La terrible histoire d’Andrew Brunson, le pasteur américain, prisonnier d’Erdogan

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Comment un pasteur américain, accusé de terrorisme, est devenu un pion dans les relations entre Washington et Ankara.

Le 7 octobre 2016, Andrew Brunson et son épouse, Norine, sont convoqués dans un poste de police de quartier à Izmir (ex-Smyrne), en Turquie. À ce moment précis, rien ne semble devoir les inquiéter dans cette convocation. Le couple, originaire de Caroline du Nord, vit en effet depuis vingt-trois ans dans la troisième plus grande ville de Turquie, où Andrew exerce les fonctions de pasteur de l’Église de la Résurrection d’Izmir, une petite congrégation protestante de 25 membres environ. Les Brunson ont élevé trois enfants en Turquie et ont demandé, auprès des autorités turques, l’octroi d’un titre de séjour permanent. Ils se rendent donc de leur plein gré au poste de police, où ils pensent qu’il va enfin le leur être délivré.

Mais au lieu de cela, Andrew et Norine sont placés en détention et accusés d’activités prosélytes « présentant une menace contre la sécurité nationale » et se voient informer qu’ils vont être expulsés. Norine est relâchée le 9 octobre et, à ce jour, est toujours autorisée à vivre en Turquie, mais, plus de six mois plus tard, Andrew demeure sous les verrous. Le 11 décembre, il a été déplacé dans un centre antiterroriste et est désormais accusé de « faire partie d’une organisation terroriste armée ». Un juge a ordonné son incarcération plutôt que son expulsion. « Nous sommes sous le choc, m’a confié Beth Herman, la sœur d’Andrew Brunson. Il a vécu là-bas paisiblement pendant tant d’années que nous n’avons honnêtement rien vu venir.»

État d’urgence

Sept mois plus tard, Beth Herman, Norine Brunson et le reste des amis et parents d’Andrew Brunson ne comprennent toujours pas ce qui se passe. « Son dossier est verrouillé en raison de l’état d’urgence en Turquie », a déclaré CeCe Heil, un avocat de l’American Center for Law and Justice, qui assure la défense de la famille Brunson. « Nous n’avons pas beaucoup d’informations. Il n’y a aucune preuve. Nous en sommes réduits aux conjectures. »

Les médias locaux et les représentants américains qui s’intéressent à ce sujet affirment que Brunson serait accusé de faire partie de ce que le gouvernement turc appelle l’Organisation terroriste de Fethullah Gulen (FETÖ). C’est le nom que le gouvernement turc a donné aux partisans de Gulen, un Turc vivant aux États-Unis et que la Turquie accuse d’avoir fomenté le coup d’État raté contre le président Recep Tayyip Erdogan en juillet dernier (Gulen est cet homme que l’ancien conseiller de Donald Trump à la Sécurité Nationale, Michael Flynn, aurait envisagé de chasser illégalement du territoire américain pour complaire à Erdogan.)

Pour l’instant, il n’existe aucune preuve d’un lien quelconque entre Brunson et Gulen. Norine, qui n’a pas souhaité donner suite à nos demandes d’interview, a été autorisée à rendre périodiquement visite à son mari en prison ; jusqu’au mois de mars dernier, ils avaient obligation de se parler en turc, afin que leurs conversations puissent être suivies par les gardiens.

« Nous avons demandé au Seigneur une libération pour le mois de mai »

Elle a créé une page Facebook qu’elle alimente régulièrement, sur laquelle elle donne des informations sur la situation judiciaire et pénale d’Andrew. Le 28 décembre dernier, elle écrivait ainsi que son mari n’était « pas détenu avec des personnes violentes. Il se trouve dans une cellule avec 11 musulmans très pieux, la pièce retentit donc constamment de prière, mais ces gens ne sont pas violents et Andrew n’est pas en danger avec eux ». Le 8 avril 2017, elle écrivait malgré tout que les compagnons de cellule d’Andrew « sont très préoccupés par toutes les différences (culture, langue, religion; etc.) Il est très seul ».

