K.la revue – Jacques Ehrenfreund
Le massacre du 7 octobre 2023 a provoqué un séisme dont l’onde de choc n’a pas fini de traverser le monde juif. En Israël, il a réactivé le spectre du pogrom que l’État devait rendre impossible ; en diaspora, il a révélé la fragilité d’une sécurité que l’on croyait acquise. L’historien Jacques Ehrenfreund interroge ce que cet événement dit de notre temps : la fin de l’après-Shoah, la dissolution des repères moraux européens, et la persistance d’une hostilité que l’histoire semblait avoir disqualifiée[1].
Otto Dix, ‘La guerre’, 1924, WikiArt
En 1936, Yitzhak Baer, éminent spécialiste du judaïsme médiéval, premier titulaire d’une chaire d’histoire juive à l’Université hébraïque de Jérusalem, mettait de côté sa recherche pour écrire un petit essai intitulé Galout (exil) ; bouleversé par la prise de pouvoir par les nazis trois ans plus tôt, Baer adressait aux Juifs d’Allemagne une mise en garde d’une lucidité glaçante. Il avait perçu la nature singulière de la menace qui pesait sur eux et la replaçait dans la longue histoire des Juifs ; ce qui était en jeu à ses yeux, c’était la possibilité même d’une existence juive en diaspora. L’histoire de la Galout est dans une impasse fatale, prophétisait-il, quelques années seulement avant l’extermination systématique des Juifs d’Europe.
En juin 1940, confronté à l’effondrement de la France, un autre médiéviste, Marc Bloch, faisait le choix de mettre entre parenthèses ses études. À peine démobilisé, il écrivait dans l’urgence L’étrange défaite, livre dans lequel il cherchait les racines profondes de l’événement dont il était le contemporain ; pourquoi les élites françaises ont-elles fait défaut au moment le plus crucial, comment la République s’est-elle trouvée incapable de faire face au défi présenté par le nazisme ?
Je n’aurais pas l’audace de me comparer à ces deux géants, mais c’est sous leur autorité que je me place pour tenter l’exercice de penser le présent, soucieux de le faire en historien. De fait, l’histoire est aussi un savoir pratique qui doit aider à saisir ce qui ne s’est encore jamais présenté à nous. Que peut-on dire de ce que nous sommes en train de vivre et qui a fait irruption dans un déchainement inouï de violence il y a deux ans jour pour jour ?
Dès le 7 octobre, une interprétation antinomique de l’événement s’est énoncée et imposée dans l’espace public, où elle règne depuis de manière hégémonique ; elle contestait la dimension antisémite de l’action du Hamas, qu’elle expliquait exclusivement par le caractère colonial de l’État d’Israël.
Le matin du 7 octobre, deux interprétations antinomiques de l’événement se sont énoncées, faisant apparaître un clivage majeur, qui n’a fait que s’approfondir depuis et qui a progressivement isolé les Juifs. Pour la majorité d’entre eux, le 7 octobre a fait resurgir instantanément le spectre, pas si ancien après tout, de l’anéantissement – dans les massacres indiscriminés, les pillages, les viols, les destructions systématiques des kibboutzim, des villes, dans l’acharnement sur les corps vivants ou morts, dans la prise massive d’otages femmes, enfants ou vieillards et surtout dans la jubilation de ceux qui accomplissaient tout cela et dans l’enthousiasme que suscitaient leurs actes dans la population palestinienne, tous ont vu une authentique pulsion génocidaire.
Le 7 octobre a aussi fait resurgir dans la mémoire juive la hantise du pogrom, cette forme archaïque de haine si effroyablement décrite par Haim Nachman Bialik dans le poème Ba Ir Haarega de 1903. Or Israël avait été conçu comme réponse au pogrom. L’État devait être l’assurance qu’il ne pourrait plus jamais survenir puisque dorénavant les Juifs étaient présumés capables de se défendre par eux-mêmes ; c’est pourtant en Israël que le pogrom a resurgi. Ce fait a produit un trouble et un traumatisme dont on n’a pas encore pris la pleine mesure ; le 7 octobre a fait vivre aux Israéliens une expérience qu’ils pensaient réservée aux Juifs de diaspora, une tragédie que le sionisme devait avoir rendue obsolète.
