Diversité dans l’unité, par le rav Dessler

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Rav Eliyahou Eli'ézer Dessler

Cet article a été écrit vers la fin de 5705 (1945). La perspective qu’il propose de « diversité dans l’unité », qui stipule l’égale valeur des divers courants du judaïsme à l’intérieur de la Tora, était tout à fait d’actualité pour les nombreux jeunes gens qui venaient à Gateshead chercher leur voie personnelle. Elle n’est certainement pas moins pertinente pour nous, ici et maintenant.

Il est toujours bon de « mettre les choses en place ». Mais cela peut provenir de trois motivations bien précises, qui débouchent sur des types d’arrangements différents.

  1. Il y a « l’ordre pour l’ordre », le désir de voir les choses autour de soi rangées correctement. (Psychologiquement, cela peut refléter un désir d’ordre intérieur et d’harmonie entre les diverses forces de l’inconscient).
  2. On peut rechercher l’ordre pour ses résultats : savoir où se trouve chaque chose, etc.
  3. Il y a enfin un ordre justifié par l’efficacité : dans une machine, les diverses pièces doivent être ordonnées selon un plan précis, pour pouvoir fonctionner ensemble. Non seulement les pièces séparées ne peuvent être utilisées indépendamment les unes des autres, mais elles ne peuvent pas non plus fonctionner dans le désordre : elles doivent être montées en position correcte.

Dans le domaine de la spiritualité, c’est cette troisième catégorie qui est nécessaire. Quand les individus agissent indépendamment les uns des autres, ou quand chaque groupe suit son propre chemin, il n’en résulte rien de bon. Il faut les deux à la fois. Chaque individu doit se développer en fonction de ses dons naturels comme des apports extérieurs qui conviennent le mieux à son tempérament et à sa situation, et cela dans le cadre restreint où il se sent le plus à l’aise. Cependant, chaque personne et chaque groupe ayant des comportements différents, le but doit être le même : atteindre la « plénitude » de la personnalité. Dans un certain milieu, on abordera le service divin d’une façon particulière, ailleurs – on procèdera autrement. Ainsi en est-il, par exemple, du mouvement du Moussar et du ‘hassidisme. Mais en tous cas, pour que la « plénitude » soit atteinte, il est nécessaire d’apprendre les uns des autres. On ne doit rejeter à priori aucune approche. Il y a mille et une façon d’agir envers D’., et chacun doit pouvoir s’exprimer selon ses particularités.

De même, le but de la Création ne peut être atteint que par l’union du service de tous les individus, chacun à son époque, dans sa situation, avec son tempérament. Il y a bien sûr des caractéristiques communes entre les individus d’une génération donnée, c’est pourquoi on peut parler de « la génération d’Ezéchias, de la génération de Rabbi Chim’on bar Yo’haï »1. Il s’ensuit que l’unification des individus doit s’opérer progressivement et dans un ordre précis ; il y a des cercles à l’intérieur de cercles, distincts les uns des autres et pourtant complémentaires.

Cette leçon se dégage de l’organisation du camp dans le désert2. Chaque tribu en effet campait sous son propre drapeau, comme le raconte le Yalqout3, si bien que « chacun était identifiable indépendamment : Réouven distinct de Chim’on, et Chim’on distinct de Réouven ». Et pourtant, tous étaient groupés autour du Tabernacle selon un plan précis et intangible, dont chaque détail avait sa signification. Le Ramban en précise le sens, en se fondant sur une source Midrachique : Yéhouda, Issakhar et Zévoulon forment un groupe et représentent respectivement la royauté, l’étude de la Tora et la fortune matérielle. Un autre groupe est formé par Réouven, qui représente le repentir, Gad la force et Chim’on, entre eux, car il a besoin de leur protection spirituelle, le pardon. Ce groupe était le deuxième dans l’ordre de marche, pour indiquer que la Tora vient en premier, suivie par le repentir. En fin de compte, pour atteindre le but unique, tous doivent se compléter et fonctionner à l’intérieur d’une trame précise.

Cette organisation complexe permet d’être sûr qu’il n’y aura pas d’erreur ni de substitution entre les éléments, et que l’unité sera préservee.

Le Yalqout4 conclut en magnifiant le plan divin et l’harmonie qu’il assurait à Israël :

Le verset5 dit : « Il les a trouvés dans une terre désertique, dans la solitude aux hurlements sauvages, Il les entoure, Il les instruit, Il les garde comme la prunelle de ses yeux »… Heureuses sont les oreilles qui entendent combien Il les garde, comment Il les protège : comme la prunelle de Ses yeux, si l’on peut dire ! Voyez combien Il a déversé sur eux d’affection, comment Il les a gardés, les a protégés… en leur disant : faites-moi un tabernacle et Je résiderai parmi vous. Plus encore : Je les ferai camper par drapeaux pour les protéger…

L’ordre, et l’intégration des diversités en une unité, constituent la meilleure protection du but spirituel pour lequel nous avons été créés.

(1) Kétouboth 77b.

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(2) Nombres ch. 2.

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(3) Yalqout Chim’oni, ibid., par. 684.

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(4) Nombres 2,2.

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(5) Ibid, par. 687. Deutéronome 32,10.

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Kountrass Magazine nº 2 – Teveth 5747 / Janvier 1987

Rav Eliyahou Eli’ézer Dessler

Source : Le Mikhtav méEliyahou – Le Camp dans le Désert – Chapitre XXII, éditions Gallia

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