Norine utilise également Facebook pour demander à ceux qui soutiennent son mari de prier pour sa libération, mais aussi pour demander des dons afin de payer le loyer de leur église à Izmir. Fin janvier, elle écrivait: «Andrew ne dort pas bien et pas beaucoup. Il se réveille très souvent dans la nuit, et enchaîne les cauchemars.» Le 24 avril, elle décrivait avec un brin d’optimisme une rencontre entre des membres de sa famille et des représentants de Washington et ajoutait «J’ai vu Andrew aujourd’hui et il demande plus de prières et de grâce». Son avant dernier message est le suivant:

«Nous avons demandé au Seigneur une libération pour le mois de mai, car nous avons de nombreux évènements familiaux qui s’annoncent en juin et juillet. Andrew a déjà manqué Thanksgiving, Noël et des anniversaires.

Assez!

Le Président Erdogan doit se rendre aux États-Unis la semaine prochaine. Priez pour que le Seigneur profite de cette occasion!»

50.000 personnes arrêtées

La situation de Brunson est inhabituelle car il est un citoyen américain, mais les circonstances de son arrestation sont hélas monnaie courante en Turquie actuelle. On estimait fin avril que plus de 50.000 personnes avaient été arrêtées depuis la tentative de coup d’État de juillet, une tentative attribuée à des Gulenistes. Encore plus nombreux sont ceux qui ont été arrêtés pour être interrogés. Tout cela a été perçu assez largement comme une tentative de museler l’opposition avant le référendum du 16 avril dernier, qui a vu les électeurs turcs approuver les amendements à la constitution qui étendent l’autorité présidentielle d’Erdogan –mais depuis le vote, les autorités n’ont pas vraiment ralenti le rythme. Rien qu’au cours du dernier mois, plus d’un millier de personnes ont été arrêtés dans des opérations anti-Gulen.

Brunson et des milliers d’autres peuvent bien croupir dans des prisons turques, mais la personne qu’Erdogan veut vraiment voir en prison, c’est Gulen, un vieil Imam de 76 ans, qui a quitté la Turquie en 1999 et vit désormais reclus à Saylorsburg, en Pennsylvanie. Gulen est le chef spirituel d’un mouvement global constitué de fidèles très dévoués. Sa tambouille théologique est un mélange d’Islam et de nationalisme turc, et incorpore également des éléments de science moderne et de capitalisme.

Le mouvement de Gulen a été un temps l’allié de l’AKP d’Erdogan, mais les relations se sont tendues il y a cinq ou six ans de cela; en 2015, le gouvernement a choisi de considérer le mouvement comme un mouvement terroriste qu’il a baptisé FETÖ. Les partisans de Gulen nient farouchement être terroristes et nient même être une organisation – et se présentent comme un simple réseau, sans réelle coordination, de personnes qui croient aux enseignements de Gulen. Ils nient également constituer le moindre mouvement politique, même si de nombreux adeptes de Gulen font effectivement de la politique. Mais ce qu’ils ne semblent pas être, c’est la sorte d’État parallèle qui tenterait de prendre le pouvoir en Turquie, comme le décrit Erdogan.

La menace fantôme

Si le président turc n’est pas allé jusqu’à accuser les États-Unis d’avoir soutenu le coup d’État de 2016, certains des plus hauts représentants du gouvernement ne s’en sont pas privé. Le gouvernement turc a régulièrement demandé l’extradition de Gulen, et aurait même fait parvenir au gouvernement américains 80 cartons d’archives contenant des preuves que Gulen était bien derrière la tentative de coup d’État, mais les États-Unis n’ont entamé aucune démarche d’expulsion pour le moment. Même si le gouvernement américain était convaincu par les arguments turcs, n’oublions pas que Gulen est résident permanent aux États-Unis et qu’une cour de justice doit donc approuver son expulsion – une procédure qui pourrait durer des années.

La plupart des observateurs étrangers font part de leur scepticisme quant à une éventuelle implication de Gulen dans le coup d’État. Un rapport du Parlement britannique publié en mars a conclu que «s’il existe des preuves de l’implication personnelles de quelques fidèles de Gulen, il est peu probable qu’ils aient été les seuls impliqués dans cette tentative de coup d’État». Ce même rapport conteste par ailleurs le fait que «la sévérité des mesures entreprises par le gouvernement turc après la tentative de coup d’État soit justifiée par l’importance de la menace».

Les preuves contre Brunson n’ont toujours pas été rendues publiques, mais il est pour le moins douteux qu’un chrétien évangéliste américain soit membre d’une organisation religieuse musulmane. Les accusations contre Brunson auraient à voir avec le témoignage d’une personne dont l’identité n’a pas été révélée, même si les versions qui rapportent la teneur de son témoignage varient. Dans une des versions, Brunson aurait participé à une réunion des partisans de Gulen. Dans une autre, il aurait évoqué de manière positive les relations entre les chrétiens et le mouvement.

