Un cheveu sur la langue…

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Dans les parachioth Tazria-Metsora, la Tora décrit en détail le processus de purification de celui qui est frappé de tsara’at – cette maladie spirituelle provoquée, entre autres, par le lachon hara’ (la médisance). Parmi les étapes prescrites figure une mitsva étonnante : le rasage intégral de tous les poils du corps, y compris la tête, la barbe et même les sourcils (Vayikra 14,9).

Mais pourquoi se raser ainsi de la tête aux pieds ? Quel est le sens caché de cette pratique ?

Le Ben Ich Haï, dans son style unique, pose la question et y répond en s’appuyant sur l’enseignement de la guémara de Baba Batra 16a. Dans un échange entre Hachem et Iyov, il est dit : « Sais-tu que chaque poil de l’homme a son propre orifice ? Si deux poils sortaient du même, cela rendrait l’homme aveugle. »

Chaque cheveu pousse d’une racine bien distincte, et si, par malheur, deux poils venaient à sortir du même orifice, cela provoquerait l’aveuglement.

Cette image est d’une précision magnifique : chaque cheveu, chaque poil est nourri depuis sa propre source. Rien n’est confondu, tout est minutieusement orchestré.

Et pourtant, quand on regarde une chevelure, on a l’impression que tous les cheveux s’emmêlent, qu’ils proviennent tous d’un même endroit, que c’est la pagaille… On ne distingue pas les origines. Et c’est justement là le message : en apparence, tout semble mêlé, confus, mais en réalité, Hachem « S’est pris la tête » pour que chaque cheveu ait sa racine, sa source d’alimentation, unique et précise.

Le metsora, lui, est tombé dans le piège de la peur, de la jalousie, de la méfiance. Il s’est mis à parler sur son prochain, parce qu’il craignait que l’autre ne lui vole sa place, sa réussite, son chidoukh, sa parnassa. Alors il a ouvert sa bouche… croyant bien faire, croyant se défendre.

Mais au fond, tout cela révèle un manque de Emouna et de Bita’hon – un manque de foi et de confiance en Hachem.

C’est pourquoi la Tora lui dit : rase-toi. Enlève cette illusion d’un monde où tout est confondu. Enlève cette apparence où tout semble venir du même endroit. Et là, tu verras – chaque poil, chaque cheveu vient de sa propre racine. Chaque détail est pensé, voulu, planifié par le Maître du monde. Tu crois vraiment qu’Hachem a pris le soin de donner à chaque poil sa racine, et qu’Il t’aurait oublié, toi ?

Dans notre quotidien aussi, on voit souvent une foule de clients, de concurrents, de prétendants, d’opportunités, et on panique : “Je vais rater mon tour”, “Lui va me passer devant”, “Il va me voler le contrat”… Et cette panique nous aveugle, comme le dit la Guemara : si deux poils viennent de la même racine – on devient aveugle. C’est exactement ça : le manque de Bita’hon nous rend aveugles à la vérité.

Mais la réalité, c’est que chacun a sa racine, sa source, son canal de bénédiction. Ton chidoukh ne peut pas t’échapper, ton client ne peut pas être volé, ton appartement t’attend déjà quelque part. Il faut juste ouvrir les yeux, raser les illusions, et voir la main d’Hachem dans chaque détail.

Dans Pirké Avoth (4:1), nos Sages enseignent :« אֵיזֶהוּ עָשִׁיר? הַשָּׂמֵחַ בְּחֶלְקוֹ  .- Qui est riche ? Celui qui est heureux de son sort  « 
À première vue, cette phrase parle de ma part personnelle : être capable d’apprécier ce que j’ai déjà. Même si je n’ai pas tout ce que je veux, si je reconnais ce que j’ai comme un cadeau divin, je suis déjà riche. C’est le premier niveau : la gratitude intérieure.

Mais le mot ‘hélko-son sort peut aller plus loin. Il peut aussi s’entendre comme la part de l’autre, son sort à lui. Être véritablement riche, c’est aussi se réjouir du bonheur des autres. Quand mon ami trouve un bon chidoukh, quand mon voisin réussit un beau projet, quand un collègue achète une belle maison… et que je ressens une joie sincère pour lui, alors je suis riche. Car celui qui est plein n’envie pas. La joie des autres ne diminue rien de la mienne, elle l’enrichit.

Et enfin, il y a une lecture encore plus profonde : « חלקו » peut aussi désigner Celui qui lui donne sa part –מחלק לו – c’est-à-dire Hachem, le Donneur suprême. Être riche, c’est comprendre que tout ce qui m’arrive – le bien comme les épreuves – vient directement de Lui, avec une précision absolue. Si je vis avec cette conscience, alors je cesse de m’inquiéter. Je ne suis plus angoissé par la réussite de l’autre, ni par les opportunités que je pense manquer, parce que je sais que rien ne peut m’échapper si cela m’est destiné.

La mitsva du rasage du metsora, c’est bien plus qu’un acte extérieur. C’est un message profond : rase-toi… de tes doutes, de ta jalousie, de ta panique. Regarde les choses en face. Chaque cheveu est distinct. Chaque bénédiction l’est aussi.

Alors si Hachem S’est soucié pour nos poils, on peut être sûr qu’Il ne nous a pas oubliés. Faisons-Lui confiance. Et surtout : soyons riche, pas de biens… mais de Emouna, de Bita’hon, et d’un cœur heureux du bonheur des autres.

 Retrouvez l’intégrale en PDF sur notre site

https://www.ovdhm.com/le-scoop-de-tazria-metsora/

Mordekhaï Bismuth

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