Syrie : l’escadron de la mort

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Par Francis MORITZ – Benilouche 

      A l’heure actuelle, tous les projecteurs sont braqués sur le conflit qui se déroule en Ukraine. Tous les médias du monde occidental avant tout, sont d’autant plus sensibles qu’il se déroule à la frontière orientale de l’Europe. Quel dirigeant, quel media n’a pas encore évoqué les crimes de guerre qui s’y produisent ? Dans le même temps, la guerre fait rage en Syrie depuis onze années au cours desquelles d’innombrables atrocités ont été commises par toutes les parties au conflit qui a déjà provoqué 400.000 victimes, pendant que dans la même période, celui du Donbass a causé plus de 15.000 morts. Mais la Commission des Droits de l’homme onusienne s’en prend en permanence à Israël qu’elle accuse de crimes de guerre. Il doit y avoir deux poids et deux mesures qui échappent au rédacteur.

Peut-être que l’enregistrement de l’horrible massacre de Tadamon, sous le contrôle du gouvernement syrien, viendra-t-il remettre les esprits en place. L’ONU serait bien inspirée de traiter les crimes de guerre là où ils sont commis et cesser de s’en prendre au seul État démocratique du Moyen Orient qui n’exécute pas ses citoyens.

Comment la vidéo de six minutes d’un massacre horrible commis par les sbires d’Assad, mais qui ne devait jamais être rendue publique, a mis en lumière la barbarie du régime. Comme des centaines de familles syriennes, les S… ont regardé cette vidéo dans l’espoir d’en savoir plus sur leur fils.

A Damas, le 14 avril 2013, de bon matin, W… S…. quitte la maison familiale. Pour le compte du gouvernement, il doit livrer de la farine à une boulangerie d’État du quartier Tadamon, au sud de la ville. Mais ce qui devait être une journée ordinaire, tourne au drame. Le jeune livreur de 34 ans ne reviendra pas.

        Pendant neuf ans, sa famille, a cru que leur fils W… avait été arrêté puis emmené dans l’une des prisons du régime. Par la vidéo divulguée du massacre, ils découvrent la terrible vérité. Un homme les yeux bandés, les mains liées derrière le dos, vêtu d’un T-shirt blanc et d’un jean est conduit dans une ruelle déserte, vers une fosse où gisent de nombreux cadavres. «Seul mon père l’a d’abord reconnu», raconte la sœur de W…. «Mon frère avait l’air si différent, ils l’ont battu». Mais le père reconnaît son fils. Le jeune homme est conduit vers la fosse dans laquelle on le fait sauter. Il est abattu alors qu’il tombe. «C’est comme un cauchemar», dit sa sœur, «Comment puis-je accepter le fait que l’être humain abattu soit mon frère ?»

          Fin avril 2022, la vidéo désormais tristement célèbre du massacre de Tadamon a été rendue publique par un transfuge syrien. Ce qu’on y voit est insupportable. En quelques minutes, deux hommes en uniforme tuent 41 civils, toujours selon le même mode opératoire. L’un des deux extrait un civil aux yeux bandés d’une camionnette blanche et le conduit vers une grande fosse où des cadavres sont entassés à côté de nombreux pneus de voiture. Là, il est poussé et abattu. Après cet assassinat, les cadavres sont aspergés de kérosène et brûlés. Cette macabre mise en scène dépasse de très loin les pires films d’horreur. C’est insoutenable, hors toute humanité.

Peut-être parce que les hommes aiment visiblement leur «travail». Ils sont expérimentés, ils tuent en plein jour, ils prennent leur temps. A plusieurs reprises, ils pratiquent un jeu cruel avec leurs victimes : ils prétendent que cette partie de la rue est menacée par des snipers. Alors la victime court les yeux bandés, tombe dans la fosse. Avant qu’elle ne puisse réaliser où elle se trouve, elle est abattue.

      Ces assassins, qui se sentent visiblement intouchables, enregistrent leurs crimes. Ils filment au grand jour, en haute définition. Ils sont décontractés, prennent leur temps, et blaguent devant la caméra. On pense à la Shoah par balle de l’Ukraine de la IIe guerre mondiale, au chasseur de sanglier qui pose pour la postérité, fier de son résultat et qui exhibe ses trophées. Peut-être s’agissait-il de montrer au grand chef qu’on avait été zélé et efficace. Une chose est sûre : la vidéo ne devait pas être rendue publique.

        Ugur Ungör, chercheur à l’Institut néerlandais de recherche sur la Shoah et le génocide (NIOD), est l’un des premiers à recevoir une copie de la vidéo en 2019. Avec son collègue Annsar Shahoud, il a découvert que les auteurs présumés de la vidéo travaillaient pour le président syrien Bashar el-Assad et Feu Najib al-Halabi, membre d’une milice proche du régime.

L’homme au chapeau travaille pour Assad. Plus directement lié à Assad, l’autre homme de la vidéo, Amjad Youssef, est clairement identifiable à son bob. Il est – toujours – officier du service de renseignement militaire. Une image de la vidéo montre un prisonnier aux yeux bandés poussé par un agent syrien.

«Les deux dernières années ont été un enfer pour nous aussi», a déclaré Uğur Ungör. «Imaginez : vous êtes au courant d’un terrible massacre. Vous devez regarder cette vidéo encore et encore, mais personne d’autre ne peut le savoir». Ce n’est pas une recherche ordinaire. Les deux universitaires voulaient traquer les responsables et faire ce que peu d’autres ont réussi dans le conflit qui dure depuis des décennies : utiliser la vidéo pour prouver que l’État syrien est directement et irréfutablement lié à certaines des pires atrocités de la guerre. Pour ce faire, les chercheurs se sont transformés en véritables détectives, avec Shahoud, qui est né en Syrie.

Anna Ch. était une jeune femme alévie de Homs, fervente partisane du président Assad, lui aussi alévi. Le Guardian et ARD ont beaucoup rapporté sur la façon dont Anna Sh. a échangé des idées avec des centaines de responsables du régime d’Assad pendant deux ans et gagné leur confiance. Un jour de mars 2021, elle tombe sur le profil d’Amjad Youssef, l’homme de la vidéo, coiffé d’un bob avec qui Anna Ch. devient «amie». Ils sont régulièrement en contact téléphonique, pendant que le chercheur Ungör écoute en parallèle.

Amjad Youssef se sentait seul et se plaignait de la pression qu’il subissait. Avec Anna Sh. il a trouvé une oreille attentive. Il a cependant fallu des mois avant qu’il ne fasse des aveux : «J’ai beaucoup tué», dit-il. Les deux chercheurs avaient atteint leur objectif.

Shahoud et Ungör ont transmis leurs dossiers aux justices néerlandaise et allemande. Ils ont également partagé leurs découvertes sur les réseaux sociaux. Ce qui précède démontre que l’Iran est un soutien sans faille du terrorisme d’État qu’il pratique lui-même. Malgré les restrictions de la Russie sur les raids israéliens, on comprendra que l’État hébreu ne peut compter que sur lui-même. La France a demandé la levée des sanctions contre l’Iran en vue d’une réouverture du marché iranien et de son approvisionnement en pétrole. La bonne entente de façade ne doit pas masquer la dure réalité bien connue, les États n’ont pas d’amis mais uniquement des intérêts.

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