Pologne: les nationalistes manifestent contre la restitution des biens juifs

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La protestation vise une loi américaine de 2018 qui dresse un état des lieux des mesures prises par les pays européens pour indemniser les propriétaires de biens saisis sous le régime nazi. Or, la Pologne est le seul pays de l’Union européenne qui n’a pas adopté de législation nationale complète à ce sujet.

Ce samedi 11 mai, les nationalistes polonais manifestent contre la restitution des biens juifs et la loi américaine «Justice for Uncompensated Survivors Today JUST Act 447» votée en mai 2018. Celle-ci oblige le département d’État à rapporter au Congrès les mesures prises par les pays européens pour indemniser les survivants de l’Holocauste ou leurs héritiers concernant les biens saisis sous le régime nazi, allemand et communiste. La marche doit débuter à 14 heures à Varsovie devant la chancellerie du premier ministre et doit s’achever devant l’ambassade américaine.

Robert Winnicki et Kaja Godek, (Mouvement national), candidats aux élections européennes, ont appelé au rassemblement le 7 mai dernier. «Nous sommes menacés du paiement de 300 milliards de dollars de dommages et intérêts. C’est 120 000 Złotys pour une famille polonaise de quatre personnes», a déclaré le président du Mouvement national.

Une manifestation en ce sens a notamment eu lieu à New York au mois de mars. «Traitez l’anti-polonisme comme l’anti-sémitisme», pouvait-on lire sur les pancartes des militants.

D’après Audrey Kichelewski, auteure de Les survivants, les juifs de Pologne depuis la Shoah, cette manifestation est une nouvelle fois «l’occasion pour la coalition des partis extrémistes, nommée la Confédération, de faire parler d’elle» dans le cadre des élections européennes. «Ils ont pris ce sujet comme cheval de bataille pour faire du bruit et gagner des voix mais aussi pour s’opposer au parti de droite «Droit et justice» (PiS) qu’ils soutiennent habituellement.»

Le seul pays de l’UE qui ne prévoit pas la restitution des biens privés

L’année dernière, un groupe de nationalistes s’était déjà réuni avant le vote de la loi «Justice for Uncompensated Survivors Today» (Justice pour les survivants non indemnisés aujourd’hui ou JUST) avec pour mot d’ordre: «Stop aux revendications pour les biens juifs».

Or la Pologne est le seul pays de l’Union européenne qui n’a pas adopté de législation nationale complète prévoyant la restitution ou l’indemnisation des biens privés confisqués par les nazis ou nationalisés par le régime communiste. Au mois de février 2019, après que le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a invité le pays «à adopter une loi qui permettrait de restituer les biens à ceux qui les ont perdus pendant l’Holocauste», le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a déclaré que cette question «était définitivement réglée». «La question de la restitution de biens aux citoyens américains d’origine juive est réglée définitivement. Une loi d’indemnisation, signée (en 1960 NDLR) avec les États-Unis règle la question, qui libère la Pologne de ces responsabilités», a déclaré le chef du gouvernement polonais dans une interview à l’agence PAP. «Je tiens à le souligner clairement: ce sujet n’existe pas. (…) C’est la Pologne qui fut victime et non le bourreau.»

Le gouvernement actuel semble pris en étau. «Il est difficile pour lui de s’opposer à cette loi car il s’est ouvertement allié aux États-Unis. Mais la soutenir le mettrait en porte-à-faux avec les petits partis extrémistes qui soutiennent Droit et justice», précise Audrey Kichelewski.

«Des coûts faramineux pour l’État»

Depuis 1989 et la chute du mur de Berlin, «les gouvernements, quelles que soient leurs tendances politiques, se sont heurtés à cette question», souligne Audrey KichelewskiAprès 1989, des lois ont été mises en place pour permettre la restitution des biens communautaires.

En ce qui concerne les bien individuels, la procédure est plus complexe. «Les propriétaires doivent réussir à prouver que les biens leur appartiennent. Or, après la guerre, la plupart avaient perdu la totalité de leurs papiers», explique la maîtresse de conférence en histoire moderne à l’université de Strasbourg. Pour les aider, l’Organisation mondiale de restitution juive, ou OMRJ, a mis en place une base de données à partir de la découverte d’un annuaire non publié de 1939.

Seulement, «au passage au régime communiste, ces biens, souvent des usines ou des grandes propriétés, ont été nationalisés». Une loi de restitution entraînerait donc de nombreuses indemnisations. «Cela représenterait des coûts faramineux pour l’État.»

Source www.lefigaro.fr

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