Chypre-Israël : « Deux poids, deux mesures : deux États ? »

0
201

L’UE contredit son propre sens interdit

En lisant un titre de la presse européenne le 26 juin 2021, plus d’un lecteur a dû se frotter les yeux. En effet, ce jour-là,

« L’UE a averti qu’elle refusait toute solution à deux États (i24news) ».

Diable ! Le paradigme européen inamovible, le premier commandement, le dogme révélé aurait été effacé pendant la nuit par la cheffe de la diplomatie européenne, Ursula von der Leyen elle-même, et on n’aurait été averti qu’une fois le fait accompli ?

Le 29 mars 2017, en effet, sous le chapô : « L’UE soutient une solution à deux États (Euractiv) », la tenante du titre, qui était alors Federica Mogherini, réaffirmait pour la énième fois la doxa européenne, unique, ferme et définitive depuis 1967.

Von der Leyen aurait-elle fracassé les tables de la Loi devant le veau d’or de Mogherini ? Non. L’explication est moins spectaculaire. Mais ch’est bien chûr : il ne s’agit pas des mêmes pays !

  • D’un côté, il y a Chypre (notre photo), envahi par la Turquie, laquelle exige qu’on applique la jurisprudence ‘Monde c/Israël’, pour couper en deux un pays minuscule, afin qu’elle dispose d’une base locale pour envahir l’autre moitié de l’île.
  • De l’autre, il y a l’État juif que, pour des raisons d’antisémitisme, d’antisionisme, d’antijudaïsme, d’anti-israélisme, quel que soit le nom qu’on lui donne, voire par simple conformisme, tout le monde est d’accord pour haïr et donc pour ne pas lui ficher la paix.

Petit rappel des mœurs terrestres pour nos lecteurs martiens

Depuis toujours, les hommes se battent entre eux pour des territoires. Ils ont commencé à mains nues, puis ils ont fabriqué des armes de plus en plus sophistiquées, jusqu’à la bombe atomique. Premier prototype : 1945, prochaine mise à jour disponible d’ici quelques semaines sur AAA. Ir (acronyme de Ayatollah. Armes. Allah. Iran).

Le scénario humano-guerrier, lui, n’a jamais varié : le groupe le plus fort s’emparait du territoire convoité et le plus faible fuyait, s’il courait assez vite, sinon il restait en esclavage chez le vainqueur. C’était basique, mais clair : le plus fort avait gagné, il décidait de son prix, le plus faible avait perdu, il n’avait d’autre choix que d’obtempérer.

Les événements se déroulaient ainsi du temps de l’homme de Neandertal, puis chez Cro-Magnon et chez Homo Sapiens dans toutes ses différentes versions. Le choix des exemples est pratiquement illimité : Romains, Huns, Francs, Vandales, Burgondes, Alamans, Ostrogoths, Wisigoths, Saxons, Omeyyades, Ottomans, Triple Alliance & Triple Entente, Axe & Alliés, Inde & Pakistan, Iran-Irak, Soudan-Darfour, Israël-Palestine… STOOOOP ! Non, pas Israël-Palestine.

Une exception et une seule de tous temps et parmi tous les peuples

À la fin de la première guerre mondiale, le perdant, à savoir l’Allemagne, a été contraint de signer le Traité de Versailles. Cet accord léonin condamnait le peuple allemand à la misère, puisque pratiquement tout le PIB serait consacré à rembourser les dommages de guerre pendant les années suivantes.

Les conséquences du respect du Traité sur les citoyens allemands ont conduit la populace dans les bras d’Hitler et comptent pour beaucoup dans le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

À la fin de celle-ci, les vainqueurs avaient appris la leçon. Sous la houlette d’Eisenhower, ils se partagèrent les décombres du Reich, déplacèrent des populations entières, mais les Américains, au lieu d’essorer les vaincus, investirent dans le plan Marshall.

En mai dernier, la paix européenne a soufflé ses 76 bougies.

Cette paix avait deux ans, quand un projet de la SDN (le parent n°1 de l’ONU) est venu à complétion.

Il s’agissait de réaliser une promesse datant de 1917 et signée par Lord Balfour, Premier ministre britannique, qui engageait le Royaume-Uni à favoriser la création d’un Foyer national juif sur la Terre ancestrale de ce peuple éparpillé depuis deux mille ans.

Des promesses, des promesses, toujours des promesses…

En 1920, la Couronne d’Angleterre reçut mandat d’administrer cette ex-province de l’Empire ottoman, un territoire de 120 466 km2. Deux ans plus tard, en 1922, elle en a offert 80 % à l’émir Abdallah, en remerciement de son ralliement pendant la grande guerre. Ce détournement de pratiquement 100 000 km2 a consisté de facto à créer l’État arabe de Palestine, mais la tribu hachémite, qui en était bénéficiaire, a préféré le nom de Transjordanie et le monde a fait semblant de croire que la division entre Arabes de Palestine et Juifs restait à effectuer. Sauf qu’il ne restait que 22 000 km2 à partager.

