La résolution 242 de l’ONU n’a pas l’ambiguïté que lui prête l’AFP

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Quelques mois après la guerre des Six-jours, l’ONU adoptait en 1967 la résolution 242. L’Agence France-Presse a consacré une dépêche à l’anniversaire de ce célèbre texte sous le titre : « Il y a 50 ans, la résolution 242 de l’ONU, un habile compromis ».

La résolution 242, qui demandait la « reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force », est surtout connue pour sa disposition enjoignant au :

« Withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict »

ou

« Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit »

Le texte anglais ne reprend pas le « retrait des territoires » de la version française, mais se traduit par « retrait de territoires ». Un petit s qui fait une grande différence.

Si la résolution 242 est si célèbre, c’est parce que les soutiens de la cause palestinienne mettent en avant la version française pour exiger le retrait d’Israël de tous les territoires qu’il a conquis pendant la guerre des Six-jours. Israël, qui s’est déjà retiré de certains de ces territoires – le Sinaï en 1982, puis Gaza en 2005, rétorque que la version anglaise ne spécifie pas les territoires concernés.

Entretenant le doute, la dépêche de l’AFP qui parlait d’un « texte à la formulation ambigüe » indiquait :

« la divergence entre les textes français et anglais, ayant tous deux valeur officielle, laissent (sic) une large place à l’interprétation »

Or il est inexact de dire que les deux langues ont valeur officielle.

L’AFP indiquait dans sa dépêche que « La thèse selon laquelle Israël ne devrait pas nécessairement se retirer de « tous » les territoires occupés en juin 1967 a été soutenue par l’auteur de la résolution, le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, ainsi que par son successeur, Michael Stewart. »

Le principal auteur du texte était un autre britannique, Lord Caradon. Le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères dont parle l’AFP était George Brown : il a effectivement participé à la rédaction de la résolution, tout comme son homologue américain Arthur J. Goldberg.

Ces différentes personnalités ont précisé à différentes occasions ce qu’elles avaient vraiment voulu entendre. Leurs témoignages, traduits ici par nos soins, sont réunis sur le site de CAMERA.

Voici un extrait du point de vue de George Brown :

J’ai formulé la résolution du Conseil de sécurité. Avant de la soumettre au Conseil, nous l’avons montrée aux dirigeants arabes. La proposition disait qu’« Israël se retirerait de territoires qui étaient occupés », et non « des » territoires, ce qui signifie qu’Israël ne se retirera pas de tous les territoires.

Selon le représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’ONU, Lord Caradon :

Le fait que nous n’ayons pas dit « les » territoires ou « tous les » territoires a donné lieu a beaucoup d’interprétations. Mais c’était délibéré.

De même, voici les mots du représentant américain à l’ONU de l’époque, Arthur J Goldberg :

Les omissions notables dans le langage utilisé pour se référer au retrait sont les mots letous, et les lignes du 5 juin 1967. Je me réfère au texte anglais de la résolution. Les textes français et soviétique diffèrent de la version anglaise à cet égard, mais c’est sur le texte anglais que le Conseil de sécurité a voté, et il est donc déterminant.

Ce sont en effet les Britanniques, sous la direction de Lord Caradon, qui ont rédigé le texte soumis au vote. Il l’ont fait dans leur langue, l’anglais. Voilà donc de quoi lever l’ambiguïté : les membres du Conseil de sécurité ont voté sur la version anglaise de la résolution, ce qui lui confère une valeur officielle que n’ont pas les autres langues.

La dépêche de l’AFP souffrait également d’imprécision dans ses explications sur le déclenchement de la guerre des Six-jours : « En juin 1967, lors d’une guerre éclair, l’armée israélienne s’empare de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, annexée par la Jordanie en 1950, de la bande de Gaza, sous administration égyptienne depuis 1949, de la péninsule égyptienne du Sinaï (qui sera restituée à l’Egypte en 1982) et du Golan syrien. »

L’expression « guerre éclair » de sinistre mémoire (le Blitzkrieg nazi) stigmatise Israël lorsqu’elle est sortie comme ici de son contexte. En 1967, Israël n’a pas agressé ses voisins comme l’Allemagne en 1939, mais a au contraire lancé une guerre préventive pour se défendre contre eux.

Israël était encerclé par les armées de pays arabes dont les dirigeants avaient appelé, jusque dans les jours précédant les hostilités, au génocide. Ainsi, Nasser déclarait le 27 mai : « notre objectif sera la destruction d’Israël ». Hafez el-Assad appelait à une « bataille d’annihilation ». Et l’Egypte avait lancé un blocus naval du détroit de Tiran, bloquant l’accès des navires au port d’Eilat, ce qui constituait un acte de guerre au regard du droit international.

L’AFP n’a, pour l’instant, pas donné suite à la demande écrite d’InfoEquitable pour que la dépêche soit corrigée en y supprimant l’attribution du caractère officiel de la version française de la résolution 242.

Source infoequitable.org

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