Les Suédois prennent la fuite

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par Judith Bergman – Gatestone

  • L’accueil d’un nombre important de migrants sur une période de temps relativement courte – pas seulement le pic migratoire de 2015, mais disons entre 2012 et 2017 -, a placé les municipalités devant l’obligation de gérer un taux de chômage élevé, une hausse de la pauvreté infantile et une augmentation des dépenses sociales indique Jim Frölander.
  • « J’ai essayé de défendre Malmö », a déclaré Emma Zetterholm, « mais force est de constater qu’avec le temps, la situation ne s’est pas améliorée. A la fin, votre résilience s’amenuise ».« En tant que parent, la colère vous prend, puis le désespoir … A la fin, ceux qui le peuvent déménagent … ailleurs dans le pays, plus au calme ou à l’étranger. Ceux qui n’ont pas les mêmes opportunités, restent où ils sont. C’est dévastateur … » – Sven Otto Littorin, ancien ministre du travail, s’exprime sur Facebook de Dubaï où il vit et travaille désormais.
  • « Environ 13% de la population suédoise est en prise directe avec la criminalité, la violence ou le vandalisme sur son lieu d’habitation. Cette proportion est l’une des plus élevées d’Europe ». Par comparaison, les autres pays scandinaves se situent dans le bas du classement. – Statistics Sweden, 25 avril 2019.

 

Les problèmes que l’immigration a fait surgir dans de nombreuses municipalités poussent les Suédois à partir vers d’autres régions moins touchées par les problèmes socio-économiques. Entre 2012 et 2018, dans la petite ville de Filipstad (10 000 habitants), 640 Suédois de souche sont partis et 963 personnes nées à l’étranger ont emménagé. Jim Frölander, responsable de l’intégration au sein de l’équipe municipale, a déclaré : « Nous assistons à un échange de population … c’est un constat … » Photo : Filipstad, Suède. (Source image : iStock)

 

Les Suédois sont en mouvement. Ils migrent en raison des problèmes socio-économiques que l’immigration a fait surgir dans de nombreuses municipalités. Ces départs de villes à problèmes en direction de villes moins problématiques ont attiré l’attention des principaux médias suédois.

La télévision suédoise a ainsi, récemment diffusé un documentaire sur la crise existentielle et financière que traverse la pittoresque bourgade de Filipstad (10 000 habitants). Jim Frölander, responsable de l’intégration de l’équipe municipale de Filipstad a déclaré sans ambages : « Nous vivons un changement de population. Pensez ce que vous voulez… Mais tel est le constat, c’est ce que nous vivons et c’est ce à quoi nous devons faire face ». Entre 2012 et 2018, 640 Suédois « de souche » ont quitté Filipstad et 963 personnes nées à l’étranger sont venues s’y installer. Ceux qui partent ont entre 20 et 64 ans et sont en âge de travailler, ce qui signifie une perte nette de recettes fiscales pour la municipalité déjà aux prises avec une crise financière.

Le pic migratoire de Filipstadt a eu lieu en 2015. Filipstad est l’une des municipalités qui a accueilli le plus grand nombre d’immigrés en pourcentage de sa population. Claes Hultgren, maire de Filipstad, a écrit dans le dernier bulletin municipal :

« À Filipstad, il y a environ 750 adultes originaires de Syrie, de Somalie, d’Erythrée, d’Afghanistan et d’Irak … Dans ce groupe de population, le chômage est très élevé, le niveau d’éducation très bas et personne ne peut vivre sans recourir à l’aide sociale. Ces personnes vivent à l’écart du reste de la société et risquent de ne jamais sortir de l’exclusion qui est la leur aujourd’hui. Leur exclusion impacte par ailleurs, lourdement l’économie locale ».

Hultgren a expliqué que la plupart des nouveaux arrivants ne possèdent pas les qualifications minimales pour accéder au marché du travail.

« [Ils] sont peut-être trop vieux et illettrés, ou ont un trop faible niveau d’instruction. Nous devons accepter l’idée que certains ne pourront survivre qu’en étant à la charge de la société. »

Selon le documentaire, le taux de chômage est de 80% chez les résidents d’origine extra-européenne, et la ville manque terriblement d’enseignants et d’infirmières. En dix ans, les dépenses sociales de Filipstad ont augmenté de 200% – passant de 10 millions de couronnes (930 000 euros) en 2009 à près de 30 millions (2,7 millions d’euros) en 2018. Les projections pour 2019 sont de 31 millions de couronnes suédoises (2,87 millions d’euros). Cette année, 30 millions de couronnes (2,7 millions d’euros) manquent au budget municipal de Filipstad.

Filipstad est loin d’être la seule commune suédoise a vivre un étranglement financier.

Pour Frölander, l’accueil d’autant d’immigrés sur un laps de temps relativement court, – pas seulement l’extraordinaire pic migratoire de 2015, mais disons la période 2012-2017 -, a placé les municipalités aux prises avec un taux de chômage élevé, une augmentation de la pauvreté infantile et une hausse des dépenses sociales.

« Le phénomène est beaucoup plus visible dans les petites municipalités. Là, il n’est pas possible d’isoler [le problème] dans une banlieue, puis [de faire] « comme si de rien n’était ». Tout le corps social est impacté, et c’est ce qui est en train d’arriver à la Suède toute entière ».

Frölander se positionne clairement : il n’est pas hostile à l’immigration et pense que les immigrés sont « de bonnes personnes ».