En écho, l’irruption instantanée en Europe et aux États-Unis d’une vague d’hostilité d’une ampleur inconnue depuis 1945 a fait entrevoir aux Juifs des diasporas la précarité de leur condition. Ils pensaient que cette vulnérabilité appartenait au passé, c’est donc le sol qui se dérobait sous leurs pieds.
C’est l’ensemble de l’existence juive, en Israël comme en diaspora, qui a été frappé de plein fouet par un événement qui a ressoudé les deux parties distinctes de ce peuple singulier. Elles se sont retrouvées confrontées au même défi, solidaires face à la résurgence d’une haine ancienne que l’on espérait disparue, qu’elle se nomme judéophobie, antijudaïsme, antisémitisme ou antisionisme.
Postuler un lien causal entre une politique coloniale israélienne, aussi critiquable soit-elle, et le 7 octobre, participe d’une falsification de la dimension centrale de l’événement ; c’est de fait lui retirer le sens que les membre du Hamas qui l’accomplissaient ont souhaité lui donner.
Car, dès le 7 octobre, une interprétation antinomique de l’événement s’est énoncée et imposée dans l’espace public, où elle règne depuis de manière hégémonique ; elle contestait la dimension antisémite de l’action du Hamas, qu’elle expliquait exclusivement par le caractère colonial de l’État d’Israël. Le lendemain du massacre, le secrétaire général de l’ONU le condamnait du bout des lèvres, mais invitait à « le replacer dans son contexte ». Judith Butler, figure majeure de la pensée postmoderne et postcoloniale, déclarait en mars 2024 dans une conférence à Paris, « Je pense qu’il est plus honnête, et plus correct historiquement, de dire que le soulèvement du 7 octobre était un acte de résistance armée (sic). Ce n’est pas une attaque terroriste, ce n’est pas une attaque antisémite : c’était une attaque contre les Israéliens ».
Les campus occidentaux, y compris suisses, ont immédiatement bruissé d’une clameur qui effaçait et redéfinissait le massacre, interprété comme une révolte des dominés contre leurs colonisateurs. Israël a été instantanément tenu pour responsable de ce qui venait de l’atteindre, alors même qu’à sa frontière nord, le Hezbollah se joignait au Hamas et lançait des assauts qui forçaient cent mille Israéliens à fuir de chez eux, et que, de l’Iran au Yémen, les déclarations hostiles précédaient les missiles et les drones. Ce qui s’est imposé sur les campus, les réseaux sociaux et dans la presse, c’est une lecture postcoloniale de l’action du Hamas.
Or, postuler un lien causal entre une politique coloniale israélienne, aussi critiquable soit-elle, et le 7 octobre, participe d’une falsification de la dimension centrale de l’événement ; c’est de fait lui retirer le sens que les membre du Hamas qui l’accomplissaient ont souhaité lui donner, se filmant et mettant en ligne leurs actions les plus cruelles et les plus transgressives. Rappelons que le pogrom a été accompli sur le territoire d’Israël, celui que le droit international lui reconnait sans contestation, pas dans les colonies de Cisjordanie. Ce qui a donc surgi au cœur du conflit israélo-palestinien, c’est un événement où l’on s’en prend aux Juifs non pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont.
Mode opératoire traditionnel de l’antijudaïsme comme de l’antisémitisme : rendre les Juifs responsables de ce que l’on vient de leur faire subir ou que l’on fantasme de leur infliger.
Une lecture même rapide de la Charte du Hamas révèle la centralité de son antisémitisme, inspiré explicitement des protocoles des Sages de Sion. Le Hamas est la branche palestinienne des Frères musulmans et son intention première est l’éradication d’Israël. La dimension rédemptrice structurante de cet antisémitisme tient au fait que c’est de cette éradication que dépend le Salut lui-même, c’est elle qui guide le mouvement et donne sens à son action. Aux yeux du Hamas, la disparition d’Israël compte plus que l’établissement d’un État palestinien. Comment comprendre sinon les milliards d’aide humanitaire détournés et investis dans l’invraisemblable réseau de tunnels, accessibles exclusivement aux membres de la milice, construits au détriment du bien-être de la population de l’enclave et grevant gravement son avenir ?
