Roddie Edmonds et le respect des Juifs

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Non, ce soldat américain, prisonnier des Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, n’était pas juif. Il a cependant fait preuve d’une conduite tout à fait remarquable, qui mérite d’être soulignée. Ce n’est pas tous les jours que des non-Juifs se mettent en danger pour le respect de leurs idéaux, en particulier quand les gens concernés font partie de notre peuple.
Ce que peuvent faire des scuds…

« Ce n’est pas possible que vous soyez tous juifs, hurla l’officier nazi dans sa colère.
– Mais nous sommes tous juifs », fut la réponse de l’officier américain Roddie Edmonds.
Les incarcérés se tenaient là, tremblant de froid, en plein hiver, attentifs et tendus. Les soldats captifs obéissaient tous aux directives de leur supérieur Edmonds, placé à leur tête, du fait de son haut grade.
Le responsable du camp de prisonniers, Siegmann, tremblait de colère. Il brandit son pistolet, le rapprocha de la tempe d’Edmonds, et le menaça : « Je te somme de dire à tous les soldats juifs de ce groupe de faire un pas en avant. Sinon, je tire ! »
Edmonds ne se troubla pas. Il jeta un regard froid au nazi, quand la crosse touchait encore sa nuque. Il lui lança : « Les accords de Genève fixent qu’un soldat captif n’est obligé que de livrer son nom, son grade et son numéro personnel. Si tu tires sur moi, tu devras tirer sur tous les autres, car nous savons qui tu es. Après la guerre, tu seras déclaré criminel nazi ».
L’officier allemand pâlit, et se rétracta. Sans rien dire, il remit son arme à sa place et s’en alla bredouille. Les soldats américains lâchèrent un soupir de soulagement, et purent rejoindre leur bâtisse sans encombre. On comptait parmi eux plusieurs soldats juifs, pris en même temps que leurs camarades.
Roddie Edmonds est décédé en 1985. Né à Knoxville dans le Tennessee, dans une famille chrétienne typique de ces régions du Sud des Etats Unis, il s’est engagé dans l’armée de son pays, comme nombre de ses compatriotes. Il a participé à la Seconde Guerre mondiale à titre de sous-officier. Captif en Allemagne, il fut envoyé à Stalag IX A, un camp à proximité du village de Ziegenhain (Rhénanie-Palatinat). Le groupe comprenait quelques centaines de soldats, dont, quelques dizaines de Juifs américains. Selon Fox News, en tout, quelque deux cents Juifs servaient alors dans l’armée fédérale américaine.

Un soir de janvier 1945, quelques mois avant la fin de la guerre, un appel fut lancé au camp : « Demain matin, tous les captifs juifs doivent se présenter à l’extérieur de leurs baraquements ». Edmonds comprit clairement que si les soldats juifs répondaient à l’appel, ils seraient tout de suite éliminés. Il donna l’ordre à tous les militaires américains, un millier de jeunes, de se présenter le matin à l’extérieur des baraquements, en place. C’est ce qu’ils firent. Mille soldats, et parmi eux deux cents Juifs, se répondirent donc à l’appel le lendemain matin. Ils se tinrent en ordre, selon le protocole, face à un officier allemand en furie.
L’injonction d’Edmonds avait été suivie sans discussion aucune, et malgré la pression de la situation, nul n’avait osé passer outre. Tous avaient pris la décision d’accompagner leurs camarades juifs, comprenant qu’ainsi, ils les sauvaient d’une mort imminente. Cette obéissance, et le courage de ce sous-officier devant la menace du revolver, donnèrent la vie sauve à ces 200 Juifs.

Voici quelques semaines, plus de soixante-dix ans après, Yad Vachem a décidé d’accorder à Edmonds une reconnaissance à titre de Juste parmi les Nations. Son fils Caris est venu dans le pays, et raconté que son père avait toujours eu le sentiment d’avoir une mission à remplir face à ses camarades. « Il vivait avec une très grande foi, un code moral que nul ne pouvait faire changer, et une grande échelle de valeurs en faveur desquelles il a consacré toute sa vie. Des conversations que j’ai eues avec ceux qui ont vécu avec lui à cette période, il ressort de lui l’image d’un dirigeant fort, d’un exemple personnel et d’une personne capable de prendre des risques pour protéger les autres. »
Paul Stern et Laster Tanner sont deux Juifs qui étaient dans ce camp avec Edmonds. Stern se tenait près de lui lors de sa discussion avec l’officier allemand. Ensemble, avec Laster, il a témoigné en faveur d’Edmonds. « Malgré les soixante-dix ans passés, j’entends encore les paroles de l’officier allemand », a-t-il raconté à la commission qui s’intéressait à cette histoire. Tanner, pour sa part, a déclaré que la mise à mort systématique des Juifs était alors connue, et que l’appel inacceptable de les séparer des autres captifs signifiait sans doute aucun que leurs sort était scellé. Le courage et la force de caractère d’Edmonds les avaient sauvés.

Si 26 000 personnes ont eu droit à une reconnaissance de cet ordre, Edmonds n’est, du reste, que l’un des quatre Américains, et le premier soldat à en avoir bénéficié. De ce fait, et parce que cela a eu lieu soixante-dix ans après l’affaire, sa nomination a attiré l’attention des media du monde entier.
Sans rentrer dans la vision de Yad Vachem sur les événements de cette période, et bien que la présence du rav Lau à sa présidence l’ait quelque peu calmée, ce genre de nomination de non-Juifs a sa valeur propre, ne serait-ce qu’à titre de reconnaissance de la part du peuple juif. Ces gens ont sauvé nos vies. Combien chaque cas mérite une mention et un acte de remerciement – et combien savons-nous, même de nos jours, que ce genre de personnes sont rares…

Voici deux ans, par exemple, le Dr. Mou’hamad Halmi a reçu une décoration de reconnaissance du même ordre : jeune égyptien, il s’est rendu à Berlin et y a appris la médecine. Il a commencé à travailler, mais s’est vu renvoyé en 1937. Il a perdu le droit de servir le public, n’étant pas d’ascendance aryenne. Il a même été jeté en prison parmi d’autres citoyens d’origine égyptienne en 1939, mais on l’a libéré au bout d’un an pour des raisons de santé. Il a œuvré durant la guerre à sauver des Juifs, en particulier une jeune femme du nom de Anne Gutmann, ainsi que sa mère, son beau-père et sa grand-mère, en les abritant dans une cabane de sa propriété, et en les défendant face à la police.

« La plupart de ces gens étaient des gens normaux… Des gens simples, se sentant concernés par le sort des autres. Souvent, ils ne songeaient pas à devenir des héros salvateurs, et n’auraient jamais pensé arriver à prendre de telles décisions, lit-on dans les explications de Yad Vachem sur ces non-Juifs. Des gens comme tout le monde, dont les sentiments envers autrui doivent servir d’exemple. »
De quoi rétablir quelque peu l’équilibre dans nos sentiments envers le monde qui nous entoure. Mais combien sont-ils arrivés à de telles conduites ? ●4

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