Une municipalité sur quatre et une région sur trois ont été en déficit en 2018 indique un rapport de l’Association suédoise des collectivités locales et des régions (SKL). La journaliste Lotta Gröning a expliqué dans Expressen que les municipalités sont censées recevoir une aide de 5 milliards de couronnes (450 millions d’euros) par an pendant trois ans. Gröning ajoute que cette somme est loin d’être suffisante, car en réalité, il faudrait au moins 22 milliards de couronnes (2 milliards d’euros environ):

« L’argent manque pour les écoles et les soins de santé – deux éléments clés de l’État social-démocrate. La vague de réfugiés a exercé une énorme pression, en particulier sur les municipalités pauvres, et le coût de la sécurité sociale augmente. De plus, la population vieillit ce qui accroît le risque d’une récession …

« La critique [du gouvernement] n’est pas seulement le fait d’élus locaux. Goran Persson, ancien dirigeant du parti [social-démocrate] a lui aussi attiré l’attention du gouvernement sur la fragilisation des municipalités. Le président de LO (syndicat), Karl-Petter Thorwaldsson, également membre du comité exécutif du parti, a mis en garde le [Premier ministre] Stefan Löfven contre la crise des municipalités et a demandé que des mesures soient prises … »

Nombre de Suédois quittent aussi leurs villes ou leurs quartiers en raison de l’insécurité qui y règne. La violence des gangs, les agressions, les tirs, les attentats à la bombe et les incendies de voitures poussent à l’exode. Le 31 août, Aftonbladet a publié le portrait d’Emma Zetterholm, qui après 18 ans de résidence à Malmö, a choisi de quitter la ville avec sa famille. « J’aime toujours Malmö mais ma famille et moi ne pouvons plus vivre ici », a-t-elle déclaré. « La violence s’est rapprochée toujours davantage et nous touche désormais directement, moi, ma famille, mes amis et mes collègues. »

Il y a six ans, Zetterholm a emménagé dans un quartier idyllique composé de vieilles villas. Mais très vite, des incendies de voiture, des tirs et des explosions ont meublé la nuit. Une boîte de nuit illégale a ouvert à proximité de leur domicile et le bruit – explosions et tirs – se reproduit toutes les nuits. Les voisins qui se sont plaints ont été menacés et des pierres ont été balancées à travers les fenêtres. Un homme a été assassiné en plein jour, près d’un terrain de jeu rempli de parents et d’enfants. Il est arrivé aussi que des balles perdues traversent les fenêtres, manquant de peu la tête des enfants.

Zetterholm a certes jugé la situation étrange, mais elle explique qu’elle a voulu se convaincre que le quartier n’était pas si dangereux. Il lui aurait paru « affreux » d’intégrer ce courant de « la classe moyenne bien éduquée et blanche qui fuit les zones problématiques ».

« J’ai essayé de défendre Malmö », a-t-elle déclaré, « mais plus le temps passe et moins les choses s’améliorent, vous finissez par perdre votre résilience ». Au moins dix familles ont maintenant quitté la région, a-t-elle dit, souvent en direction du sud de la Suède.

De nombreux Suédois quittent leurs villes, mais certains ont décidé de quitter le pays. Le 4 septembre, une explosion s’est produite devant un immeuble à Malmö. L’explosion a été entendue dans de nombreuses parties de la ville. Un Danois du quartier, Magne Juul, a déclaré à Kvällsposten qu’en raison de ce dernier attentat, il allait rentrer au Danemark mettant fin ainsi à 15 ans de présence à Malmö.

De Dubaï où il vit et travaille maintenant, l’ancien ministre du Travail, Sven Otto Littorin, a récemment écrit sur sa page Facebook:

« Je ne peux pas dire que je regrette la décision d’être parti à l’étranger. Nous nous sommes installés dans un pays où le taux de criminalité est l’un des plus bas au monde … La question est de savoir si l’on ose et si on a envie de retourner (en Suède) ».

Littorin, qui fut autrefois Secrétaire du parti Modéré, raconte qu’il s’est senti obligé d’écrire son post après avoir lu l’histoire d’un jeune suédois battu, volé et menacé de mort par des gangs et à qui, les autorités suédoises ont recommandé de ne pas porter plainte pour éviter que les choses ne s’aggravent pour lui. « C’est l’un des textes les plus infâmes que j’ai lus depuis longtemps », a raconté l’ancien ministre.

« En tant que parent, vous oscillez entre la colère et le désespoir … Le résultat est que ceux qui peuvent se le permettre, déménagent. D’Uppsala ou Saltsjö Boo. Vers une partie plus calme du pays ou à l’étranger. Ceux qui n’en ont pas les moyens (de déménager) restent. Et c’est dévastateur … »

La Suède semble être devenue le pays où un nombre particulièrement élevé de citoyens souffrent d’insécurité sur leur lieu de résidence. En 2017, si l’on en croit Statistics Sweden, « environ 13% de la population suédoise est aux prises avec des problèmes de criminalité, de violence ou de vandalisme sur son lieu de résidence. Cette proportion est l’une des plus élevées d’Europe ». Les autres pays nordiques occupent le bas du classement. En Norvège, 4% de la population est en butte à des problèmes de violence, de criminalité et de vandalisme. Au Danemark et en Finlande, ces ratios sont respectivement de 8% et 6%.

Comment s’étonner que nombre de Suédois quittent leur domicile et leur quartier, pour un autre logement dans une autre ville, ou quittent leur pays pour un autre pays où la sécurité est garantie.

 

Judith Bergman, chroniqueuse, avocate et analyste politique, est chercheuse principale distinguée à l’Institut Gatestone.

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