« Mur de séparation » : L’AFP contrainte de revoir sa copie

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Relatant les tracas d’une famille palestinienne vivant à côté de la barrière de sécurité, la dépêche au ton très militant comportait de flagrantes inexactitudes.

Voici l’histoire édifiante d’une dépêche diffusée le 12 juillet sur le fil de l’Agence France-Presse (AFP).

Intitulée « A cause du mur de séparation, une famille palestinienne cloîtrée dans sa maison »elle raconte les tracasseries au quotidien d’une famille palestinienne dont la maison se trouve séparée du reste du village à cause de la barrière de séparation.

Reprise par plusieurs journaux français (La CroixLe PointL’Express…), cette dépêche au ton très anti-israélien comportait quelques mensonges et énormités que nous allons vous exposer en détail.

Contactée par InfoEquitable, l’AFP a reconnu du bout des lèvres « certaines imprécisions »… puis a diffusé – six jours plus tard – une nouvelle version corrigée de la dépêche, ce qui est en soi exceptionnel.

L’enquête que nous avons menée sur cette affaire témoigne des dérives militantes et des mécanismes de désinformation qui sont mis en œuvre dès qu’il s’agit du dossier israélo-palestinien.

Une dépêche déséquilibrée, tendancieuse, truffée d’inexactitudes grossières et de fake-news anti-israéliennes

Tout commence donc avec cette dépêche diffusée à toutes les rédactions le 12 juillet sur le fil français de l’AFP.

Le titre est déjà un rien mensonger : en fait de « mur », il s’agit d’un « grillage  sécurisé », comme on l’apprendra plus loin au détour d’une phrase. Mais évoquer « le mur » est plus efficace. C’est un mot qui claque sec. Associé à des images choc, c’est aujourd’hui l’un des grands classiques de la propagande palestinienne.

Le reportage est consacré à la vie de la famille Hajajla. Sa maison est séparée du village de Walajah à cause du tracé de la barrière. Les autorités israéliennes ont construit un tunnel pour lui permettre de passer de l’autre côté. Pendant huit jours, ce tunnel a été fermé, pour des raisons qui seront expliquées plus bas. Voilà toute l’affaire !

L’AFP va la transformer en un implacable réquisitoire anti-israélien.

L’histoire commence d’ailleurs très mal : comme d’habitude, les Israéliens s’en prennent aux enfants.

On apprend que Mohammed vit avec ses parents « sur une colline en face de la colonie israélienne de Gilo, construite sur des terres palestiniennes » et que leur maison est séparée du village palestinien d’Al Walajah par un grillage hautement sécurisé.

La suite est un morceau de choix. L’AFP y excelle dans une figure de style qui lui est coutumière : le mensonge par omission.

Voilà, c’est tout pour les explications. Aux journalistes des salles de rédaction de se débrouiller, en particulier les nouvelles générations pour qui la « seconde intifada » est un épisode assez lointain et perdu dans les brumes du conflit du Moyen-Orient.

Aucune précision, pas la moindre information sur les raisons qui ont présidé à la construction du « mur ».

Pas une ligne sur les centaines d’attentats-suicide perpétrés par des kamikazes palestiniens et revendiqués par le Hamas et les groupes terroristes du Fatah.

Pas un mot sur le millier de victimes israéliennes qui ont conduit les Israéliens à ériger ce mur pour protéger la population civile.

A en croire l’Agence France-Presse, la barrière de sécurité n’aurait d’autre fonction que « d’empoisonner la vie des Palestiniens » (merci l’AFP pour cette réactivation de l‘accusation moyenâgeuse d’empoisonnement proférée durant des siècles contre les Juifs).

Attention fake-news ! L’AFP rapporte une décision imaginaire de l’ONU 

Dernière inexactitude – mais de taille – assénée de manière lapidaire : « l’occupation de la Cisjordanie » serait « illégale, selon l’ONU ».

C’est archi-faux ! L’AFP donne là une information totalement erronée.

Les accords d’Oslo, signés en 1993 entre Israéliens et Palestiniens et validés par la communauté internationale, ont au contraire fixé un cadre juridique à la présence militaire des Israéliens en Cisjordanie.

Même s’ils sont aujourd’hui mal en point, ces accords n’ont été dénoncés par aucune des deux parties. Dans l’attente d’un accord de paix définitif dont chacun s’accorde pour dire qu’il tarde à venir, la présence militaire israélienne – notamment en zone C de la Cisjordanie – ne peut en rien être qualifiée d’« illégale ».

