrant le ciel de Gaza illuminé par une frappe nocturne, la flèche d’un minaret bien en vue à droite de l’écran. On ne verra pas les flammes qui dévorent champs et forêts et qui viennent lécher les abords de la ville de Sderot. Un article fait état «d’une femme enceinte tuée et d’un bébé» soulignant que les ballons «n’ont pas fait de victimes». Les dizaines de personnes blessées en courant vers les abris, les maisons atteintes par les éclats d’obus sont passées sous silence. La volière touchée de plein fouet aussi. Un retraité y élevait depuis des années des oiseaux multicolores. Devant les petits cadavres, il retient ses larmes : «Ils étaient comme mes enfants» soupire-t-il. Détails sans doute.

L’Occident aurait-il plus de sollicitude pour les enfants palestiniens ? Certes, mais uniquement quand on peut blâmer les Israéliens. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe aux carrefours des routes du nord d’Israël. Lorsque le feu vire au rouge, des petits arabes apeurés, âgés de six ans à peine, se faufilent entre les voitures à l’arrêt et viennent quémander à la vitre des conducteurs. Il leur faut faire vite afin de regagner le trottoir à temps, car les voitures démarrent en trombe quand le feu passe au vert. Tout au long de la journée et jusqu’à la tombée de la nuit, dans l’écrasante chaleur de l’été, ces enfants défient la mort.

Le phénomène n’est pas nouveau. La télévision israélienne y avait consacré de longs développements en novembre 2016, soulignant que les gamins qui se livrent à ce périlleux exercice ne «travaillent» pas pour leur compte, mais pour le profit de leurs patrons. Des arabes des Territoires palestiniens. L’un d’eux, filmé en caméra cachée, se vantait devant le producteur : «Chacun de mes gosses me rapporte 400 shekels (environ 160 euros) par jour, et j’en ai plusieurs». Une partie de cette somme, moins du quart, va à la famille de l’enfant. Le «patron», lui, se charge de faire passer le mur ou la barrière de séparation à ses petits travailleurs. La presse occidentale n’en avait pas parlé. Elle n’en parle pas davantage aujourd’hui.

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