L’Iran durcit sa politique étrangère

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Iranian Deputy Foreign Minister Hossein Amir-Abdollahian attends an extraordinary meeting of the Organisation of Islamic Cooperation (OIC) to discuss the situation in Yemen on June 16, 2015 in the Saudi Red Sea city of Jeddah. "We back Yemeni-Yemeni dialogue in Geneva... and we will support the outcomes of the dialogue", Hossein Amir-Abdollahian told reporters during the meeting. AFP PHOTO / STR (Photo credit should read -/AFP via Getty Images)

Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

        La politique étrangère de l’Iran va subir de profonds changements. Un signe ne trompe pas, le nouveau président iranien Ebrahim Raïssi a décidé de rétrograder le poste de ministre des Affaires étrangères pour insuffler sa propre nouvelle politique iranienne. Le choix de Hossein Amir-Abdollahian (notre photo) donne à penser qu’Ebrahim Raïssi veut réduire l’influence du ministère des Affaires étrangères pour le cantonner aux seuls conflits régionaux. Il est important de mieux connaitre le nouveau titulaire du poste au moment où l’on s’agite pour d’éventuelles négociations nucléaires avec l’Iran.

Mohammad Jawad Zarif était l’homme fort du ministère iranien des Affaires étrangères au cours des huit dernières années. Il parlait un anglais impeccable, avait acquis des diplômes d’universités américaines prestigieuses et avait l’expérience de plusieurs décennies dans la représentation de l’Iran aux Nations Unies. La politique américaine n’avait pas de secret pour lui. Son remplaçant est plutôt un militant de la «résistance» axée sur le renforcement des partenaires anti-américains de l’Iran au Moyen-Orient, la fameuse politique  Negah Beh Sharq (Regard vers l’Est).

Né à Dāmghān en 1964, Amir-Abdollahian est un diplomate de carrière. A la Shahid Beheshti University, il s’était orienté vers les sciences de laboratoire, mais en 1990 il avait choisi un baccalauréat en affaires internationales de la School of International Relations (SIR) d’Iran. En 1996, il avait obtenu une maîtrise en affaires internationales et un doctorat en relations internationales du SIR en 2010. Sa thèse sur «Les facteurs sociologiques de l’échec de l’initiative du Grand Moyen-Orient» a porté sur les erreurs de la stratégie américaine au Moyen-Orient après le 11 septembre 2001. Il avait alors attribué aux États-Unis le mépris des facteurs liés à la culture et à l’identité. Parlant couramment l’arabe mais un anglais hésitant, Amir-Abdollahian s’est concentré sur la politique arabe régionale allant jusqu’à publier de 2009 à 2011 trois articles universitaires sur l’Irak, la Syrie et Bahreïn.

Il avait commencé sa carrière diplomatique officielle en 1992 en tant qu’analyste politique à la division du golfe Persique du ministère des Affaires étrangères. Il s’était fait remarquer en 2007 en tant que participant junior aux pourparlers américano-iraniens chaperonnés par l’Irak à Bagdad. De 2007 à 2010, il a été ambassadeur d’Iran à Bahreïn et aurait contribué à apaiser les tensions avec la monarchie minoritaire sunnite de ce pays.

De 2011 à 2016, Amir-Abdollahian a été vice-ministre des Affaires étrangères pour les Affaires arabes et africaines sous Ali Akbar Salehi, et était responsable des activités dans les zones de guerre en Irak, en Syrie et au Yémen. À ce titre, il est devenu très proche du Corps des Gardiens de la révolution islamique (IRGC). Dans une interview en avril, Zarif avait affirmé qu’il avait donné les coordonnées d’Amir-Abdollahian à l’ancien secrétaire d’État John Kerry pour coordonner un cessez-le-feu au Yémen avec le commandant de l’époque de la Force Qods du CGRI, Qasem Soleimani.

Amir-Abdollahian a également participé aux négociations avec le P5+1 (États-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France et Allemagne) sur l’avancement du programme nucléaire iranien, mais avait été écarté après l’élection en 2013 du président Hassan Rouhani. En 2016, Zarif avait démis Amir-Abdollahian de son poste de vice-ministre et lui avait offert l’ambassade à Oman qu’il avait refusé, devenant conseiller du président conservateur du parlement et ancien maire de Téhéran, Mohammad Baqer Qalibaf.

Son licenciement avait a priori été exigé par les cheikhs arabes du golfe Persique en signe de bonne foi du président Rouhani mais il semble plutôt que son «langage dur» envers les pays arabes en était la vraie raison d’autant plus que Zarif avait dit de lui : « Il parle trop et aime trop la caméra». Comme de nombreux conservateurs iraniens, il privilégie une politique plus proche de la Chine que des États-Unis et de l’Europe. En février 2021, il l’avait confirmé à la télévision iranienne : « Il faut garder à l’esprit que nous sommes situés en Asie. Les experts pensent que les prochaines décennies appartiennent à l’Asie et les puissances émergentes, en particulier les puissances économiques, ont créé ce trait que nous devons re-définir nos relations avec les pays influents». Il a fait valoir que même l’Occident et les États-Unis avaient tourné leur attention vers l’Est mais l’Iran devrait conserver son indépendance politique dans les affaires étrangères.

