Malgré les embûches, l’Iran persiste dans son programme nucléaire

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Illustration : site de Natanz avant destruction

Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

          Les sanctions américaines n’ont pas découragé l’Iran de développer des armes nucléaires. Les services de renseignements et l’opposition iranienne confirment que rien n’a pu contrecarrer le programme nucléaire iranien. Le CNRI (Conseil national de la résistance iranienne) a révélé l’existence de deux nouveaux sites, gérés par les Gardiens de la révolution, chargés de poursuivre secrètement la construction d’armes nucléaires. Selon Soona Samsami, directrice du bureau américain du CNRI : «La politique d’apaisement de l’Occident a permis au régime d’accélérer ses efforts pour obtenir des armes nucléaires tout en négociant avec les puissances mondiales. L’obtention d’armes nucléaires fait partie intégrante de la stratégie de survie des mollahs». 

       Le SPND (acronyme persan de l’Organisation of Defensive Innovation and Research) créé en février 2011 par l’iranien Mohsen Fakhrizadeh, est responsable du plan Amad, le programme iranien d’armement nucléaire. Le SPND a employé jusqu’à 1 500 personnes – dont de nombreux chercheurs qui continuent à mener des doubles activités de recherche et développement, dont certains aspects sont potentiellement utiles pour les systèmes d’armes nucléaires. Les organisations subordonnées au SPND dépensent par ailleurs des millions de dollars chaque année dans le cadre d’un large éventail de projets.

          Selon Alireza Jaffarzadeh, directeur adjoint du bureau américain du CNRI : «Le SPND a poursuivi ses travaux à la suite de l’accord de 2015. La structure et le personnel restent intacts et une partie de l’institution a été agrandie. Le général Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi est resté à la tête de cet organe». Il a révélé qu’un nouveau site avait été créé à Sorkh-e Hesar, près de Téhéran. Le site, inconnu jusqu’à aujourd’hui, est situé au nord du complexe de Khojir, le plus grand complexe de fabrication de missiles balistiques pour l’industrie des missiles Hemmat et l’industrie des missiles Bakeri.

          Des scientifiques de géophysique du SPND travaillent sur des projets liés aux essais nucléaires souterrains tels que la découverte d’un tunnel souterrain et l’enregistrement de l’impact d’une explosion avec des dispositifs sismométriques. Le chef de ce groupe est le Dr Mohammad Javad Zaker, qui est également maître de conférences à l’Université Beheshti et il a pour adjoint Hamed Aber. A l’origine, le groupe de géophysique était installé dans le complexe de Lavizan qui a été entièrement rasé pour être transféré sur le site de Sorkheh Hesar.

          Selon les services de renseignements, il existe un deuxième site Marivan situé près de la ville d’Abadeh, dans la province d’Ispahan. Il a été construit sous la supervision d’Ali Shamkhani, actuel secrétaire général du Conseil suprême de sécurité nationale et précédemment ministre de la Défense sous le président Mohammad Khatami. Ce site est entièrement contrôlé par les Gardiens de la Révolution et est interdit aux personnes non habilitées. Il est lié aux activités du «Centre de Recherche et d’Expansion des Technologies sur les Explosions et l’Impact (METFAZ)», filiale du SPND impliquée dans la construction d’armes nucléaires.

          Hashemi Tabar, ingénieur des Gardiens de la révolution, y supervise les projets secrets de ce site tandis qu’un expert clé de METFAZ, Saeid Borji, a été impliqué dans les projets menés sur le site de Marivan. Borji et deux autres experts, Khodad Meihami et Hossein Ghafouri, ont travaillé sur le projet Ahmad-Abad qui est l’appellation du site d’Abadeh. Mais ce site a été découvert en 2019 et les Gardiens CGRI n’ont pas eu d’autre solution que de le détruire pour effacer toute trace des tests liés aux armes nucléaires.

          Cet été, l’Iran a décidé de construire une nouvelle usine d’assemblage de centrifugeuses souterraines, à la suite de la destruction le 2 juillet 2020 de celle en surface sur le site d’enrichissement de Natanz. Jusqu’à présent, l’Iran a entrepris peu de travaux visibles dans les montagnes adjacentes à Natanz. En raison des difficultés supplémentaires liées à la construction d’un site souterrain, l’achèvement d’une nouvelle usine d’assemblage de centrifugeuses, capable d’assembler des milliers de centrifugeuses avancées par an, est peu probable en 2021.

          Au début de septembre 2020, l’Iran avait annoncé sa décision de remplacer le site d’enrichissement détruit par une nouvelle installation dans une montagne près de Natanz. Selon Ali Akbar Salehi, chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (AEOI), «Il a été décidé de créer une salle plus moderne, plus large et plus complète dans toutes les dimensions au cœur de la montagne près de Natanz. Bien sûr, le travail a commencé». Le site détruit avait été conçu pour assembler des milliers de centrifugeuses modernes. Sa destruction avait retardé les projets nucléaires de l’Iran d’un an, voire plus. Tout dépendra dorénavant de la capacité de l’Iran à reconstruire la nouvelle installation, à l’équiper d’équipements sensibles et à la mettre en service.

          Si l’on se réfère au site de Natanz, il a fallu des années pour le terminer et y mettre en service le site d’enrichissement. L’Iran aurait besoin de plusieurs années pour construire et exploiter une usine à grande échelle. Cela confirme l’étendue du désastre qu’a causé le virus Stuxnet, conçu en partenariat avec les Israéliens. La construction d’une nouvelle usine dans la montagne n’est pas facile. Le tunnel doit comprendre les salles blanches nécessaires à l’assemblage des centrifugeuses. Certains des équipements de remplacement très sophistiqués ne peuvent venir que de l’étranger donc l’Iran doit activer ses réseaux d’achats illicites, avec toutes les complications et tous les retards imposés.

          Pour aller plus vite, l’Iran pourrait construire une installation hybride avec une partie souterraine et une partie enterrée sur l’ancien site d’armement nucléaire de Shahid Boroujerdi construit dans le cadre du plan Amad au début des années 2000. Mais quelle que soit la solution envisagée, ces sites resteront vulnérables aux attaques.

          Toutes ces difficultés techniques pourraient pousser l’Iran à reconsidérer son programme de centrifugation pourtant très utile dans le cadre d’un effort de fabrication d’armes nucléaires. Une solution à moindre coût serait l’achat d’uranium enrichi à l’étranger ce qui constitue une menace permanente pour Israël. Un seul pays pourrait participer ouvertement à la fourniture d’uranium enrichi, la Corée du nord. D’autres pays pourraient le faire sous le manteau, par intérêt financier ou idéologique.

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