Depuis qu’il a accédé au pouvoir par les élections en 2006, le Hamas n’a eu d’autre préoccupation que de préparer l’éradication de son voisin et, le 7 octobre, les assaillants ne hurlaient ni « mort aux sionistes », ni « mort aux Israéliens », mais « mort aux Juifs ». Par ailleurs, ils appelaient explicitement à s’en prendre aux Juifs dans le monde entier, et l’attaque de la synagogue de Manchester la semaine dernière n’est que le dernier exemple de l’indistinction entre Israélien et Juif aux yeux des islamistes.
C’est précisément la centralité de l’antisémitisme que les penseurs post-coloniaux et leurs nombreux soutiens ont voulu impérativement invisibiliser. Cette occultation a pour corollaire la prémisse d’une essence coloniale d’Israël depuis sa fondation. Les Juifs seraient, dans cette perspective, une population allogène sans lien avec la Palestine, et le sionisme rien d’autre que le dernier avatar du colonialisme européen ou de l’impérialisme américain.
La lecture postcoloniale révèle, dans le meilleur des cas, une ignorance abyssale de l’histoire juive et du lien qui s’y déploie au fil des siècles avec la terre d’Israël. C’est hélas plus probablement une négation consciente et explicite de cette histoire qui sous-tend cette idéologie. Elle énonce souvent explicitement une contestation de principe du droit à l’existence d’un État juif. Le slogan « From the River to the Sea », point de ralliement de toutes les manifestations depuis le 7 octobre et qui appelle à débarrasser la Palestine des Juifs et de leur État, est une synthèse presque parfaite de l’anticolonialisme et de l’ignorance. Ce slogan est-il en fin de compte si différent de celui qui appelait à une Europe Judenrein dans les années trente ?
L’inversion accusatoire est le mode opératoire traditionnel de l’antijudaïsme comme de l’antisémitisme ; elle vise à rendre les Juifs responsables de ce que l’on vient de leur faire subir ou que l’on fantasme de leur infliger. Les expulsions médiévales étaient précédées par des accusations d’empoisonnement des puits ou de meurtres d’enfants pour des finalités rituelles. L’antijudaïsme chrétien a culminé dans l’accusation de déicide ; accuser les Juifs de la mort de Dieu lui-même faisait d’eux les ennemis les plus haïssables, mais aussi les plus redoutables que l’on puisse concevoir.
L’antisémitisme moderne s’est structuré pour sa part autour de théories du complot ; elles postulent que les Juifs ont le projet occulte de pervertir et de dominer la société et que la violence à leur encontre n’est de ce fait que préventive ou défensive.
Ce qui prévaut dans l’antijudaïsme comme dans l’antisémitisme, au-delà de différences notables entre eux, c’est le postulat d’une dangerosité singulière des Juifs, on les craint pour leur capacité de nuisance, tout autant qu’on les méprise pour leur nuque supposée raide, voilà ce qui singularise ces haines et les différencie d’autres formes de racisme.
Depuis le 7 octobre, l’accusation de commettre un génocide – crime des crimes – a remplacé celle de déicide ; c’est elle qui sous-tend toutes les mobilisations et justifie les violences, comme les actions les plus exorbitantes.
L’inversion accusatoire liée au terme « génocide » n’est pas le fait du hasard, elle renvoie à un autre objectif central d’une pensée qui voit dans la Shoah un verrou de protection d’Israël qu’il convient de faire sauter.
Cette nouvelle inversion accusatoire n’est pas le fait du hasard, elle renvoie à un autre objectif central de la pensée post-coloniale qui voit dans la Shoah un verrou de protection d’Israël qu’il convient de faire sauter. Désingulariser, c’est-à-dire banaliser la destruction des Juifs d’Europe, voilà ce qui est à l’œuvre depuis deux ans dans les réitérations jubilatoires des accusations portées contre l’État juif de commettre, comme l’État nazi, un génocide.
Mi-octobre 2023, Omer Bartov, pourtant spécialiste de la Shoah en Ukraine, s’est empressé de contester la dimension génocidaire du 7 octobre et d’avertir en revanche que la riposte d’Israël, qui avait alors à peine commencé, le serait. Le 1er novembre 2023, Didier Fassin, éminent sociologue parisien, lui emboitait le pas et publiait « Le spectre d’un génocide à Gaza ». La thèse est simple : Israël est une colonie de peuplement, cette forme de domination produit une résistance légitime des colonisés ; les colonisateurs répriment les révoltes sans cesse plus violemment, jusqu’à finir par éradiquer complètement les indigènes. C’est donc parce qu’il est un État colonial qu’Israël commet un génocide, l’acte découle pour ainsi dire de la nature de l’État et ne nécessite pas d’être documenté.
