Les marchands du Temple

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Par Michèle Mazel

By Marc – jforum

La question de l’imposition des biens ecclésiastiques pose un problème épineux un peu partout dans le monde. S’il est généralement établi que les lieux de culte ne sont pas assujettis à l’impôt, il n’en est pas de même quand il s’agit de l’exploitation commerciale des biens immobiliers et en particulier des restaurants et hôtels opérant dans des bâtiments appartenant à telle ou telle église. Le plus souvent d’ailleurs ce sont les municipalités, désireuses de bénéficier des taxes foncières, qui sont à la pointe du combat.

Justement, la mairie de Jérusalem, toujours à court d’argent, s’est penchée sur le dossier. Depuis plusieurs années des commerçants se plaignaient de la concurrence déloyale à leurs yeux de restaurants à succès et d’hôtels appartenant notamment à l’église catholique et qui non seulement ne paient pas l’impôt sur le revenu ou même la TVA, mais encore, ne s’acquittent pas de la taxe foncière. L’un de ces établissements est le « Centre Notre dame » situé en face de la Porte Neuve en vieille ville. Chambres rénovées, parking et pas moins de quatre restaurants, ce centre, au demeurant fort sympathique « accueille les voyageurs de toute religion qui souhaitent visiter la ville sainte. » Pourquoi donc cet établissement, comme d’autres semblables, serait-il exempt de la taxe foncière ?

Nir Barkat, maire de Jérusalem, a donc décidé d’imposer ladite taxe sans se donner la peine de consulter le gouvernement. C’était sans doute maladroit. Les différentes églises de Jérusalem, toutes dénominations confondues, décidèrent de faire front pour la première fois de l’histoire contre l’ennemi commun. Ce qui était leur droit. Le custode de Terre Sainte, le franciscain Frère Francesco Patton, est donc monté au créneau au nom des églises chrétiennes, accusant entre autres sans la moindre justification les autorités israéliennes dans une longue tirade « de ne pas accepter leur présence en Terre Sainte. »

Curieusement, une partie de sa tirade a été occultée par la plus grande partie de la presse européenne.  Le religieux n’a pas hésité, en effet, à déclarer que la mesure prise par Israël rappelait « des mesures semblables promulguées contre les Juifs en Europe dans de sombres périodes. ». Une déclaration vigoureusement soutenue par le Vatican. Vous avez bien lu. En l’an 2018, une personnalité religieuse respectable se permet d’évoquer le sort des Juifs persécutés pour montrer le péril que l’imposition d’une taxe ferait courir aux églises. On s’en voudrait de reprocher à cet éminent prélat le silence de son église au cours de ces dîtes périodes sombres.

D’un autre côté, il fallait bien avoir recours à ce langage outrancier pour justifier l’injustifiable. Frère Patton, a en effet ordonné la fermeture du Saint Sépulcre. Il s’agit, faut-il le dire, du lieu le plus sacré de la chrétienté ; le sanctuaire accueille chaque année plus d’un million de visiteurs. Aux pèlerins désorientés qui trouvaient porte close, on expliquait que c’était pour attirer l’attention du monde sur la menace qui pesait sur l’endroit. Une menace purement imaginaire car la décision de la municipalité visait expressément et exclusivement les propriétés ne servant pas de lieux de culte.

En fin de compte le Premier ministre israélien a décidé de calmer le jeu en demandant à la mairie de suspendre la mesure et en annonçant l’ouverture de négociations. Une proposition unanimement acceptée. Il faut espérer qu’une solution équitable sera trouvée.

Reste que cet épisode laisse un goût amer. L’usage cynique de cette vénérable église vieille de 17 siècles pour de basses questions matérielles jette une lumière crue sur l’hostilité des autorités religieuses chrétiennes vis-à-vis de l’Etat juif.

 

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