Rebelote, mais jamais Der des Der

En 1947, les Nations Unies décidèrent de diviser la Palestine en deux États, l’un juif et l’autre arabe, la zone de Jérusalem-Bethléem devenant une zone internationale. Les faits sont têtus : les Juifs acceptèrent le partage, Israël existe. Les Arabes le refusèrent, il n’existe toujours pas d’État arabe de Palestine.

Le 14 mai 1948, Israël déclara son indépendance et les Britanniques évacuèrent les lieux. La nuit suivante, cinq armées arabes l’attaquèrent.

En 1949, des armistices furent signés entre Israël et chacun de ses voisins agresseurs, mais aucun traité de paix ne s’ensuivit, car les vaincus exigeaient d’en dicter les termes et toute la « communauté internationale » les soutenait.

C’était une situation inédite dans l’histoire humaine et, si celle-ci se répète (sauf parenthèse Trumpienne) chaque fois qu’Israël essaie de négocier avec un de ses ex-adversaires, elle n’a jamais été reproduite pour… ou plutôt contre aucun autre peuple de la planète.

Hommes exceptionnels pour traités inespérés

Il a fallu des hommes exceptionnels pour arriver à surmonter ce refus universel d’une paix pour le peuple juif : Anouar el-Sadate, l’Égyptien qui a payé de sa vie le premier traité de paix israélo-arabe, Bill Clinton rapprochant Yitshak Rabin d’un côté (même faute, même peine capitale) et le roi Hussein de Jordanie de l’autre, ce dernier, pragmatiquement capable de voir tout le bénéfice que son pays tirerait d’une paix, même froide, avec son voisin et, en 2020, Donald Trump, détesté par la terre entière et considéré comme un demeuré, qui restera pour les siècles à venir, le seul Président américain à avoir fait signer quatre traités de paix.

Veulerie ordinaire au plus haut niveau

On ne va pas reprocher à Mme von der Leyen d’affirmer haut et fort la détermination européenne de défendre le faible chypriote contre l’ogre turc, mais on se demande ce qui se passera s’il faut joindre le geste à la parole. S’agissant de quelqu’une qui a accepté, sans broncher, une insulte diplomatique devant les caméras du monde entier, on se demande combien de secondes elle résistera devant les troupes du calife Erdogan et comment elle justifiera la honteuse déroute européenne.

« Un peuple qui place ses privilèges au-dessus de ses principes perd rapidement les deux »

disait Eisenhower, qui avait la vision aussi longue que le bras.

Pourtant, la position de l’UE est juste : le monde dit civilisé prétend régler ses différends par le biais d’instances internationales, plutôt que les armes à la main. Le problème, un autre homme de la trempe d’Eisenhower, William Inge, l’a bien cerné, en 1915 :

« il est inutile que les moutons adoptent des résolutions en faveur du véganisme, si le loup reste d’un avis différent. »

Il ne faut pas être grand clerc pour s’en apercevoir. Pourtant, l’homme qui a formulé cette évidence n’était pas un stratège militaire, mais un prêtre anglican, doyen de la cathédrale St-Paul, qui fut nominé trois fois pour le prix Nobel de littérature.

Leyen hurle peut-être très fort contre Israël, mais vis-à-vis d’Erdogan, elle s’est montrée mouton, dans sa version Kebab.

Si, justement, c’est pareil !

Amis martiens, sachez-le, quand vous discutez avec un Terrien, si vous lui démontrez qu’il a factuellement tort et qu’au lieu d’en convenir, il vous répond « oui, mais », c’est que le sujet de votre discussion n’est qu’un prétexte.

Exemple : il serait insupportable de couper Chypre en deux États, car cela serait donner une prime à l’agresseur et une récompense à l’état de fait.

Mais de la même manière, il serait inconséquent de couper en deux les 20 % d’Israël que la Grande-Bretagne n’a pas confisqués, pour offrir aux Égyptiens de Gaza et aux Arabes de Cisjordanie un troisième État palestinien, après la Jordanie et Gaza, au seul motif qu’ils ont habité deux ans (1946-1948) dans la patrie où les Juifs avaient créé le seul bassin d’emploi du Moyen-Orient.

« Oui mais c’est pas pareil » entonne le chœur des vierges (qui le sont restées parce que trop hargneuses pour que homme ou bête s’en approchent).