Cette accusation, qui est une démonisation et une délégitimation radicale d’Israël, a bien évidemment des effets incommensurables sur les Juifs. C’est au nom du génocide que l’on justifie les appels au boycott d’Israël, de ses Universités, de ses artistes, de ses sportifs, de ses enseignants, voire des Juifs des autres pays supposés être ses soutiens. Lorsque, récemment, le propriétaire d’une salle de cinéma où a lieu depuis quinze ans le Festival du film juif de Genève a justifié son refus de continuer à louer sa salle, il a argué que ce qui se passait à Gaza jetait une ombre négative définitive sur l’ensemble de la culture et de l’histoire juives. Depuis quelque temps, la frontière entre l’antisionisme et l’antisémitisme a définitivement disparu : lorsque le syndic de Lausanne déclare que les autorités communautaires juives devraient condamner publiquement la politique israélienne pour lutter contre l’antisémitisme, il postule un lien entre les deux et les rend de fait co-responsables de ce dernier. Lorsque l’on profane en France un monument commémoratif de Justes avec le slogan « Free Palestine » et « stop génocide », lorsque l’on expulse d’un avion espagnol des enfants français parce qu’ils chantent en hébreu, lorsque le Premier ministre espagnol déplore que son pays ne dispose pas de l’arme nucléaire pour « stopper le génocide », lorsque qu’on interdit à des enfants en France parce qu’ils sont israéliens l’accès à un parc d’attractions, on a changé d’époque. Ce qui est à l’œuvre c’est tout autre chose que la critique légitime des agissements excessifs d’un État.
La guerre menée par Israël a fait un nombre considérable de victimes innocentes, ce fait soumet à rude épreuve même les plus fidèles des amis d’Israël. Les vies humaines ont toutes la même valeur, cette vérité d’évidence doit être rappelée et les victimes palestiniennes méritent, sans la moindre restriction, la même attention et la même compassion que toutes les victimes innocentes. La qualification de la guerre israélienne en termes génocidaires pointe cependant tout à fait autre chose, elle constitue un détournement de la mémoire de la Shoah qui est purement retournée contre les Juifs et contre Israël.
On peut dès lors craindre que le 7 octobre constitue la fin d’une parenthèse dans l’histoire des Juifs qui s’était ouverte après la Shoah. Durant les décennies qui ont suivi leur destruction, la haine des Juifs auparavant structurante, était soudainement devenue inacceptable ; « Hitler a déshonoré l’antisémitisme », écrivait George Bernanos au sortir de la guerre. Cette étrange formule énonce ce qui a sous-tendu cette époque : certes les Juifs n’étaient pas particulièrement aimables, postulait Bernanos, mais les traiter comme l’avaient fait les nazis et leurs collaborateurs, dans l’indifférence de la majorité, était devenu intolérable. Le souvenir de ce qui venait de se produire a protégé les Juifs et assuré à l’État d’Israël, établi trois ans seulement après le génocide et peuplé de survivants, une sympathie presque naturelle. Que reste-t-il de cela aujourd’hui ?
On a changé d’époque, et on peut craindre que le 7 octobre constitue la fin d’une parenthèse dans l’histoire des Juifs qui s’était ouverte après la Shoah.
L’Europe se pense comme un modèle pour le monde, depuis qu’elle se déteste et s’admire d’avoir exécuté, puis expié l’extermination des Juifs. Elle pense avoir tiré les bonnes leçons de cette histoire en entrant dans un temps que l’on peut appeler « post » : elle est postmoderne, c’est-à-dire principalement post-historique, puisqu’elle postule que les narrations historiques sont des mythes, elle est postnationale parce qu’à ses yeux les nations sont des « constructions sociales » qui mèneraient nécessairement au nationalisme et à la guerre, elle est postcoloniale, puisqu’elle se repend, à raison, de la domination qu’elle a imposée à d’innombrables populations qui n’avaient rien demandé. Elle postule que la paix qu’elle est parvenue à instaurer entre d’anciens ennemis devrait être un exemple pour tous. Même l’irruption de la guerre au cœur de l’Europe en février 2022 n’a que marginalement ébranlé ces certitudes. L’Europe pense tout cela en grande partie parce qu’elle est persuadée avoir tiré les seuls enseignements possibles de la Shoah.