C’est ce qu’a confirmé à InfoEquitable l’ancien diplomate israélien Yigal Palmor, aujourd’hui directeur des relations internationales de l’Agence juive :

« Les accords intérimaires sur la Cisjordanie et Gaza (dits « Accords d’Oslo » et approuvés par une résolution du Conseil de sécurité) régissent la situation dans ces territoires y compris la présence militaire israélienne en attendant un accord définitif sur leur statut permanent. Certes, cet accord définitif n’est toujours pas à portée de main et la négociation est au point mort, mais cela ne change pas le statut juridique des accords ou des territoires », explique Yigal Palmor.

Le reste de la dépêche est à l’avenant : elle passe en revue les moult tracas de la famille Hajajla, dont l’armée israélienne est rendue responsable.

Le point de vue israélien passe à la trappe

Les lecteurs qui voudraient connaître les arguments des Israéliens devront se contenter du minimum syndical. L’AFP y consacre une ligne :

« Interrogée, l’armée israélienne a renvoyé l’AFP à la police qui n’a pas répondu ».

En revanche, la journaliste a eu plus de chance avec l’organisation d’extrême-gauche B’Tselem dont le porte-parole est largement cité :

Une dépêche en contradiction avec les principes déontologiques de l’AFP

Il suffit de consulter la dernière version de la « Charte AFP des bonnes pratiques éditoriales et déontologiques » éditée en juin 2016 pour constater que l’auteur de cette dépêche ne les a en rien respectées.

En tête des « 10 lignes directrices », l’Agence France-Presse indique que « les journalistes fournissent une information exacte, équilibrée et impartiale de l’actualité. Ils corrigent leurs erreurs et dans la transparence ».

La seconde règle d’or souligne que « les journalistes de l’AFP visent la neutralité, l’absence de préjugés ou de préférence. Ils ne relaient pas d’influence extérieure. »

Alertée par InfoEquitable, l’AFP reconnaît des erreurs et réécrit la dépêche

Avant publication de cet article, nous avons pris contact avec l’Agence France-Presse pour lui soumettre nos observations.

Jugeant manifestement l’affaire sérieuse, la direction de l’AFP nous a répondu en moins de 24 heures avec ce courrier très officiel de la rédactrice-en-chef adjointe du bureau de Chypre qui organise la diffusion des dépêches en provenance du Moyen-Orient.

Le 18 juillet à la mi-journée, l’AFP publie donc sur son fil une nouvelle version de la dépêche diffusée six jours auparavant.

C’est désormais cette version que l’on trouve sur Internet, comme ici sur le site de L’Obs.

Le récit reste globalement hostile aux Israéliens, mais les erreurs les plus flagrantes ont été supprimées (plus de « mur », plus d’occupation « illégale », plus d’« empoisonnement » de la vie des Palestiniens… De plus, la vague d’attentats suicides qui avait entraîné la construction de la barrière est mentionnée).

Différentes versions en arabe, en français et en anglais

L’AFP, qui fait son mea culpa du bout des lèvres, concède donc « certaines imprécisions et un manque de contexte », et souligne que ces défaillances ne concernent que « la version en français ».

Ah bon, la dépêche a été publiée en plusieurs langues ?

Nous avons voulu en savoir plus et avons retrouvé les trois versions, celle en arabe, celle en anglais et celle en français.

Leur examen comparatif est riche d’enseignement et permet de mieux comprendre les tortueux cheminements de la désinformation et – surtout – qui est à l’origine des fake-news de la version française.

La première version, en arabe

La première version de la dépêche a été rédigée en arabe par une journaliste palestinienne du bureau de l’AFP de Jérusalem.

Nous avons retrouvé le texte sur le populaire site d’information égyptien Masrawy et l’avons fait traduire.

Le texte est le même que celui diffusé sur le fil français à quelques variantes près. Le ton est globalement anti-israélien. Le titre parle de « mur » de séparationLe père affirme en outre avoir été « battu » par les soldats israéliens (une information qui ne sera pas reprise par les versions anglaise et française…).

La dépêche arabe n’évoque pas de manière claire les raisons qui ont conduit les Israéliens à ériger la « barrière de sécurité ». Elle ne fait aucune allusion au terrorisme. Le paragraphe est rédigé de manière plus neutre que dans la version française :

« Les autorités israéliennes ont commencé à construire la « barrière de sécurité » que les Palestiniens considèrent comme le « mur de l’apartheid » à l’apogée de l’intifada palestinienne (200-2005) afin de séparer son territoire de la Cisjordanie. »

Cette version arabe n’évoque pas le caractère « illégal » de la présence militaire israélienne en Cisjordanie.

Qui a écrit cette première dépêche ?

Cette dépêche en arabe est signée Hiba Aslan.

Cette jeune Palestinienne a été embauchée en mars dernier par le bureau de Jérusalem de l’AFP. 

Journaliste arabophone, c’est elle qui a effectué le reportage chez la famille Hajajla et qui a rédigé cette première dépêche.