Ben si, c’est exactement pareil : il s’agit diviser le seul État juif du monde, pour ajouter un État musulman supplémentaire aux 581 déjà existants, au motif que depuis 73 ans, les Palestiniens veulent retourner dans la maison qu’un de leurs ancêtres a habitée pendant les deux ans qui ont précédé l’indépendance d’Israël.

Ce serait justifier le retour de tous les Pieds-Noirs dans leur maison en Algérie, celui de tous les Juifs chassés des pays arabes (ça en faisait déjà un million au départ, mais si on ajoute leurs descendants, comme on le fait pour les « réfugiés palestiniens », l’addition sera lourde), celui des Hindous au Pakistan et des musulmans en Inde (10 à 15 millions de personnes, qui n’ont jamais eu le statut de réfugiés)…

Peuple élu ?

Les antijuifs de tout poil évoqués ci-dessus ne supportent pas de considérer l’objet de leur obsession comme « le peuple élu ». Or, d’une part, l’élection concerne une charge dont nul autre peuple n’a voulu et d’autre part, cette dénomination lui a été attribuée de l’extérieur. Par son « élection », Israël, « dynastie de prêtres », est chargé de sanctifier le nom de D’:

« Ce peuple, Je l’ai formé pour Moi, pour qu’il publie Ma gloire » (Isaïe 43:21).

Plutôt qu’un privilège, c’est un fardeau, intérieur et extérieur, consistant à obéir à la loi donnée à Moché, à rejeter les idoles, à aimer son prochain et à étudier la Tora. Autrement dit, une mission, une responsabilité, bien éloignée de tout sentiment de supériorité.

Pour l’antisémite de base, qui fonctionne par projection, c’est-à-dire en attribuant à son ennemi ses propres désirs et pulsions, aucune satisfaction n’est aussi jouissive que celle qui consiste à reprocher à un autre, individuel ou collectif, ce qu’il a lui-même inventé. L’antisémite d’aujourd’hui cherche à égaler Staline, faisant payer à la famille du défunt la balle avec laquelle il avait été exécuté.

C’est ce qu’il ne faut pas oublier lorsqu’on s’indigne de la partialité mauvaise avec laquelle le seul cas où l’usage de haschich a jamais été considéré comme une circonstance atténuante et non aggravante est celui qui absout l’assassin musulman multirécidiviste d’une vieille dame juive.

C’est ce qu’il ne faut pas oublier lorsqu’on s’étouffe de rage en voyant que l’UE interdit la solution à deux États pour Chypre avec la même vigueur qu’elle met à l’imposer à Israël parce qu’elle « nous semble être la seule formule possible pour mettre fin au conflit. (Euractiv) »

Mieux vaut en rire qu’en pleurer

« L’Union européenne considère les colonies comme illégales, en vertu du droit international, et nous n’avons pas changé de position à ce sujet dans notre politique »,

dixit la même Mogherini droite dans ses bottes.

Le droit international auquel elle se réfère est la parole onusienne, mise au point par une assemblée générale où un pays égale un vote. Tuvalu (26 km², un peu moins de 10 000 habitants) y a le même poids électoral que la Chine (près de 10 millions km² et 1,4 milliard d’habitants). La Suède, la Norvège et le Canada (démocraties pleines) y votent le Droit international au même titre que la Corée du Nord, la Syrie et le Tchad (régimes autoritaires (Atlas Sociologique).

En 2021, les États membres de l’ONU se répartissent en 22 démocraties pleines, 54 démocraties imparfaites (soit 76 votes démocratiques ou à peu près), 37 régimes hybrides et 54 régimes autoritaires (91 votes de dictatures plus ou moins brutales). Le droit international dont se gargarisent les anti-Israéliens serait donc voté par une majorité de dictatures ? Oui, il est.

L’Union européenne refuse aux Juifs la communion en humanité

Le droit qui considère les « colonies » illégales, ne tient pas compte du Droit tout court. Celui qui s’applique, entre Israël et les deux Palestine, est le texte des Accords d’Oslo, seul encore en vigueur, même si la vigueur défaille.

Or ces Accords n’interdisent pas les implantations de civils (que les Français aiment traduire par « colonies » parce que le colonialisme, cela donne au moindre village une mauvaise haleine et une culpabilité en or massif).

Le tracé des frontières entre Israël et le troisième État de Palestine (après la Jordanie et Gaza) doit être négocié avant la signature du traité de paix. Lorsque les adversaires en seront là, cela se passera comme pour les implantations juives du Sinaï lors de la signature du traité de paix israélo-égyptien, ou lors du départ sans condition des Israéliens de Gaza : elles seront démantelées.

Les fonctionnaires de l’UE sont aussi basiques que les autres anti-Juifs : si c’est un ennemi d’Israël qui le fait, on est pour, si c’est Israël, on est contre.

