Vladimir a réussi là où les Européens avaient échoué

Vladimir a réussi là où les Européens avaient échoué

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À quelque chose malheur est bon. Poutine a réussi ce que les technocrates n’arrivaient pas à faire, unir l’Europe et l’Occident, les pousser à prendre conscience des vrais dangers qui les entourent, à investir dans leur défense. Après le virus chinois qui a fait prendre conscience du danger d’être tributaire d’autres économies qui sont aussi des puissances dangereuses, voilà que l’Occident se réveille après un long sommeil d’illusions généreuses, au nom d’idéologies stupides prônant le multiculturalisme, le multilatéralisme alors que l’on était face à multinationalisme à qui on offrait nos économies et nos emplois. En l’espace de deux années, les idées de gauche qui ont servi à endormir la France et les démocraties molles sont battues en brèche. Et c’est par le réveil des nations que l’unité devient possible.

La guerre de Kiev n’aura pas lieu.

Au 25ème jour de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes du président Poutine, inédite est la rupture qui s’ouvre sous nos yeux. L’équilibre géopolitique du monde est rompu, laissant place à un nouvel ordre international. Inéluctablement, le barycentre du monde se déplace vers l’Est, voire vers l’Asie. Quelle pourrait être la place de l’Union européenne (UE) dans cette nouvelle configuration, dans laquelle elle risquerait fort de céder de son influence à la Chine ? Poutine s’est-il pris à son propre piège, alors que se dessine ce nouvel ordre international ?

Le stratège du Kremlin s’est-il pris à son propre piège ?

Celui dont le prénom Vladimir signifie celui qui dirige le monde, espérait obtenir une victoire fulgurante en Ukraine. Au lieu de cela, il est en passe de réussir un tour de force qui marquera un tournant historique : unifier les Polonais catholiques et les Ukrainiens orthodoxes, faire parler d’une seule voix les 27 membres de l’UE, relancer la défense européenne, réanimer l’Otan et consolider la nation ukrainienne. Le tout, en revêtant les vieux uniformes de l’ancien guébiste, aujourd’hui quelque peu déconnecté, qui gouvernerait contre son peuple, expliquant au monde entier que la nation ukrainienne aurait été inventée par Lénine, là où l’on attendait plutôt Staline et ses théories sur la nation développées dans son ouvrage de référence Le Marxisme et la question nationale. Le tout, en développant la vision, selon laquelle les Russes, à croire que tous les habitants d’origine russe se définiraient comme tels seraient en état de danger imminent en Ukraine. Bref, la représentation de Poutine ce serait en quelque sorte « Good bye Lénine » à la sauce 2022 : confronté au fringant Zelenski hyper connecté et qui manie l’image et les réseaux sociaux à la perfection. L’allégorie est réductrice, car le Président russe s’imagine sans doute être investi d’une mission historique, dans la droite ligne d’Ivan le terrible ou encore de Staline. Dans cette dialectique, s’opposent la dictature à la démocratie, l’Est à l’Ouest, la vieille école à la nouvelle et en Russie la prison – psychologique pour tous, physique pour les résistants – contre la liberté.
Dans cette dichotomie, intégrer l’Ukraine à l’OTAN constituerait le crime originel. D’aucuns n’hésitant pas à remettre en cause l’existence même de l’OTAN, alors que le Pacte de Varsovie a été dissous en 1991. Ainsi a-t-on pu voir sur les plateaux de télévision un ancien conseiller du Président Gorbatchev rappeler que la réunification de l’Allemagne aurait été consentie, contre la garantie de l’intégrité des frontières de l’ex-URSS. L’accord passé entre Gorbatchev et Bush serait aujourd’hui jeté en pâture face aux désirs d’émancipation de la nation ukrainienne quant à l’influence russe. L’ours russe basculerait ainsi dans la guerre, victime de sa propre paranoïa. Pourtant, les négociations liées à la mise en application de cet accord n’auraient pas abouti aux dires de certains observateurs. L’opinion publique russe, quant à elle, est bien loin de soutenir dans son ensemble l’agression du Président Poutine. Ce dernier serait de plus en plus isolé y compris au plan intérieur, en dépit du récit officiel qui justifie l’intervention en Ukraine au motif de ces deux éléments.

