Le procès Merah ou la grande solitude des Juifs de France, par Raphaël Nisand

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Souvenons nous : en 1990 le cimetière Juif de Carpentras avait été profané par un groupe d’hommes dont on avait appris des années plus tard que c’étaient des skinheads d’extrême droite .

Cette profanation avait déclenché une énorme vague de réprobation dans tout le pays et une gigantesque manifestation de protestation  contre cet acte avait rassemblé environ un million de personnes dans les rues de Paris .
La tuerie de Toulouse aurait logiquement du déclencher un haut le coeur bien plus important encore parce que l’assassin a tué sciemment des enfants en bas âge, tués dans leur école, que cet acte viole donc les prescriptions les plus élémentaires de l’humanité.

A Toulouse, l’assassin a ciblé une école juive à l’arrivée des enfants. Il a abattu des enfants dont deux devant leur père assassiné lui aussi et a pourchassé une enfant de 7 ans Myriam Monsonégo la fille du directeur dans la cour de l’école pour la tuer.
 Chacune des victimes a été achevée au sol, le tueur s’assurant de la mort de ses victimes. Par fierté de son acte et pour en assurer une complète publicité, le tueur a tout filmé en temps réel. 4 morts donc dans cette cour d’école dont 3 enfants de moins de 10 ans, un enfant ayant même une tétine en bouche à la seconde de sa mort. 
Même les nazis n’avaient pas osé faire ça. Ils n’assassinaient pas les enfants juifs dans la rue en France non pas parce que ça les aurait gêné mais par peur précisément de la réaction de l’opinion publique française qui n’aurait à l’époque pas toléré de tels actes.

Or là a-t-on vu une mobilisation populaire suite à ces incroyables assassinats commis de sang froid ?
Combien de manifestations à Paris ou à Toulouse avec combien de manifestants ?
On a bien vu l’une ou l’autre commémoration officielle et les pouvoirs publics se sont contentés d’échafauder la fable du loup solitaire comme si il fallait s’habituer désormais à la prédation  du loup sur les agneaux. On sait aujourd’hui ce qu’il en est, l’assassin n’avait rien d’un loup solitaire et en réalité presque tout le monde s’est tu adoptant de facto la thèse de l’assassin qui est celle-ci : puisque des enfants palestiniens sont tués on peut bien tuer des enfants juifs où qu’ils se trouvent.
La réalité de cette histoire c’est que qu’on le veuille ou non les Juifs français, enfants compris, sont devenus aux yeux même de leurs concitoyens des « cibles légitimes ». Il est là, le fossé incommensurable entre Carpentras en 1990 avec sa réaction France entière, et Toulouse 2012 avec son indifférence glaciale.

A-t-on vu une réaction de solidarité avec l’école Ozar Hatorah directement victime de l’assassin ?
Que nenni, et Ozar Hatorah s’est retrouvée dans une situation psychologique et financière de détresse sans aucune aide extérieure.
L’école a à présent changé de nom et a du s’enfermer derrière de hauts murs surmontés de barbelés.
Personne n’a proposé de faire une chaîne humaine autour de l’établissement injustement attaqué et les chèques n’ont pas afflué.

La ville de Toulouse alors dirigée par un nommé Pierre Cohen a à ma connaissance refusé tout geste. L’assassin est mort et le procès de son frère et complice se déroule ces jours-ci.

Mais quel que soit le verdict de la justice il y a tout lieu de s’inquiéter lorsque l’on voit que le paria, celui-ci qui a du quitter Toulouse et qui doit se cacher, ce n’est pas Abdelkader Merah, le complice, mais Abdelghani Merah, le frère aîné qui dénonce l’antisémitisme de sa famille.

Il y a aussi tout lieu de s’inquiéter, il est même glaçant d’entendre l’un des témoins du procès, un Juif religieux qui effectuait une livraison ce matin là expliquer dans sa déposition : «Je viens pour la prière de 8 h. Il est à peu près 8 heures moins cinq. Je vois Jonathan Sandler et ses enfants, je le salue. Une personne avec un casque traverse la rue. Je vois M. Sandler s’agiter devant cette personne, je ne vois pas que celle-ci tient une arme, je ne comprends pas ce qui se passe. Je pense que la personne insulte M. Sandler, quelque chose d’habituel. La personne sort un revolver et tire à bout touchant sur M. Sandler, puis sur ses enfants. Je la vois entrer dans l’école, il y a des enfants qui courent. À quelques mètres de l’entrée, il tire sur la fille du directeur. Il continue à tirer sur les corps qui sont par terre. Après, il pointe son arme vers moi et il tire. J’ai le temps de me baisser et de faire marche arrière, de remettre la première. Je le vois sur son scooter qui descend la rue en trombe». Fin du témoignage.

Ce qui est frappant dans cette déposition, c’est bien sûr l’horreur des faits mais aussi cette phrase glaçante lorsque le témoin dit qu’il pense que la personne insulte M. Sandler « quelque chose d’habituel ».

Je me suis dit qu’il est donc habituel que les Juifs se fassent insulter au quotidien et qu’après les insultes, c’est la mort qui vient  et que malheureusement la société se tait. A Toulouse, les petits Sandler , la petite Monsonégo et Jonathan Sandler  sont morts dans le silence des agneaux.

Raphaël NISAND
Président d’honneur de la Licra Bas-Rhin
Chroniqueur sur Radio Judaïca Strasbourg

Source www.tribunejuive.info

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