L’UE est donc contre les « colonies » juives, mais lorsque, en février 2021, des Bédouins ont installé des tentes dans une zone où s’entraîne l’armée israélienne (InfoEquitable) et que ladite armée a déplacé lesdites tentes, on a assisté à un branle-bas de combat chez les Palestinolâtres. Parmi eux, l’UE y a été de son communiqué traditionnel :

« L’UE exprime à nouveau sa ferme opposition à la politique israélienne de colonisation et aux mesures prises dans ce contexte, telles que les transferts forcés, les expulsions, les démolitions et les confiscations d’habitations, qu’elle considère comme illégales au regard du droit international (UE Action Extérieure). »

La vieille Europe doit souffrir d’un début d’Alzheimer, car elle a lapsussé que c’est sa propre interprétation du droit qui était en cause !

Les leaders d’opinion sont morts, vive le conformisme

« … dans les études Moyen-Orient et Méditerranée aujourd’hui, les faits n’ont plus d’importance ; ce qui compte, c’est la vision du monde que l’on défend. La plupart d’entre eux {les étudiants en Moyen-Orient Méditerranée à l’École normale supérieure} ne connaissent pas vraiment l’arabe, ni aucune langue de la région, mais excipent de leur rectitude idéologique pour se faire arbitres de ce qui doit être pensé, dit, lu ou écrit (le Point). »

Ce n’est pas un islamophobe ou un zemmourophile qui s’exprime ainsi, mais un professeur, LE professeur qui dirige la chaire des étudiants ci-dessus décrits.

Si Gilles Kepel ne se définissait que par ses compétences (notamment en arabe), nul ne lui prêterait attention : les compétences ne font pas le poids, en regard de la soumission aux dogmes du moment. Mais il a aussi un impeccable pedigree de militant d’extrême-gauche, qui a longtemps partagé les préjugés de ses élèves d’aujourd’hui. Il explique cependant que la réalité l’a rattrapé et qu’il a pris conscience de son déni antérieur. Il a aussi constaté que les sciences humaines interdisent toute pensée originale, pour coller à la doxa islamo-gauchiste.

Il conviendrait de lui prêter une oreille attentive, car les « élites » européennes, sorties du même moule, ânonnent le même catéchisme.

Biden fait ce qu’il interdit et condamne ce qu’il dit

Le 27 juin 2021, un communiqué de la Maison Blanche tombait sur les fils d’information :

« Sur ordre du président Biden, les forces militaires des États-Unis ont mené des frappes aériennes défensives de précision contre des installations utilisées par des milices soutenues par l’Iran dans la région de la frontière Irak-Syrie.… Les cibles ont été sélectionnées, car ces installations sont utilisées par des milices soutenues par l’Iran qui sont impliquées dans des attaques à l’aide de véhicules aériens non habités (UAV) contre des personnels et des installations américaines en Irak.… Il s’agit d’une action nécessaire, appropriée et délibérée pour limiter le risque d’escalade, mais aussi pour envoyer un message de dissuasion clair et sans ambiguïté (Dept Défense US). »

N’est-ce pas très exactement ce qu’a fait Israël pendant la « guerre des 11 jours » contre Gaza, pour répondre aux milliers de roquettes dirigées par le Hamas sur ses populations civiles ? Si, c’est.

N’est-ce pas une déclaration publiée par la Maison-Blanche, le 19 mai 2021, qui disait :

« Le président Biden a fait savoir au premier ministre Netanyahou qu’il attendait une désescalade significative aujourd’hui sur la voie d’un cessez-le-feu (BBC) » ?

Si, c’est.

N’est-ce pas le Président Biden, qui supplie l’Iran d’accepter de revenir à l’Accord JPCOA, qui laissait aux ayatollahs, de facto (le de jure n’engageant que les USA) toute latitude pour poursuivre l’enrichissement nucléaire nécessaire pour leur bombe atomique (Foreign Policy) ? Si, soi-même.

Le dogme a ses raisons que la raison ne veut pas connaître

Platon définissait la pensée comme un dialogue de la raison avec elle-même. Le dialogue a disparu, remplacé par des monologues qui se superposent sans s’enrichir (et a fortiori se contredire), puisqu’ils consistent à réciter « les mots de la tribu2 ». Un sens unique, dénué de sens commun.

Quant à la raison, celle qui prévaut sous le règne des réseaux sociaux est la même qu’à l’âge de pierre : la déraison de celui qui crie le plus fort.

Liliane Messika, MABATIM.INFO


1 Ce n’est pas une erreur de calcul : 57 + Gaza, ça fait bien 58.
2 Gilles Kepel

Aucun commentaire

Laisser un commentaire