«Il n’existe aucune relation entre Brunson et l’organisation de Fethullah Gulen», maintient Ihsan Ozbek, président de l’Association des Églises Protestantes en Turquie. «Brunson est un pasteur et a été pasteur pendant 23 ans sans le moindre problème, continue Heil, l’avocat du Centre Américain pour la Loi et la Justice (ACLJ). Il n’a aucun lien avec la moindre organisation terroriste. Connaissons-nous les liens que peuvent entretenir chacune des personne qui a franchi le pas de sa porte? Je ne le crois pas.»

Cibles élargies

Des gens ont été accusés d’être même du FETÖ à partir d’éléments on ne peut plus anecdotiques, comme la possession d’un compte en banque dans la banque Asya, dirigée par des membres du mouvement, parce qu’ils étaient abonnés à la revue guleniste Zaman ou bien parce qu’ils possédaient des billets américains de 1 dollar dont le numéro de série commençait par F (que le gouvernement turc considère comme des signes de reconnaissance au sein du mouvement).

Brunson n’est pas le seul Chrétien américain à avoir été arrêté lors des rafles qui ont suivi la tentative de coup d’État. Le 8 octobre, le lendemain de l’arrestation de Brunson, Ryan Keating [sans lien avec l’auteur de cet article, ndlr], étudiant en doctorat et qui dirige une congrégation à Ankara, a été informé alors qu’il s’apprêtait à partir pour une visite d’une semaine à Londres que sa carte de résident venait d’être annulée pour «raison de sécurité nationale». À son retour en Turquie une semaine plus tard, il a été arrêté à l’aéroport d’Istanbul et détenu toute la nuit avant d’être expulsé vers Londres le lendemain matin.

Me parlant depuis Chypre, où lu et sa famille ont désormais trouvé refuge, Keating m’a dit:

«Au cours des semaines qui ont suivi la tentative de coup d’État, le gouvernement a tenté de purger le pays de toute influence liée de près ou de loin à Gulen, et en a également profité pour débarrasser le pays de toute personne considérée comme adversaire du gouvernement. Ils ont ratissé tellement large que quelques personnes n’ayant rien à voir là-dedans se sont faites prendre.»

Une drôle d’accusation

Les premiers mois de détention de Brunson ont par ailleurs coïncidé avec la période de transition présidentielle aux États-Unis, ce qui explique sans doute pourquoi cette affaire n’a pas vraiment fait la une des journaux en Amérique. Depuis lors, le vice-président Mike Pence a évoqué l’affaire Brunson et a même déclaré avoir eu l’occasion d’en parler avec des responsables turcs. Le sénateur James Lankford, de l’Oklahoma, s’est également particulièrement intéressé au cas de Brunson depuis qu’il a entendu parler de lui devant la Commission sur le renseignement d’octobre 2016. En novembre, il s’est rendu en Turquie et y a rencontré le ministre de la Justice.

«Ils n’ont pas pu me donner la moindre indication sur ce dont il est accusé», m’a dit Lankford, mais il a ajouté que lors de ses rencontres au ministère, on lui a dit que des témoins affirmaient que Brunson avait des liens avec Gulen ou bien avec des groupes de Kurdes dans le cadre de ses actions d’accueil des réfugiés. (Des témoignages pour le moins contradictoires: le mouvement Gulen est en effet plutôt traditionnellement antikurde, mais ça n’est pas comme si le reste de cette affaire avait un quelconque sens de toute façon.)

«Voilà donc un pasteur chrétien accusé d’avoir assisté à la conférence d’un mystique musulman. Ca ne colle pas vraiment. Laissez-moi vous dire mon scepticisme», m’a déclaré Lankford.

«Je demande à l’administration Trump de se battre pour moi»

À la fin du mois de mars 2017, le secrétaire d’État Rex Tillerson s’est rendu en Turquie et y a rencontré des représentants du gouvernement, dont Erdogan. Il a également rencontré Norine Brunson, qui a écrit sur Facebook : «J’ai pu m’entretenir vingt minutes avec le secrétaire d’État Tillerson. Je ne sais pas ce qu’il va en sortir, au vu de la période tendue que traversé la Turquie, mais je le remercie de m’avoir reçue.»

