Pollution plastique: que fait vraiment Israël ?

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Alors que la pollution plastique continue à menacer le littoral israélien, l’avenir des 185 kilomètres de plage qui font la fierté de l’Etat hébreu semble de plus en plus incertain. Bien que le gouvernement affirme qu’il fait appliquer de nouvelles mesures pour lutter contre le gaspillage, les militants sont catégoriques: Israël est à la traîne par rapport aux autres pays du monde.

« Dans l’ensemble, Israël est un pays qui produit beaucoup trop de déchets. Et le plastique à usage unique que les gens utilisent pour quelques heures met des milliers d’années à se décomposer », a déclaré à i24NEWS le professeur Alon Tal, fondateur de l’Union israélienne pour la défense de l’environnement.

Cette semaine, le ministère israélien de la Protection environnementale (MoEP) a fièrement annoncé que l’utilisation de sacs plastiques dans le pays était en baisse de 80%. Derrière ce beau progrès, une loi passée il y a un an exigeant des supermarchés qu’ils facturent 10 agouroth (environ 3 centimes d’euros) à leurs clients pour l’achat d’un sac plastique.

« En l’espace d’un an seulement, le nombre de sacs plastiques retrouvés dans la mer en Israël a diminué de moitié », selon un communiqué de presse publié par le programme gouvernemental de l’ONU qui a officiellement salué cette réussite.

Si l’on en croit les statistiques que le ministère a rendues publiques ce dimanche, le pays a réduit sa consommation de plastique de 7091 tonnes, un chiffre impressionnant qui représente l’équivalent du poids de 400 autobus. « Les résultats parlent d’eux-mêmes », a déclaré avec fierté le ministre de l’Environnement Ze’ev Elkin.

« Mais en faisant cela, on répond au problème, on ne va pas au-devant », tempère Tal, un militant de la première heure. « Il est temps d’inverser le modèle. Israël est résolument un mauvais élève en termes de solutions innovantes et efficaces ». Il reconnaît cependant l’impact positif des projets de nettoyage mis en place par le ministère dans les municipalités locales du pays.

Noel CELIS (AFP/File)Microbeads and chipped plastic waste from grocery bags and cups often end up in the world’s oceans
Noel CELIS (AFP/File)

Une municipalité en particulier, la ville côtière d’Herzliya, est en train de devenir un modèle pour le pays tout entier grâce à sa politique « objectif zéro déchets ». C’est la première ville qui a décidé de ne plus consommer de plastique à usage unique.

Lors d’un rassemblement d’experts en questions environnementales organisé mercredi dernier par le mouvement « Plastic Free Israel » (« Israël sans plastique », en français), Jonathan Jacobovitz, président du conseil touristique des municipalités, a affirmé « Ça se passe vraiment très bien ».

« Cela fait sept mois que le programme a été lancé et il n’y a déjà plus de plastique à usage unique dans les bâtiments du conseil », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il souhaitait étendre ce modèle aux jardins d’enfants, aux écoles et autres institutions qui utilisent beaucoup de plastique.

Herzliya, tout comme d’autres villes côtières israéliennes, a déployé de nombreux efforts pour mettre en place des « nettoyages de la côte » dans l’optique de préserver la beauté du littoral et protéger la faune marine méditerranéenne déjà menacée.

Au cours de ces dix dernières années, à l’échelle mondiale, les hommes ont créé assez de déchets plastiques pour remplir l’équivalent de quatre fois le Mont Everest. Un rapport du Forum économique mondial datant de 2016 indique que si la production de plastique continue à ce rythme, il y aura davantage de plastique que de poissons dans les océans d’ici 2050.

Et si ces statistiques alarmantes ne suffisent pas à convaincre ceux qui continuent à consommer du plastique à outrance et refusent de réduire leur consommation, alors peut-être que les images choquantes de déchets agglomérés flottant dans l’Océan Pacifique parviendront à les persuader.

Alors que les mégots de cigarette, les pailles, les bouchons de bouteille et les sacs en plastiques sont le plus souvent pointés du doigt et reconnus comme étant les plus communément retrouvés sur les plages de sable de Tel Aviv, les militants pour l’environnement affirment que la vaisselle jetable en plastique est en train de devenir le problème écologique le plus important en Israël.

