Essai nucléaire nord-coréen : l’unité internationale se fissure

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L’essai nucléaire nord-coréen de dimanche a dégagé une puissance désormais estimée à 160 kilotonnes, soit plus de dix fois celle de la bombe américaine lancée sur Hiroshima en 1945, a affirmé mercredi le ministre japonais de la Défense, sur la base d’informations d’un organisme international. Le Japon avait initialement relayé une évaluation égale à 70 kilotonnes pour l’énergie produite par l’explosion de la bombe testée par Pyongyang. Puis, s’appuyant sur des chiffres de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (CTBTO en anglais), il l’a relevée mardi soir à 120 kilotonnes. Mercredi matin, le ministre Itsunori Onodera a expliqué que les derniers calculs du CTBTO aboutissaient à un résultat encore supérieur, «  d’environ 160 kilotonnes  », contre 15 kilotonnes pour la bombe larguée le 6 août 1945 sur la ville japonaise de Hiroshima et qui a fait 140 000 morts. «  Ces calculs reposent sur la prise en compte d’un séisme d’une magnitude estimée à 6,1 provoqué par la déflagration  », a précisé le ministre devant les caméras de télévision. Cette valeur de 160 kilotonnes dépasse largement l’estimation faite au Conseil de sécurité des Nations unies par le chef des Affaires politiques de l’ONUJeffrey Feltman, qui a évoqué une fourchette de 50 à 100 kilotonnes. Des responsables sud-coréens ont, de leur côté, jugé que la bombe avait une puissance estimée à 50 kilotonnes.

Trois jours après le dernier essai nucléaire nord-coréen, l’unité internationale face au régime de Kim Jong-un commence à se fissurer, douchant les espoirs américains de nouvelles sanctions internationales rapides. Donald Trump a en tout cas confirmé le ton ferme en vigueur à Washington depuis que la Corée du Nord a revendiqué, dimanche, l’essai réussi d’une bombe H. Le président américain, qui avait promis le mois dernier «  le feu et la colère  » à Pyongyang si ses menaces devaient se poursuivre, a ainsi annoncé mardi dans un tweet qu’il autorisait le Japon et la Corée du Sud à acheter des armes américaines «  ultra-sophistiquées  ». Les États-Unis ont déjà menacé dimanche le régime de Kim Jong-un d’une «  réponse militaire massive  ». «  S’engager dans une hystérie militaire n’a aucun sens, c’est un chemin qui mène à l’impasse  », a répondu Vladimir Poutine depuis la Chine, où il a assisté au sommet des Brics qui réunit les puissances émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Tout en condamnant les essais nord-coréens, le président russe a répété qu’une réponse militaire pouvait «  aboutir à une catastrophe planétaire et à un grand nombre de victimes  ». La Corée du Sud a de son côté lancé dès lundi des manœuvres terrestres à tirs réels et la marine sud-coréenne a fait de même mardi dans l’espoir de dissuader Pyongyang de toute provocation en mer.

Moscou favorable à une «  résolution pacifique  »

Et les échanges de menaces se poursuivent. L’ambassadeur nord-coréen auprès de l’ONU à Genève, Han Tae-song, a assuré que les récentes «  mesures d’autodéfense  » de son pays étaient un «  paquet cadeau  » adressé aux États-Unis, qui en «  recevront d’autres  » s’ils poursuivent «  leurs provocations imprudentes et tentatives futiles pour mettre la pression  » sur la Corée du Nord. De son côté, Moscou semble donc rejoindre la position chinoise en faveur d’une «  résolution pacifique  » de la crise et d’une reprise de pourparlers avec le régime nord-coréen. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a insisté sur ce point au téléphone avec son homologue américain Rex Tillerson, prônant «  l’utilisation de moyens politiques et diplomatiques  » et appelant Washington à «  ne pas céder aux émotions et à garder sa retenue  ». Mais si le secrétaire d’État américain avait ouvert la porte à un futur dialogue ces dernières semaines, Donald Trump juge désormais que «  tout discours d’apaisement ne fonctionnera pas  ».

Outre la pression militaire, les États-Unis comptent essentiellement sur l’adoption de mesures «  les plus fortes possible  » contre Pyongyang. Washington souhaite ainsi négocier dans les prochains jours à l’ONU un nouveau train de sanctions dont il a pris l’initiative et le mettre au vote du Conseil de sécurité dès lundi, un appel relayé mardi par plusieurs pays, dont la France et le Royaume-Uni. Ces mesures pourraient concerner les secteurs du pétrole et du tourisme ainsi que le renvoi en Corée du Nord de ses expatriés, après les sanctions adoptées début août à l’unanimité, visant à priver le pays d’un milliard de dollars de recettes tirées de ses exportations de charbon, de fer et de sa pêche. Mais des obstacles remettent déjà en cause ce scénario. «  Le recours à n’importe quelles sanctions dans ce cas est inutile et inefficace  », a ainsi balayé Vladimir Poutine, dont le pays dispose d’un droit de veto à l’ONU tout comme la Chine, dont la position reste aussi incertaine. Les Nord-Coréens «  ne vont pas renoncer à leur programme  » nucléaire «  s’ils ne se sentent pas en sécurité  », il faut donc «  chercher à lancer un dialogue entre toutes les parties intéressées  », a encore plaidé le chef du Kremlin.

Moins catégorique, l’ambassadeur russe à l’ONU a en tout cas estimé qu’un vote lundi serait «  un peu prématuré  ». Surtout, Moscou veut que toute résolution fasse «  référence au besoin d’un dialogue politique basé sur les récentes initiatives  », c’est-à-dire la proposition russo-chinoise d’un gel des manœuvres militaires américano-sud-coréennes contre une suspension des programmes balistique et nucléaire nord-coréens. Or lundi, les États-Unis avaient sèchement qualifié cette proposition d’«  insultante  ». «  Quand un État voyou a une arme nucléaire et des missiles intercontinentaux pointés sur vous, vous ne baissez pas la garde  », avait lancé l’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley. L’unité du Conseil de sécurité est «  absolument cruciale  », a prévenu mardi le secrétaire général des Nations unies António Guterres face à ces divergences, appelant les membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France) à «  se mettre d’accord ensemble sur une seule stratégie pour négocier  » avec Pyongyang. Lors d’un entretien téléphonique avec le président américain Donald Trump mardi, la Première ministre britannique, Theresa May, a souligné le «  rôle-clé  » de la Chine et la nécessité de parvenir à un «  accord rapide  » sur de nouvelles mesures visant la Corée du Nord.

Source www.lepoint.fr

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