Shoah: expérience d’enfant caché

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Boris Cyrulnik, un ancien enfant juif caché

Le psychiâtre Boris CYRULNIK raconte, dans une interview, son expérience d’enfant caché.

Boris Cyrulnik naît à Bordeaux le 26 juillet 1937, peu après l’arrivée en France de son père russo-ukrainien et de sa mère polonaise. Issu d’une famille d’immigrés juifs, il est protégé des Nazis par ses parents qui le mettent en pension en 1942. Confié par la suite à une institutrice bordelaise, il est attrapé lors d’une rafle en 1944. Il parvient toutefois à échapper au pire et survit sous l’aile d’un réseau de résistants en se faisant passer pour un jeune garçon de ferme du nom de Jean Laborde jusqu’à la Libération. Ses parents n’ayant pas survécu à la déportation, il est recueilli et élevé par sa tante Dora à la fin de la guerre.

” …C’est le port imposé de l’étoile jaune qui a métamorphosé le comportement des Français. …Il y a une stupeur qui a provoqué une solidarité française protégeant de nombreux Juifs, plus en tout cas qu’ailleurs. C’est pour ça qu’en FRANCE il y a eu entre 40000 et 60000 enfants cachés. Or ces enfants étaient cachés par des chrétiens, et eux-mêmes se cachaient d’être juifs. C’est ce qui m’est arrivé. Je voulais porter mon vrai nom, mais je ne le pouvais pas. Les gens qui risquaient leur vie en me cachant, en me protégeant, avec qui j’ai tissé un lien d’attachement, me disaient : « Si tu dis ton nom, tu mourras et ceux qui t’aiment mourront à cause de toi ». Ils avaient raison. Quand on me disait ça, je pensais: si tu veux vivre, il faut que je m’appelle Jean LABORDE et que je cache mes origines. je ne sais pas ce que c’est d’être juif, mais je sais ce que c’est d’être condamné à mort. Je ne sais même pas ce que c’est une religion, mais je sais que ça condamne. Donc il suffit que je me taise pour que je sois autorisé à vivre. j’avais 6 ans et demi quand j’ai été arrêté et j’ai dû ma cacher jusqu’à la libération. Donc il y avait un facteur – le silence – qui était une amputation de la représentation de moi, qui était aussi une trahison vis-à-vis de mes parents. j’avais compris que je ne pouvais pas porter leur nom; j’étais un traître, mais si je voulais vivre il fallait que je trahisse. Après la guerre, les enfants cachés ont enfoui la honte au fond d’eux-mêmes. Ils ont dû cacher qu’ils avaient été cachés afin de vivre dans le déni ; c’est donc en cachette qu’ils ont aimé leurs parents disparus.

  A la Libération, comme tous les enfants, j’ai voulu raconter mon histoire. Les gens éclataient de rire ou ne me croyaient pas. Tout le monde m’a fait taire. Parce que c’était impensable, parce que la culture du moment ne l’avait pas élaboré, parce que de GAULLE avait fait sans doute une politique nécessaire de déni pour construire une réconciliation nationale.”

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