Le porte-parole du Département d’État n’a pas confirmé l’évocation du cas Brunson par Tillerson durant ses conversations avec les représentants turcs. Mais la visite de Tillerson a eu au moins un effet: pendant son séjour, des représentants de l’ambassade américaine ont pu rencontrer Brunson et publié une déclaration adressée au président Trump:

«Je demande à mon gouvernement –à l’administration Trump– de se battre pour moi. Je demande au Département d’État d’imposer des sanctions. J’en appelle au président Trump: s’il vous plait, aidez-moi. Faites savoir au gouvernement turc que vous ne coopérerez avec lui sur aucun sujet tant qu’il ne m’aura pas libéré. Ne me laissez pas ici, en prison.»

Mahir Zeynalov, journaliste turc en exil, qui a travaillé pour le journal Zaman, affilié au mouvement Gulen, et qui vit désormais à Washington, ma dit qu’il trouvait «très décevant» de constater que les États-Unis n’avaient guère mis la pression sur le gouvernement turc pour faire libérer Brunson: «La Turquie est un allié. Ca n’est pas l’Iran. Nous combattons côte à côte. Comment peut-on détenir un pasteur américain pendant six mois, sans le moindre début de preuve, et s’est tirer comme ça?»

Persécution politique? Religieuse?

Certains des avocats de Brunson aux États-Unis considèrent qu’ils s’agit là d’un cas criant de persécution religieuse – un pasteur chrétien pris pour cible dans un pays majoritairement musulman. Si cela peut en partie expliquer la situation, les raisons qui expliquent la poursuite de sa détention ont sans doute davantage à voir avec l’état actuel des relations entre la Turquie et les États-Unis.

Interrogé par un groupe de journalistes américains sur le cas Brunson au mois de mars dernier, le Premier ministre Binali Yildirim, un allié fidèle d’Erdogan, a déclaré que son gouvernement ferait de son mieux pour accélérer la tenue d’un procès mais que «les affaires juridiques ne sont pas de son ressort», soit une réponse qui correspondait presque mot pour mot à la justification du refus de l’administration américaine de remettre Gulen aux autorités turques. Yildrim est alors passé sur un autre sujet et a parlé de l’extradition de Gulen et de la tentative de coup d’État:

«Je ne fais naturellement pas de lien entre ces deux affaires, mais cet incident, pourtant très grave, n’a pas été pris au sérieux par l’administration Obama. Ils ont joué la montre, et pourtant des centaines de personnes ont été tuées et des milliers ont été blessée lors du coup d’État.»

«Il m’est évidemment apparu que pour lui, les deux choses étaient bien liées, m’a dit Todd Nelson, du groupe Voice of the Martyrs, qui se bat pour les Chrétiens emprisonnés. Personne ne l’a dit publiquement, mais avec la réponse du Premier ministre, on peut tout de même se demander si, dans l’esprit des membres du gouvernement turc, il n’y aurait pas un lien entre les deux affaires.» Heil s’est également demandé si Brunson n’était pas tout simplement l’otage de Gulen.

Zeynalov, le journaliste en exil, est plus sceptique: «Nous parlons d’un simple pasteur et, en face, d’un homme vraiment très puissant, dit-il. Je sais bien qu’aux États-Unis tous les citoyens sont égaux, mais si les Turcs s’imaginent qu’ils tiennent là une monnaie d’échange, c’est totalement stupide de leur part.»

Lobbying à la Maison-Blanche

Malgré tout, le retour en Turquie de Gulen continue d’être une des priorités du gouvernement Erdogan. Que ces deux affaires soient liées ou pas, le manque de progrès sur la question Gulen pourrait pousser les dirigeants turcs à se montrer moins coopératifs.

Le 8 novembre, le jour même de l’élection de Donald Trump, The Hill a publié une tribune signée par Michael Flynn, alors simple conseiller du candidat et bientôt Conseiller a la Sécurité Nationale du président, dans laquelle ce dernier accusait les médias «d’en faire des tonnes sur la manière dont le gouvernement Erdogan traquait les dissidents sans mettre les choses en perspective». Cette perspective manquante, selon lui, était que la Turquie ne faisait que tenter de se protéger des machinations d’un «réseau terroriste rampant» dirigé par «un mollah islamique agissant dans l’ombre qui réside en Pennsylvanie». Flynn avançait l’idée que les États-Unis pourraient expulser Gulen, et concluait que «si cet homme était un modéré, il ne serait pas en exil, et il ne provoquerait pas l’ire de Recep Tayyip Erdogan et de son gouvernement».