Le nouvel ordre international, avec ou sans les Européens ?

Dans ce contexte, le réarmement de l’Allemagne constitue un retournement stratégique pour la présidence française du conseil de l’UE. Le Président Macron qui claironnait naguère son honneur diplomatique d’en assurer la présidence pour 6 mois, est devenu soudain moins martial à l’annonce faite le 27 février 2022 devant le Bundestag par le chancelier allemand Olaf Scholz, selon laquelle 100 milliards d’euros seraient investis dans le réarmement de la Bundeswehr. Et ce n’est certes pas l’atonie du Sommet de Versailles qui risque de raviver le panache diplomatique du Président français. Ce revirement de l’Allemagne sous couvert d’urgence dans sa politique de défense – après les multiples dénégations d’Angela Merkel face à la pression des Etats-Unis et d’autres puissances – fera bien plus que combler le vide laissé par le Royaume-Uni dans l’UE. Un investissement plus conséquent dans le budget de la défense européenne se fait pressant, tandis que la première acquisition de l’Allemagne se tourne vers les F-35 américains. Un dialogue repensé entre la France et l’Allemagne sera nécessaire, afin d’accélérer l’émergence d’une souveraineté européenne dans le cadre d’une gouvernance adaptée aux enjeux, notamment industriels. On pourra noter que dans le domaine de l’énergie, l’Allemagne a retardé la suspension du système d’échange bancaire Swift de sept banques russes, sous la pression, notamment de sa ministre des affaires étrangères qui craignait une pénurie de charbon. Toutefois, ni Gazprom, ni Sberbank ne sont pour le moment concernés par cette exclusion.
Chine, Inde et nombre de pays africains, se sont abstenus lors de la résolution à l’ONU du 2 mars 2022 condamnant l’intervention russe en Ukraine. Comment comprendre cette abstention, sinon par la volonté de ne pas rompre des liens tissés d’intérêts réciproques ? Même avec Taïwan en ligne de mire, il eut été difficile à la Chine de soutenir ouvertement la Russie, alors que les Etats-Unis affirment leur soutien à l’île. Face aux Nouvelles Routes de la Soie, l’UE a imaginé le projet d’infrastructure Global Gateway faisant bonne figure en termes de dotation financière, mais en étant dépourvue de contre-récit audible. L’UE doit se doter d’une politique solide de défense commune, afin de donner corps à un récit orienté vers les valeurs de respect des libertés individuelles et de la démocratie libre et ouverte. Telle est la conviction qui pourrait présider à la mise en œuvre d’une gouvernance appropriée à cette ambition. Cette action légitimerait un récit conforme aux valeurs communes européennes, libéré – enfin – des oripeaux du passé, ouvert vers un avenir mondial déjà suffisamment assombri pour ne plus avoir à convoquer un conflit généralisé.
A l’instar de la description de la situation du monde à la veille de la deuxième guerre mondiale par Jean Giraudoux dans sa pièce La guerre de Troie n’aura pas lieu, de fortes tensions traversent notre monde, mettant en péril son équilibre. La guerre de l’information ne serait-elle pas en passe d’incarner le troisième conflit mondial ? Malgré cela, après 2 ans d’épidémie de Covid-19, le monde aspire à la paix. Si d’aventure, l’UE ne parvenait pas à assumer la responsabilité qui est la sienne en cette périlleuse époque, elle perdrait sans doute sa dernière chance de trouver une influence dans la marche du monde. Garantir la paix sur le continent européen est pourtant au fondement même de cette Union.
Pauline Gavrilov et François Dudeck
JForum

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