L’Iran pourrait riposter à la décision de Trump en employant ses cartes au Moyen-Orient

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Des analystes évoquent plusieurs scénarios-catastrophes, dont l’ouverture du front avec Israël depuis la Syrie.

La décision du président américain Donald Trump de sortir de l’accord nucléaire avec l’Iran pourrait pousser Téhéran à recourir à l’escalade contre les États-Unis et leur allié Israël, en utilisant ses cartes au Moyen-Orient, dont la carte libanaise, estiment des analystes qui évoquent des scénarios-catastrophes possibles.

Le raidissement américain devrait encourager les faucons à Téhéran, qui n’ont jamais eu de cesse de critiquer cet accord depuis sa conclusion en 2015, et ils pourraient jouer un rôle plus important, gardiens de la révolution en tête, dans la politique étrangère de l’Iran aux dépens des modérés dirigés par le président Hassan Rohani.

Pour le moment, l’Iran n’a pas décidé de se retirer lui aussi de l’accord, et compte sur les Européens, les Russes et les Chinois qui n’ont pas emboîté le pas à M. Trump. Mais si Téhéran opte pour l’escalade, « les Européens ne pourront que se tenir aux côtés des États-Unis, et Téhéran tombera ainsi dans le piège que lui a tendu Donald Trump », explique à L’Orient-Le Jour Riad Kahwaji, directeur de l’institut Inegma spécialisé dans les questions militaires et de sécurité, basé à Dubaï. Et, pour l’analyste, Téhéran « a beaucoup de cartes qu’il pourrait utiliser, car, tant que le théâtre de la confrontation est hors d’Iran, il n’a rien à perdre ».

À commencer par le Liban et la Syrie, où il pourrait demander au Hezbollah d’ouvrir un front avec Israël depuis la Syrie, le Liban ou les deux, selon lui.

Un scénario qu’Israël semble appeler de ses vœux, puisqu’il multiplie les déclarations contre l’Iran et la présence des milices chiites qui lui sont alliées en Syrie. L’armée israélienne a annoncé mardi soir qu’elle était « prête à faire face à différents scénarios » et prévenu que « toute agression contre Israël appellera une riposte vigoureuse », quelques heures après que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu eut accusé l’Iran de vouloir déployer des « armes très dangereuses » en Syrie. « Israël souhaite une action quelconque de l’Iran, ce qui lui permettrait d’entraîner les USA dans un conflit dans la région », affirme Riad Kahwaji.

 
Escalade politique au Liban ?

 
À partir du Liban, les hostilités pourraient commencer par des incidents sur la frontière sud, et une date qu’il faudra particulièrement suivre avec attention pourrait être le 15 mai, jour anniversaire de la Nakba (catastrophe) qu’a constituée la création d’Israël : des manifestants pourraient se joindre à partir du Liban à la grande « marche du retour » organisée par les Palestiniens aux frontières avec l’État hébreu.

Ou alors la situation pourrait rester calme, mais l’Iran pourrait choisir « d’envenimer la situation politique, en empêchant la constitution d’un gouvernement », ajoute M. Kahwaji.

Après les élections législatives de dimanche, un nouveau chef de gouvernement devrait être nommé à la suite de consultations entre les blocs parlementaires et le président Michel Aoun, et Saad Hariri devrait de toute évidence être reconduit. Mais les alliés de l’Iran (Hezbollah, Amal et partis ou personnalités qui leur sont proches) sont désormais renforcés au Parlement, et pourraient, selon l’expert, entraver l’action de Saad Hariri pour former un cabinet.

Téhéran pourrait aussi décider d’ouvrir les hostilités de façon plus subtile en Irak, où restent déployés quelque 5 500 soldats américains, estime l’analyste irakien Hicham Hachimi, spécialiste des mouvements jihadistes. « L’Irak est une des cartes les plus importantes de l’Iran, et il pourrait pousser des groupes de la résistance islamique à attaquer les forces américaines », affirme-t-il. Ces groupes constituent le noyau dur des milices chiites du Hachd el-Chaabi (mobilisation populaire) formées, financées, entraînées et idéologiquement encadrées par le puissant voisin iranien. « Ils pourraient mener des attaques sous d’autres noms, bombarder les bases où se trouvent des Américains ou enlever des militaires US », suppose M. Hachimi.

Les alliés de l’Iran qui combattent aux côtés du régime syrien ont également la possibilité de harceler les troupes US déployées dans le nord et l’est de la Syrie pour soutenir les combattants kurdes. Ali Akbar Velayati, principal conseiller du guide suprême de la révolution iranienne, l’ayatollah Ali Khamenei, avait déclaré en avril qu’il espérait que la Syrie et ses alliés chasseraient les troupes américaines de l’est de la Syrie.

Harcèlement dans le Golfe ? 

Dans le Golfe, l’Iran pourrait également reprendre le harcèlement des navires américains, qu’il avait interrompu depuis l’élection de M. Trump, d’après Riad Kahwaji. « Mais Trump n’est pas Obama, et si l’Iran recourt à l’escalade, les États-Unis le feront à leur tour », prévient-il, surtout que les États-Unis s’y préparent aujourd’hui en massant des navires de guerre en Méditerranée. Depuis fin avril, un important groupe aéronaval américain, dirigé par le porte-avions nucléaire USS Harry Truman, se trouve en Méditerranée.

De plus, le Pentagone donnait jusqu’à présent la priorité à la confrontation avec la Corée du Nord, souligne M. Kahwaji. Mais il a désormais les coudées franches, puisqu’au même moment où M. Trump rendait publique sa décision sur l’Iran, il annonçait que son secrétaire d’État Mike Pompeo était en route pour Pyongyang afin de préparer le sommet historique entre les dirigeants américain et nord-coréen, qui devrait se tenir dans les prochaines semaines.

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