Les Juifs de leur côté ont-ils tiré les mêmes leçons de leur destruction ? Pas tout à fait. Ils ont mis en place un État en 1948 pour remédier à leur vulnérabilité ; cet État n’hésite pas à utiliser la force et même à faire la guerre pour se défendre ; ils conçoivent cet État dans la continuité de la longue histoire juive, qui tire son origine d’un texte antique qui mêle narration historique et paroles religieuses. Mais peut-être et surtout, en Israël comme dans les diasporas, les Juifs considèrent légitime de vouloir persévérer à être ce qu’ils sont, sans chercher à se fondre dans un ensemble plus vaste.
La confrontation entre Israël et le monde arabo-musulman dure depuis plusieurs décennies ; une première phase du conflit a commencé avec le refus du plan de partage de l’ONU le 29 novembre 1947. Pendant trente ans, l’ensemble des États arabes a maintenu son refus d’un État juif et a initié des guerres qui visaient à le détruire. La dernière d’entre elles a débuté par une offensive commune de l’Égypte et de la Syrie le jour de Kippour, en 1973. Israël, attaqué par surprise, a connu dans un premier temps sa plus grande défaite, puis, après un sursaut très coûteux humainement, une immense victoire. C’est à la suite de celle-ci que l’Égypte, prenant conscience de l’impossibilité de détruire son voisin, a renoncé à ce but et obtenu, par la négociation, la restitution de l’ensemble des territoires perdus lors de la Guerre des Six Jours.
Un second cycle de confrontation s’est enclenché lorsque la République islamique d’Iran a repris dès 1979 le flambeau de la « résistance » contre Israël, formant progressivement « l’axe » constitué par le Hamas, le Hezbollah, le régime Assad en Syrie, les milices chiites d’Irak et du Yémen. Le 7 octobre 2023, jour de Sim’hat Torah, a été choisi pour frapper Israël et tenter d’atteindre le but que « l’axe de la résistance » s’était fixé : une Palestine islamiste « from the River to the Sea ». Ce qui a débuté par la plus grande catastrophe vécue par Israël depuis sa création s’achève ces jours-ci par la défaite de « l’axe de la résistance ». Cette défaite clôturera-t-elle ce second cycle de confrontation et permettra-t-elle une solution pacifique et juste de la question palestinienne ?
S’il a été défait militairement sur les différents fronts moyen-orientaux, « l’axe de la résistance » compte paradoxalement ses derniers alliés en Occident ; ils ne semblent pas prêts à renoncer à la délégitimation d’Israël, avec les effets profonds de cette politique sur les Juifs d’Europe. Il se peut très bien qu’une dynamique vertueuse s’enclenche au Moyen-Orient, mais que la situation des Juifs en Europe continue de se détériorer.
« Le sionisme, écrivait Hannah Arendt, a été la seule réponse politique que les Juifs aient jamais trouvée à l’antisémitisme et la seule idéologie qui ait tenu sérieusement compte d’une hostilité qui allait placer les Juifs au cœur des événements mondiaux. » Israël et les Juifs sont sans conteste l’objet d’une focalisation incommensurable à leur poids démographique, ce qui ressemble de fait à une obsession. Le 7 octobre a révélé que l’existence d’un État juif n’allait toujours pas de soi. Le Hamas et « l’axe de la résistance » n’ont pas renoncé à le détruire et cette volonté a trouvé des relais importants dans un monde que l’on croyait immunisé contre la haine des Juifs. Face à cette ruse de l’histoire, le sionisme reste plus que jamais la seule réponse sérieuse à l’antisémitisme.
Jacques Ehrenfreund
Notes
1 | Ce texte est la version reprise et augmentée d’une conférence donnée à Berne a l’occasion d’une cérémonie commémorative du 7 octobre organisée à Berne par la « Fédération suisse des communautés israélites » et l’ »Association Suisse-Israël » |