Obama, Netanyahu, l’AIPAC et les Juifs

Obama, Netanyahu, l’AIPAC et les Juifs

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Par Benjamin Kerstein – Algemeiner

Il y a plusieurs années, un ami et moi discutions d’un autre des nombreux affrontements apparemment interminables du président de l’époque Barack Obama avec Israël, et j’ai soudainement dit: «Attendez qu’il soit démis de ses fonctions, alors vous le verrez vraiment (comme il est). J’avais le sentiment que, comme son prédécesseur Jimmy Carter, une fois qu’Obama serait libéré des responsabilités du bureau ovale, il finirait par nous dire ce qu’il pensait vraiment – et ce serait probablement très problématique.

Si les reportages sur le contenu des nouvelles mémoires présidentielles d’Obama sont exacts, cela me fait peu de plaisir de dire qu’il semble que j’avais raison. Obama, apparemment, dit du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou que sa «vision de lui-même en tant que principal défenseur du peuple juif contre l’environnement hostile lui a permis de justifier presque tout ce qui le maintiendrait au pouvoir», y compris une campagne «orchestrée» contre Obama lui-même. Cette campagne était apparemment si efficace qu’elle a révélé à Obama que «des différences de politique normales avec un Premier ministre israélien ont eu un coût politique intérieur».

Ce coût, semble-t-il, a été exigé par le lobby pro-israélien AIPAC. En raison des pouvoirs extraordinaires de l’AIPAC, accuse Obama, les politiciens qui «critiquaient trop fort la politique israélienne ont risqué d’être étiquetés comme« anti-israéliens » (et peut-être antisémites) et confrontés à un adversaire bien financé lors des prochaines élections.»

Il n’est pas nécessaire de dire que ce sont des traits remarquablement moches (qu’accentue la caricature faite par Obama d’un « lobby Juif »). Néanmoins, cela vaut la peine d’être examiné, car l’attitude d’Obama envers Israël reste l’un des aspects les plus controversés de son héritage (NDLR : actuellement en passation vers la nouvelle-ancienne équipe Biden). Le débat est largement partagé entre les Juifs libéraux, qui considèrent Obama comme un ami critique mais authentique de l’Etat juif; et les Juifs conservateurs, qui le considèrent au mieux comme antisioniste et au pire antisémite.

Netanyahou, bien sûr, est au centre de ce débat, étant donné la relation célèbre et controversée entre les deux hommes. Et il faut dire que tout ce qu’Obama dit de lui n’est pas faux. Netanyahu est un politicien sans scrupules, et bien que je doute qu’il fasse «presque n’importe quoi» pour rester au pouvoir, il ne recule certainement pas devant certaines tactiques plutôt désagréables. J’ai souvent pensé que, comme on l’a dit une fois de Napoléon, il est aussi grand qu’un homme peut l’être sans vertu [critique de « l’animal politique » Netanyahou]. Mais je ne pense pas que ce soit la source de l’animosité entre les deux hommes. Obama et Netanyahou, après tout, étaient diamétralement opposés idéologiquement, et il est difficile de combler le fossé entre les valeurs fondamentales.

Les commentaires d’Obama sur l’AIPAC sont bien plus problématiques. En clair, ils sentent la théorie du complot. Obama n’a pas à aimer l’AIPAC, mais sa tentative évidente de lui donner un caractère sinistre joue avec certains des stéréotypes les plus barbares et – il faut le dire – racistes concernant le pouvoir et l’influence des Juifs. Il semble totalement ignorant ou ingénu de jouer avec le feu qui rallume de vieux poncifs parmi les pires. Même en lui accordant le bénéfice du doute, l’esprit se réveille devant un esprit qu’on puisse caractériser d’aussi obtus.

Mais cela ne fait que nous orienter vers une question beaucoup plus profonde: celle de savoir si Obama, intentionnellement ou non, a favorisé une atmosphère d’antisémitisme systémique dans son administration. Car même si, une fois de plus, nous lui accordons le bénéfice du doute, il est très clair – bien que généralement non déclaré publiquement – qu’il y avait de puissants éléments antisémites au sein de la Maison Blanche d’Obama.

Il est remarquable pour moi, en fait, que personne à ma connaissance n’ait fait remarquer un passage dans les mémoires, concernant l’ancien ambassadeur israélien aux États-Unis Michael Oren, Allié, dans lequel Oren révèle que, pendant la guerre d’Israël contre le Hamas en 2014, les responsables de la Maison Blanche accusaient Israël d’être responsable des pogroms musulmans qui ont suivi contre les Juifs européens (9 synagogues attaquées en France, émeutes comme à Sarcelles, etc.). C’est un racisme monstrueux quelle que soit la définition, mais c’est aussi plus que cela – cela indique une atmosphère d’antisémitisme capable de tenir les Juifs responsables de la violence antisémite sans le moindre sentiment de dissonance cognitive. Une telle atmosphère ne doit pas être à tout le moins tolérée par ceux qui, comme Obama, devraient être mieux informés.

La réponse inévitable à cela est qu’Obama et ses hommes de main «critiquaient simplement Israël» ou «s’opposaient aux politiques israéliennes». Si l’on met de côté le fait qu’il s’agit de justificatifs autosatisfaits de goyim à l’égard des méchants Juifs-soutiens d’Israël, il est clair que, étant donné le zeitgeist (l’esprit du temps) actuel, c’est un argument très bizarre. Une grande partie de la Gauche est, après tout, disposée à voir le racisme presque partout, y compris en eux-mêmes, conduisant à des exemples remarquables d’auto-flagellation publique. Pourtant, ils semblent souvent résolus à prétendre que l’antisémitisme n’existe pas. Ils disent, en effet, que tout est race et que rien n’est antisémitisme. Et le déni de l’antisémitisme, ne serait-ce que par le simple rejet, déni ou le détournement cognitif des Juifs qui soulèvent la question, est endémique à l’antisémitisme lui-même. Les antisémites, après tout, croient toujours qu’ils disent simplement la vérité.

Le cas d’Obama, cependant, n’est pas vraiment une question d’antisémitisme personnel ou d’absence d’antisémitisme. La plupart des Juifs savent que, si tous les non-Juifs ne sont pas foncièrement antisémites, presque tous véhiculent les stéréotypes et les préjugés qu’ils projettent sur les Juifs. Qu’ils sont, en d’autres termes, ignorants. Vous espérez que les non-juifs pourront être rendus conscients de ces problèmes… Mais Obama et ses hommes de main ont toujours refusé d’assumer la responsabilité de leurs dérives publiques. Obama savait qu’il y avait des Juifs qui avaient des inquiétudes à son sujet, et il ne s’est jamais intéressé à savoir pourquoi. Il était beaucoup plus facile de simplement blâmer Netanyahou et de clôturer le chapître sur la question. Et cela doit, à tout le moins, être admis et discuté ouvertement. Ce qu’exige le débat sur Obama et les Juifs, ce n’est pas tant de chercher à susciter l’indignation et le scandale que de reconnaître qu’il s’agit de quelque chose comme un calcul politique de bonne foi.

Benjamin Kerstein est chroniqueur et correspondant pour Israël à The Algemeiner. Son site Web peut être consulté ici.

algemeiner.com

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