Samuel Paty un an après

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Richard Prasquier – Desinfos

Samuel Paty a été décapité le 16 octobre 2020. L’émotion dans le pays fut considérable. Cet assassinat, même le plus baroque des juges d’instruction n’aurait pu le qualifier autrement que d’attentat terroriste islamiste. Une fois encore nous avons cru en un sursaut salvateur. Une fois encore, un an plus tard, le constat est pour le moins mitigé.
L’assassin, ce jeune tchétchène arrivé en France à l’âge de six ans, a été présenté comme un loup solitaire, violent et radicalisé, au désespoir de ses parents, de braves gens qui avaient fui leur pays et obtenu le statut de réfugiés.

Certes, on pouvait être intrigué par les éloges que l’assassin avait reçus quand il a été enterré en grande pompe dans son village natal, mais la vraie surprise est venue cette semaine. La famille a quitté la France et le père s’est exprimé dans un réseau salafiste : il a glorifié son fils, vengeur des humiliations de l’Islam…. Bravo pour la perspicacité de nos services….

Il y a aussi dans cette affaire une jeune fille qui ment pour cacher sa fugue, son père qui appelle à la vengeance et enflamme les réseaux sociaux, aidé par un imam, Abdelhakim Sefrioui, dont j’avais pu juger de l’extrême nocivité quand je présidais le Crif, il y a une dizaine d’années, et qui a depuis continué sa tranquille carrière de propagateur de haine. Il y a des jeunes collégiens qui dénoncent leur prof par appât du gain. L’enquête suit son cours….

Et il y a Samuel Paty.

On a appris que Samuel Paty était un professeur admirable, qu’il préparait ses cours avec le plus grand soin, et que son choix d’une caricature agressive n’était destiné qu’à provoquer une discussion sur la liberté d’expression et ses limites. Au demeurant, ladite caricature déjà ancienne n’avait pas visé à se moquer du « prophète » mais d’un navet hollywoodien anti-musulman. Mais dans le monde des fanatiques, les nuances, le second degré et l’humour n’ont pas résidence.

Il y a un an, 87% des Français estimaient que la laïcité était en danger.

Mais de quelle laïcité parle-t-on ? Les plus jeunes sont nombreux à penser, à tort, que la laïcité doit être avant tout respectueuse des sentiments religieux. C’est ce qu’ont dit Justin Trudeau, premier Ministre canadien ou l’ancien professeur d’histoire Alexis Corbière, de la France Insoumise, jamais en retard d’une complaisance envers l’islamisme.
Autrement dit ce qui était arrivé à Samuel Paty était déplorable, mais il avait commis une erreur : c’est d’ailleurs ce qu’avait conclu l’inspecteur d’Académie appelé à la suite de la plainte déposée par le parent d’élève, qui troublait beaucoup la direction de l’école. Elle avait obtenu de Samuel Paty qu’il reconnaisse cette erreur. Mais quand lui-même déposa une plainte, il décrivit le détail des mesures très soigneuses qu’il avait prises dans son cours pour que la laïcité soit respectée et que chaque élève le soit également. Il n’avait commis aucune erreur.

C’est une curieuse idée pour l’école publique que d’humilier l’autorité d’un professeur pour faire droit à la soi-disante dignité d’une élève. Une élève qui en l’occurence n’avait même pas assisté au cours !

Aujourd’hui, sur le fondement du respect, Shakespeare et les chefs d’oeuvre littéraires sont dans certaines universités anglo-saxonnes estampillés suivant leur acceptabilité par les différents groupes, ethnies, religions et genres des étudiants. Nul doute que dans notre pays, bien que Molière y ait écrit l’immortel Tartuffe, certains veuillent suivre cette route.
Faudra—t-il aussi enseigner une science à la carte, sans Darwin, sans astrophysique, sans géologie parce que cela choquerait les sentiments religieux de certains élèves ?
Ne parlons même pas de la sexualité ou de l’histoire de la Shoah.

Suivant l’inspecteur Jean Pierre Obin, un enseignant sur deux déclare -déclare !- s’être autocensuré par crainte d’incidents d’origine religieuse. Les chiffres s’élèvent à 78% chez les enseignants de moins de 30 ans. Depuis l’attentat, ils ont augmenté de douze points en un an. Le combat pour la laïcité dont parlait avec emphase le président Macron l’an dernier n’a pas bien commencé. Je doute qu’il suffise de formations, de directives, de modules, de toute cette paperasserie dont l’obèse machinerie de l’Education Nationale est friande pour gagner cette lutte essentielle.

L’échec éducatif, l’échec majeur peut-être de ces quarante dernières années, ne se limite pas à l’enseignement de la laïcité, un mot que je n’ai jamais entendu dans mon lycée tant sa pratique était naturelle. Cet échec est malheureusement global et massif. Il est aisé d’en accuser les enseignants, la philosophe éducative, les syndicats tout puissants et la nonchalance des ministres. C’est en réalité aussi notre responsabilité que de ne pas avoir attaché assez d’importance à ce qui commandait l’avenir du pays à long terme et assurait la bonne capacité intégrative de notre creuset social.

La tête de Samuel Paty continue de nous hanter.

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