Des mois plus tard, il a été révélé que Flynn avait reçu plus de 500.000 dollars versés par un homme d’affaires turc afin qu’il use de son influence à Washington, pour le compte du gouvernement turc. James Woolsey, ancien directeur de la CIA, a même déclaré avoir assisté à une réunion où Flynn et un groupe de ministres turcs évoquaient une opération secrète visant à «exfiltrer» Gulen hors des États-Unis. «Il est clair que le gouvernement turc était euphorique qund il a appris la victoire de Trump et qu’il a cru que la nouvelle administration se montrerait soucieuse de plaire aux Turcs. Mais de nombreux membres du gouvernement, à commencer par le Premier ministre, sont de plus en plus dépités», dit Zeynalov.

La question kurde

Les États-Unis continuent de soutenir les Kurdes de Syrie, malgré les demandes répétées du gouvernement turc de cesser de leur prêter appui, et l’armée américaine a très fortement critiqué les frappes aériennes récentes de l’aviation turque contre des combattants kurdes. Et la question de Gulen n’a manifestement pas évolué. (Flynn a démissionné en février après la révélation de ses communications avec l’ambassadeur russe.)

Une des choses qui semble avoir basculé en faveur de la Turquie est la nouvelle attitude du président Trump à l’égard de la gouvernance de plus en plus autocratique d’Erdogan. Malgré les arrestations de masse et malgré le fait que le récent référendum a été perçu comme un plébiscite visant à raffermir son emprise sur le pouvoir, Trump a pourtant tenu à appeler Erdogan en avril pour le féliciter, ce qui a provoqué quelques remous.

Après cet appel, Sean Spicer, porte-parole de la Maison-Blanche, s’est vu demander si Trump était au courant de l’affaire Brunson et s’il en avait parlé avec Erdogan. La réponse de Spicer: «Je ne vais pas rentrer dans le détail de ce qu’a dit le président. Nous sommes évidemment au courant de cette affaire. Et nous allons continuer de travailler sur ce sujet avec le Département d’État.»

Selon le compte rendu de la Maison-Blanche de ce coup de fil du mois d’avril, les deux dirigeants auraient discuté «du besoin de coopérer contre tous les groupes qui utilisent le terrorisme pour parvenir à leurs fins». Certes, voilà exactement la manière dont le gouvernement turc décrit le mouvement Gulen –et il se trouve qu’une des personnes accusées d’avoir utilisé le terrorisme en Turquie est un pasteur américain.

Que la justice avance

Le 20 avril dernier, une travailleuse humanitaire américano-égyptienne emprisonnée en Égypte depuis 2014 a été libérée peu de temps après l’entrevue entre Trump et le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi. Interrogé par l’Associated Press pour savoir s’il avait passé un accord avec Sisi pour faire libérer cette femme, qui avait été jetée en prison au plus fort de la vague de répression contre la société civile en 2014, Trump a répondu «Non. Pas d’accord. Il était là. Il… J’ai dit “j’apprécierais vraiment que vous vous penchiez là-dessus et que vous la laissiez sortir.”»

Malgré plusieurs conversations cordiales avec Erdogan, Trump ne semble pourtant pas avoir demandé au président turc de se «pencher» sur le cas Brunson. Des avocats de l’ACLJ ont rencontré Trump et lui ont demandé de parler de l’affaire Bruson avec Erdogan lors de a visite aux États-Unis. J’ai demandé à Drew Bailey, porte-parole au Département d’État, si la position des États-Unis sur la demande turque d’extradition de Gulen avait changé. S’il a répondu à toutes mes autres questions, il n’a pas répondu à celle-là.

Erdogan et Trump ont de nombreux sujets à discuter à Washington: le sujet le plus contentieux est clairement celui de la Syrie, où l’administration Trump a récemment provoqué la colère d’Ankara en décidant d’armer des rebelles kurdes syriens –un autre groupe que la Turquie considère comme une organisation terroriste– et Erdogan va très probablement faire pression sur Trump à propos de Gulen. Les soutiens de Brunson espèrent aussi que cette rencontre entre Erdogan et Trump, et que le droit et la justice vont enfin prévaloir. «Que la vérité et la lumière, le droit et la justice triomphent enfin. Que cessent les calomnies, a écrit récemment Norine sur Facebook. Et pourrions-nous prier ensemble pour que mai soit le mois de la libération?»

Source www.slate.fr

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