Qui veut la peau du député français Meyer Habib ?

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A propos d’un article aux relents antisémites signé France-Inter, par Pierre Lurçat

Les sites antisémites les plus radicaux du Web francophone ne s’y sont pas trompés. “L’étau se resserre autour de Meyer Habib” (photo de Meïr Habib en visite chez le rav Edelstein), titre ainsi “Egalité et Réconciliation”, le site du très sulfureux Alain Soral, tandis que le site islamiste Oumma.com titre avec moins d’emphase : “Positionnement pro-Likoud, actionnaire de sociétés non déclarées en France : une enquête de France Inter sur Meyer Habib”. En fait d’enquête, il s’agit d’un article publié sur le site de France-Inter le 15 octobre dernier, et pompeusement signé par la “Cellule Investigation de Radio France”.

Cette “cellule d’investigation” n’a pas eu besoin d’investiguer très loin : son papier est une compilation d’informations connues de tous et glânées sur le Net, pour lesquelles les journalistes de Radio France ont simplement demandé des commentaires, exclusivement à charge, auprès de certains anciens diplomates israéliens et de concurrents de Meyer Habib aux élections législatives. Drôle de conception de l’investigation.

Ainsi, les liens amicaux entre Habib et l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou n’ont rien d’une information (et encore moins d’un scoop), puisqu’ils sont affichés au grand jour par les deux protagonistes et connus de tous depuis de nombreuses années. Ce qui n’empêche pas France Inter d’écrire que “[Meyer Habib] a longtemps été le relais à l’Assemblée et à l’Elysée [de Nétanyahou], quitte à s’opposer aux positions diplomatiques françaises”.

La belle affaire ! Depuis quand un député français est-il obligé de s’aligner sur la politique étrangère de son pays ? A moins que ce député ne s’appelle Meyer Habib et qu’il ne soit juif… Le mot n’est pas prononcé, mais l’accusation de double allégeance est en arrière-plan de l’article de France Inter à chaque ligne. Il n’est pas même besoin de lire entre les lignes… “Imaginer un seul instant que Benyamin Netayahou puisse révéler à Meyer Habib des secrets qu’il ne faut pas dire, c’est extrêmement troublant et déstabilisant”, explique ainsi Elisabeth Garreaut, ancienne élue consulaire proche de LREM.

Accusation reprise par un ancien diplomate israélien à Paris, Danny Shek. Hormis ces deux personnalités, toutes les sources de France Inter sont anonymes (si tant est qu’elles existent vraiment). “Un ministre de l’époque, proche du chef de l’Etat”, “Une personnalité française, connue pour ses positions pro-palestiniennes”, “un cadre du Likoud”… En clair, il s’agit d’une enquête à charge fondée sur des témoignages anonymes (on aurait presqu’envie d’écrire, des “dénonciations anonymes”).

Un règlement de comptes aux relents antisémites

Les auteurs de cette “enquête” ne sont pas totalement inconnus dans le P.A.F. Frédéric Métézeau a été correspondant de Radio France à Jérusalem. Il affirme dans une interview avoir le “goût de la nuance”, ce qui ne l’empêche pas de renvoyer dos-à-dos le Hamas, mouvement islamiste totalitaire, et “l’extrême-droite raciste” israélienne. Quant à Emmanuelle Elbaz-Phelps, elle est présentée par France-Inter comme une “journaliste franco-israélienne sur la chaîne publique Kan 11”. Elle collabore également au site Mediapart. Entre 2014 et 2016, elle a été attachée de presse à l’ambassade de France en Israël. Double allégeance journalistique?

La question qui se pose est de savoir pourquoi cette enquête à charge est publiée aujourd’hui, et dans quel but. En tant que défenseur d’Israël à l’Assemblée nationale française, Meyer Habib ne manque certes pas d’ennemis. Pourquoi l’attaquer maintenant sur ses relations avec le Premier ministre israélien Nétanyahou, alors que celui-ci est à présent dans l’opposition? Une explication possible est que cet article ait été publié en réaction à l’initiative courageuse du député Meyer Habib de diriger une commission d’enquête parlementaire sur les défaillances de la justice française dans l’affaire de l’assassinat de Sarah Halimi.

Au cours des auditions de cette commission, l’avocat Nathanaël Majster a ainsi évoqué le risque d’une récivide de l’assassin de la sexagénaire d’origine juive, que la justice française a refusé de juger. Que le positionnement courageux de Meyer Habib dans l’affaire Halimi ait de quoi irriter certains membres de la justice française est évident. Que certains veuillent régler des comptes avec lui aux moyens d’une “enquête” aux relents antisémites est un peu plus étonnant. Mais quand il est question des Juifs en France, aujourd’hui, tout est possible.

Pierre Lurçat

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