Par Yedidya Meir
1.
Alors, comment s’est passée votre semaine ? Comment c’est de vivre une période historique ? Vous ressentez les secousses ? C’est émouvant, non ?
Quand je lis des textes sur des périodes historiques de l’État d’Israël, l’une des choses qui m’intriguent le plus, c’est d’essayer de comprendre ce que ressentait la population. En vérité, je n’arrive presque jamais à répondre à cette question.
Car comment apprend-on l’histoire ? Principalement à travers des livres qui décrivent la période, peut-être quelques enregistrements rares ou des archives filmées. Mais tout cela parle surtout de l’état d’esprit des dirigeants, des politiciens, des militaires, parfois même des intellectuels. C’est fascinant, bien sûr.
Je ne dis pas que ça ne me touche pas d’entendre le son du chofar du rav Goren au Kotel, ou le discours des « six millions d’accusateurs » de Gideon Hausner à l’ouverture du procès Eichmann, ou Ben Gourion déclarant la création de l’État d’Israël, etc.
Mais j’aimerais vraiment savoir ce que ressentaient les gens ordinaires à cette époque. Pas les héros, pas les Premiers ministres ni les poètes. Les gens simples. Où ces événements les touchaient-ils dans leur vie personnelle ? Dans leur quotidien ? Pas forcément sur le moment, mais quelques mois plus tard. Un an après. Est-ce que cela les a changés ? A influencé leurs pensées ? Leurs conversations ? Leurs prières ?
Comme je l’ai dit, je n’ai pas de réponse claire à ce genre de questions. Et peut-être est-ce pour cela que je suis un peu en tension ces jours-ci. D’abord à cause des alertes. Ce n’est pas que je ne pense qu’au sens de la vie, mais oui, le retour surprise des règles de la période du Covid – pas de rassemblements pour les prières, fêtes en petits comités, connexion zoom pour l’école – m’a plongé dans des pensées sombres.
Est-ce qu’au final, quand tout cela sera fini, les événements que nous vivons laisseront vraiment une empreinte sur notre quotidien ? Ou bien, comme les mariages en temps de Covid, tout redeviendra comme avant ?
Vous vous souvenez comment on disait, au plus fort de la pandémie, que ces petits mariages nous ramenaient à l’essentiel ? Qu’il n’y aurait plus de mariages tape-à-l’œil, mais des houppoth intimes et joyeuses ? Et puis ? Une minute après la fin de la pandémie, retour aux grandes salles, aux grandes fêtes et aux gros chèques.
Alors peut-être qu’avec cette guerre aussi, ce sera pareil ? Après tous les sacrifices, les miracles, le réveil spirituel historique du peuple juif, est-ce qu’on restera les mêmes ? Juste quelques autocollants effacés avec des photos et des citations de soldats tombés nous rappelleront qu’il y a eu des jours de sens ici ?
Vendredi soir, après l’opération en Iran, j’ai croisé par hasard à Jérusalem Yehoshua Shani, père du capitaine Ori Mordekhaï z’’l, tombé en héros à Kissoufim le 7 octobre. Avec d’autres parents endeuillés du « Forum du Courage » qu’il dirige, et avec Tzvika Mor et des parents d’otages du « Forum de l’Espoir », ils ont influencé le discours public depuis le 7 octobre.
Leurs actions ont contribué à ce qu’Israël ne cède pas prématurément aux terroristes de Gaza, du Liban – et même d’Iran. Les livres d’histoire raconteront comment ces organisations au budget minuscule ont renforcé Netanyahou, ont débordé le gouvernement par la droite, ont résisté à des campagnes de désinformation à coups de centaines de millions, et ont donné un nouvel élan à l’État juif en son heure critique.
« Tu t’es demandé, en fait, quelle est la différence ? », m’a demandé Yehoshua Shani. « Quel est le sens de cet écart incroyable entre l’échec du 7 octobre, avec des milliers de terroristes, certains à vélo, d’autres avec des béquilles, et l’exploit militaire du 13 juin, à des centaines de kilomètres, avec une audace, une sophistication et une réussite que personne ne croyait possible ? »
Bonne question. Pas besoin d’être un parent endeuillé pour se la poser. Mais je suis sûr que ceux qui ont perdu des proches le 7 octobre, ou dont un membre de la famille a été enlevé, se la posent avec encore plus d’intensité. Si nous sommes si performants, comment avons-nous pu tomber si bas à Sim’hath Tora ? Comment l’armée de l’air, absente pendant des heures, se retrouve-t-elle maintenant au-dessus de Téhéran, imparable ?
« À mon avis, la réponse à ce que nous voyons ici », dit Shani, « se trouve dans un seul verset que nous lirons demain matin dans la haftara de Beha’alotekha :
‘Ce n’est ni par la force, ni par la puissance, mais par Mon esprit, dit l’Éternel’.
Le 7 octobre, nous avions la même armée, les mêmes services de renseignement, les mêmes avions, le même Premier ministre… mais nous n’avions pas l’esprit de D’ que nous avons aujourd’hui.
Le peuple juif s’est réveillé à Sim’hath Tora, s’est souvenu de qui il est, et se trouve aujourd’hui dans un tout autre état. Et cela impacte aussi les dirigeants. Les résultats, nous les voyons dans chaque succès depuis, dont le point culminant, pour l’instant, est ce que nous avons vu en Iran cette nuit.
Quand notre conscience est à la bonne place, quand toute une génération dit « j’ai choisi la voie de la foi », quand le peuple déborde de courage, d’espoir et de sainteté, quand des dizaines de milliers de Juifs mettent les tefilinnes, portent les tsitsith, étudient la Tora et renouent avec leur identité – cela donne une force et un esprit à toute la nation, à son armée, à ses dirigeants. ‘Comme un lion’ ! »