Lors de sa confirmation le 22 août, Amir-Abdollahian a affirmé que la priorité de la politique étrangère d’Ebrahim Raïssi est une approche centrée sur le voisinage et sur l’Asie : «En Asie occidentale, nous cherchons à institutionnaliser les réalisations de l’«Axe de la résistance» et, à l’Est, nous cherchons à utiliser les capacités des puissances économiques émergentes pour développer notre économie et notre commerce international».

Sa nomination s’inscrit dans le contexte de la désillusion iranienne vis-à-vis du Plan d’action global conjoint (JCPOA) de 2015. Il a exprimé sa frustration face à l’échec de l’Europe à indemniser l’Iran après le retrait unilatéral en 2018 de l’administration Donald Trump. Il a aussi taclé les Européens au sujet des négociations avec eux : « Malgré les subtilités des Européens, la levée des sanctions contre l’Iran doit être retardée et reportée autant que possible. Ils apportent une excuse pour reporter la discussion à la prochaine réunion… ils l’ont répété trois fois».

Les Occidentaux traitent Amir-Abdollahian d’anti-occidental mais la réalité est plus nuancée car pour lui «le pouvoir est l’essence de la politique étrangère et des affaires internationales». Selon son opinion, «si les États-Unis agissent équitablement, nous ne disons jamais que nous ne coopérerons ni ne négocierons. C’est l’autre partie qui doit corriger son chemin. Les négociations avec les États-Unis n’ont jamais été un tabou».

Amir-Abdollahian devrait se concentrer sur le renforcement des relations de l’Iran avec des partenaires régionaux tels que la Syrie et les milices soutenues par l’Iran en Irak et au Yémen. Grâce à ses relations étroites avec le CGRI et son approche d’axe de résistance, il devrait réduire l’écart entre le ministère iranien des Affaires étrangères et l’État. Contrairement à son prédécesseur marginalisé par les pasdarans, il faut s’attendre à plus de collaboration avec les diplomates proches de la Force Qods qui occupent des postes influents dans les missions diplomatiques iraniennes dans la région du Moyen-Orient. Le commandant de la Force Qods, Qasem Soleimani, les avait presque tous nommés et avait insisté en 2013, auprès de Zarif, pour maintenir Amir-Abdollahian à son poste. Mais leur collaboration fut de courte durée puisque le 19 juin 2016, il fut destitué. Amir-Abdollahian devint alors conseiller du président du parlement Ali Larijani pour les affaires internationales en tant que diplomate du camp militaire et admirateur de Soleimani.

L’arrivée d’Amir-Abdollahian à la tête du ministère des Affaires étrangères montre que la politique étrangère de Raïssi se concentrera probablement sur l’amélioration des relations avec l’Est et le rapprochement avec les pays de la région, avec peut-être moins de priorité sur le dossier nucléaire. L’approche probable de l’administration Raïssi en matière de politique étrangère suivra plus étroitement que jamais celle du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. Le dossier nucléaire sera exclusivement de la responsabilité du Conseil suprême de sécurité nationale. Le rôle du ministère des Affaires étrangères sera abaissé à celui de coordonnateur des demandes des responsables militaires du CGRI. Le nouveau ministre des Affaires étrangères ne jouera pas un rôle similaire à celui de Zarif. Il aura moins de présence dans les forums internationaux et moins de contrôle sur les questions sensibles du pays.

 JForum

Une intéressante réaction à cet article a paru sur le site de base :

Yaakov NEEMAN a dit…

Il est très important de rectifier une erreur communément admise qui consiste à croire que les Iraniens, du fait qu’ils sont musulmans, appartiennent au peuple arabe. Les Arabes sont issus de notre patriarche Avraham.

Or les Iraniens n’ont rien à voir avec les Arabes. Ce sont des Perses. Selon la Tora, souvenez-vous, Noé avait trois fils : Chem, ‘Ham et Yaphet. Les Perses sont issus de la descendance du dernier fils de Yaphet, qui s’appelais Tiras. (Tout cela est expliqué dans Beréchit, chap.10, verset 2). « Très bien, me direz-vous. Et alors ? » Eh bien justement, écoutez la suite : peu avant la Seconde Guerre mondiale, des responsables iraniens (après avoir lu Mein Kampf et les théories raciales nazies) ont pris contact avec leurs homologues du parti national-socialiste allemand pour leur expliquer justement qu’ils n’étaient pas des Arabes, mais des Aryens. D’ailleurs, il y a une parenté phonétique entre le mot « aryen » et le mot « Iran ». Cette tentative de conjonction n’a pas eu de suite parce qu’Hitler était occupé à autre chose. Mais cette parenté demeure et elle doit nous permettre de comprendre la motivation profonde de la menace iranienne d’une nouvelle manière. L’appel au génocide du peuple juif par les ayatollahs d’aujourd’hui vient reprendre et poursuivre la solution finale nazie. Les Iraniens d’aujourd’hui, qui se définissent comme des Aryens, continuent la politique antijuive initiée par Hitler.

Je souhaite que cette analyse parvienne jusqu’au premier de nos responsables. Du fait que cette thèse s’appuie sur des preuves linguistiques, historiques et religieuses, celui qui porte ostensiblement une kippa à l’occiput devrait y être attentif, non ? Et en tirer les conséquences qui s’imposent. A savoir que dans le cadre d’un conflit, un juif ne devrait pas gérer un nazi de la même manière qu’on répond à un ennemi musulman.

2 Commentaires

  1. Faux archi faux, les arabes sont issus d’Avram et absolument pas d’Avraham… Décidément la nullité en Israël devient la norme comme partout.

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