Nous avons voulu en savoir un peu plus sur Hiba Aslan et avons consulté sa page Facebook :

Elle y fait état de sa qualité de « journaliste palestinienne à l’Agence France-Presse » (dont elle utilise sans problème le logo).

A en juger par ce que nous avons trouvé, la nouvelle recrue du bureau de Jérusalem est une militante. Voici quelques extraits de ses publications.

Le 3 mars dernier, elle a posté ce dessin de presse, à peine tendancieux, qui raconte que les Israéliens passent leur temps à arrêter de pacifiques pères de famille. 

L’hiver dernier, 4 décembre 2018, Hiba Aslan alerte les internautes d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie. Elle écrit :

« Depuis l’aube, les forces d’occupation détruisent deux maisons palestiniennes (…) ce pays veut nous éliminer complètement, nous confisquer nos terres au profit des colons …  Le vrai combat se livre ici à Jérusalem »

Quelques semaines plus tôt, le 1er octobre, elle publiait cette vidéo d’incidents à Jérusalem accompagnée d’un commentaire sans ambiguïté :

« Les colons attaquent les commerces du souk et maltraitent les jeunes Palestiniens… C’est terrible, nous sommes arrivés à ce stade où le colon ose… Alors qu’il y a quelques années, il avait peur de marcher dans les rues et regardait à droite et à gauche. Aujourd’hui, il attaque les habitants. La grève de demain est l’occasion d’un sursaut de dignité ! »

Et ce ne sont que quelques exemples, il y en a d’autres.

(Depuis que nous nous sommes adressés à l’AFP, Hiban Aslan a expurgé sa page Facebook et en a limité l’accès…).

Un vocabulaire toujours soigneusement choisi

Dans ses commentaires publiés sur Facebook, Hiba Aslan ne dit pas « l’armée israélienne », « les soldats israéliens » ou encore « Tsahal ».

Elle utilise à chaque fois le vocable « occupation  (al-Ihtilal) » ou « forces d’occupation » qui sont les expressions courantes de la propagande palestinienne.

Son compte Twitter est encore plus accablant

Visiblement, Hiba Aslan a mal expurgé son compte Twitter

… sur lequel nous avons déniché ces deux tweets qui datent de juillet 2014.

Il y a cette caricature de Juifs orthodoxes qui effectuent une danse rituelle autour d’un enfant palestinien agonisant.

Et puis il y a cette liste d’entreprises « israéliennes ou soutenant l’entité sioniste » à boycotter qu’elle diffuse quelques jours plus tard…

… accompagnée des recommandations suivantes. A un internaute qui lui demande pour quelles raisons l’une des entreprises figure sur cette liste, elle répond dans un anglais incertain :

« Je ne sais pas, c’est ce que contient la liste, mais peut être que l’entreprise appartient à une personne juive. Cherche sur Google : ) »

Il faut reconnaître que ces tweets et messages sur Facebook ont été postés avant l’embauche de Hiba Aslan par l’AFP, le 17 mars dernier.

Depuis cette date, la journaliste semble avoir modéré son expression, se conformant aux directives de l’AFP qui exigent de ses collaborateurs qu’ils s’abstiennent de prises de positions militantes sur les réseaux sociaux.

Il n’en reste pas moins que ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve dans sa dépêche le ton et l’esprit très anti-israélien qui émaillent les commentaires de sa page Facebook et de son compte Twitter.

Qui en a rajouté sur la version en français ?

La dépêche en français a été rédigée par une journaliste francophone du bureau de Jérusalem : Clothilde Mraffko.

Selon les usages en vigueur à l’AFP, ses initiales professionnelles – /cmr/ – figurent en bas du texte, aux côtés de celles de Hiba Aslan.

Clothilde Mraffko a « adapté » le texte en français en y ajoutant sa pâte.

C’est à elle que l’on doit ce fameux passage au sujet de la barrière de sécurité :

Mais ce n’est pas tout.

Une version anglaise beaucoup plus équilibrée et impartiale

En comparant attentivement les versions anglaise et française de la dépêche, nous avons réalisé à quel point celle rédigée dans la langue de Molière se distinguait par son militantisme et son caractère déséquilibré.

L’installation de la clôture

La dépêche en anglais explique clairement que, lorsque la barrière a été installée en 2002, le choix a été laissé à la famille Hajajla de quitter les lieux (en échange d’une indemnisation) ou de rester chez elle avec la clôture l’isolant du village :

« Israeli authorities gave the family a choice: leave or see their home cut off by a fence » – (Les autorités israéliennes ont donné le choix à la famille: s’en aller ou voir leur maison isolée par une clôture).

Dans le texte français, la phrase devient :

« Les autorités israéliennes ont alors imposé à la famille un choix impossible: partir ou voir leur maison encerclée par un grillage ».