Selon Maya Jacobs, PDG de l’association environnementale Zalul, ce problème est très fortement ancré dans la culture ultra-orthodoxe israélienne. Cette population qui respecte strictement les lois juives représente 12% de la population totale du pays.

« En général, la majorité de ces familles a plus d’enfants que les autres foyers et mange strictement casher, ce qui veut dire qu’elles ont deux vaisselles différentes pour le lait et la viande. Et dans ce cas, il est bien plus pratique d’utiliser de la vaisselle jetable. C’est un gain de temps, d’énergie, et cela fait moins de tâches ménagères », analyse Maya Jacobs.

« On remarque que les personnes religieuses ne se soucient pas de l’environnement. En Israël, on ne les sensibilise pas à cette cause », ajoute-t-elle avec une pointe de reproche adressée au MoEP qui n’a pas réussir à réveiller les consciences au sein de cette communauté.

Selon une enquête du groupe d’information Coface BDi datant de 2014, en quatre ans seulement, les ventes de vaisselle jetable en plastique ont augmenté de 51%.

CLAUDIO REYES (AFP/File)Chileans use 3.4 billion plastic bags per year, some 200 per person
CLAUDIO REYES (AFP/File)

Et pendant ce temps, au vu de la demande qui ne cesse de se développer dans tout le pays, « Peamit.co », une entreprise leader en termes de produits jetables en plastique, ouvre de deux à trois nouveaux points de vente chaque année. I24NEWS a tenté de joindre cette société mais n’a reçu aucune réponse.

« Quand on se sent un peu écolo, on ne mange pas dans des assiettes jetables, mais moi je vis au présent et ces histoires de protection de l’environnement, ce n’est pas mon problème », a déclaré Ron Goldenberg à « Calcalist » lors d’une interview publiée un peu plus tôt ce mois-ci. « Quand on a fini de manger, on n’a plus qu’à tout mettre à la poubelle, y compris la nappe, et c’est tout. Pas de prise de tête ».

Résistant, multi usages et peu onéreux, le plastique présente de très nombreux avantages. Souvent utilisé dans les hôpitaux pour éviter la contamination, prévenir les fuites toxiques, il fournit des contenants stériles pour conserver les aliments, entre autres. Avec toutes ces utilisations, il ne fait aucun doute que l’industrie du plastique a encore de beaux jours devant elle.

« Il ne s’agit pas d’être irréprochable et d’éliminer la moindre trace de plastique de nos vies, nous devons être conscients et donner l’exemple », a déclaré Stav Friedman, conservatrice marine et fondatrice de « Plastic Free Israel » lors de l’événement qu’elle a organisé. « On peut par exemple arrêter d’utiliser des coton-tige et dire non quand on nous propose une paille en plastique », a-t-elle ajouté.

Alors qu’Israël est parmi les plus mauvais élèves en termes d’efforts pour l’environnement, les militants ont décerné à l’Union européenne la première place mondiale. « Nous comptons sur les européens pour qu’ils soient notre modèle », déclare Maya Jacobs. En mai 2018, le Parlement a banni tous les produits jetables en plastique et a annoncé que des solutions seraient mises en place pour promouvoir des alternatives respectueuses de l’environnement.

Des sociétés de premier plan à l’instar de Starbucks, les rhums Bacardi, la chaîne d’hôtels Marriott, ainsi que les compagnies aériennes Alaska Airlines et American Airlines, ont suivi l’exemple et ont officiellement annoncé qu’elles supprimeraient progressivement les pailles en plastique au cours des années à venir.

A la question de savoir pourquoi Israël ne parvenait pas à répondre aux critères environnementaux établis, le ministère a répondu qu’il était conscient de la directive européenne visant à augmenter la collecte et le recyclage du plastique et qu’il était en train « de chercher la meilleure manière de mettre en place des directives pour respecter cette proposition ».

Il a ajouté, en guise de conclusion, que cela impliquait également de « prendre en compte les spécificités de l’Etat d’Israël ».

Cet article publié à l’origine en anglais a été traduit par Laëtitia Journo

Source www.i24news.tv

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