Le paragraphe est en outre surmonté de cet intertitre original résumant l’affaire ainsi :

La famille Hajajla n’est bien entendu pas « séquestrée »Cette indication ne figure d’ailleurs pas dans la version anglaise. Il s’agit manifestement d’une fausse information.

Les raisons de la fermeture du tunnel 

Une solution va finalement être trouvée devant la justice, saisie par la famille palestinienne. Les autorités israéliennes construisent (à leurs frais) un tunnel de béton passant sous la clôture et permettant aux Hajajla de gagner leur village. Or, récemment, ce tunnel a été fermé durant plusieurs jours par les Israéliens.

Dès le 4e paragraphe, la version anglaise explique clairement pourquoi les autorités israéliennes ont interdit l’accès du tunnel :

« Israeli authorities say the closure was because the family was suspected of allowing illegal crossings into Jerusalem from the West Bank through the Israeli-built tunnel. » – (Les autorités israéliennes ont déclaré que la fermeture était due au fait que la famille était soupçonnée de permettre des passages illégaux vers Jérusalem depuis la Cisjordanie par le tunnel construit par Israël.)

Puis, plus bas la dépêche donne des précisons :

« In a statement to Israeli newspaper Haaretz, police said Omar Hajajla “is suspected of taking advantage of the gate to improperly bring Palestinians through it and was therefore taken in for questioning.” “All investigations that involve suspicion of security-related crimes of Palestinians result in the revocation of entry permits into Israeli territory until the suspicions can be clarified and/or an indictment filed.” »

(Dans un communiqué publié au journal israélien Haaretz, la police a déclaré qu’Omar Hajajla “est soupçonné d’avoir profité de la porte pour faire passer irrégulièrement des Palestiniens et qu’il a donc été conduit pour un interrogatoire”. [suit le texte du communiqué] “Toutes les enquêtes impliquant des soupçons d’infractions liés à la sécurité commises par des Palestiniens impliquent la révocation des autorisations d’entrée sur le territoire israélien jusqu’à ce que les soupçons puissent être clarifiés et/ou qu’un acte d’accusation soit déposé.”)

La dépêche anglaise fait également état des dénégations de la famille palestinienne qui se dit innocente.

La dépêche française surprime tout bonnement ce paragraphe avant de livrer en détail la version – quelque peu alambiquée – de la famille :

Les accusations israéliennes – nécessaires pour comprendre le fond de l’affaire – sont reléguées en toute fin de dépêche (au 14e paragraphe !) et exposées de manière beaucoup plus elliptique :

« Selon le journal israélien Haaretz, les forces de sécurité israéliennes ont fermé le portail pour “réparer les caméras de sécurité cassées” et Omar Hajajla a été accusé de l’avoir utilisé pour faire “entrer des Palestiniens illégalement”. »

Entrer où, pour aller où… ? L’information essentielle qui se trouve en toute fin de phrase est préalablement noyée dans des détails sur la réparation des caméras qui ne peuvent qu’égarer le lecteur. Selon la bonne vieille technique du « noyer le poisson ».

On notera au passage que la version française se borne a citer des informations « du Haaretz »sans préciser qu’il s’agit d’un communiqué officiel de la police.

Bien entendu, la version anglaise ne s’est autorisée aucune des considérations fantaisistes sur le caractère « illégal » de la présence militaire israélienne en Cisjordanie que l’on retrouve dans la version française…

Conclusion / Décryptage

Voilà donc quelques une des « imprécisions » concédées du bout des lèvres par la direction de l’AFP après qu’InfoEquitable l’a alertée sur le caractère pour le moins déséquilibré de la dépêche.

Ces inexactitudes manifestes ne sont pas que des erreurs factuelles.

C’est par ce type de pratique que s’instille au jour le jour la désinformation anti-israélienne, chez les journalistes puis dans l’opinion publique.

Lorsqu’on assène sans plus de démonstration que la présence militaire israélienne en Cisjordanie est « illégale selon l’ONU », on accrédite l’idée qu’Israël est un « Etat voyou » qui ne respecte pas la légalité internationale, donc sans légitimité.

Lorsqu’on construit un récit déséquilibré visant à faire croire que les Israéliens n’ont d’autres objectif que de multiplier les tracasseries et les humiliations envers des populations pacifiques, on ne fait que s’aligner sur les thèses de la propagande palestinienne qui est souvent très éloignée de la réalité.

Voilà pourquoi InfoEquitable continuera d’effectuer son travail de veille médiatique afin de favorise une information objective et équilibrée sur le dossier israélo-palestinien.

Nous nous félicitons des corrections obtenues auprès de l’AFP à la suite de notre travail de veille médiatique.

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