Peut-on offrir un fricassé en sacrifice ?

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Quel est le secret de ces rassemblements chaleureux qui suivent l’office du Chabbath matin, où se mêlent les arômes envoûtants de mini-pizzas, de fricassés dorés, parfois accompagnés d’une douce bourkha, et les saveurs raffinées de la boutargue ? Pourquoi ces instants de partage, si gourmands et joyeux, sont-ils devenus une véritable institution du Chabbath ? D’où vient cette tradition du kidouch festif qui allie spiritualité et convivialité ?

Il est écrit dans notre paracha : « Lorsque vous offrirez à l’Éternel un sacrifice de reconnaissance, veillez à ce qu’il soit agréé » (Vayikra 22,29).

Rabbi Yehouda a dit au nom de Rav : « Quatre catégories de personnes sont tenues de remercier Hachem : ceux qui ont navigué sur la mer, ceux qui ont traversé les déserts, ceux qui ont été malades et ont guéri, et ceux qui ont été prisonniers et ont été libérés » (Berakhoth 54b).

À l’époque du Beth Hamikdach, ces quatre groupes devaient apporter un sacrifice spécifique appelé « korban toda », littéralement « sacrifice de remerciement ».

Il existait en effet quatre catégories principales de korban : le ‘Ola (holocauste), le ‘Hatath (sacrifice expiatoire), le Acham (sacrifice de réparation) et les Chelamim (sacrifices de paix ou de communion).

Examinons brièvement leurs caractéristiques :

  • Le Korban Ola, dont le nom signifie « ce qui monte », était une offrande entièrement consumée sur le mizbéa’h (autel), à l’exception de la peau.
  • Le Korban ‘Hatath était un sacrifice expiatoire offert pour la transgression involontaire d’une faute passible de Karèt (retranchement spirituel), et pouvait également être apporté lors de certains processus de purification.
  • Le Korban Acham était un sacrifice offert pour expier certaines fautes spécifiques, ou lors de certains rites de purification.
  • Le Korban Chelamim n’était pas destiné à expier une faute, mais plutôt à associer Hachem à la joie de celui qui l’offrait. Le terme Chelamim dérive de Chalom (paix), car ce sacrifice visait à rétablir la paix dans le monde. Généralement volontaire, une partie était brûlée sur le Mizbéa’h, une autre était consommée par les Cohanim (prêtres) et une troisième par le propriétaire, permettant ainsi à chacun de profiter de ce korban.

Le Korban Toda appartenait à la catégorie des Chelamim, mais se distinguait des autres Korban Chelamim par certaines particularités. Un Korban Chelamim « standard » devait être consommé en deux jours et une nuit, tandis que le Korban Toda devait l’être en un seul jour et une nuit. Ainsi, si le korban était apporté dans l’après-midi, il devait être consommé avant le matin suivant, alors qu’un Korban Chelamim pouvait encore être consommé tout au long du jour suivant. Une autre différence résidait dans l’offrande de 40 pains avec le Korban Toda, dont une partie était destinée aux Cohanim et l’autre aux propriétaires.

Lorsqu’un homme apportait un Korban Chelamim, il recevait une part importante de viande qu’il devait consommer en deux jours et une nuit. Seulement après, s’il n’avait pas tout consommé, il invitait des proches pour l’aider à finir.

En revanche, le Korban Toda, qui devait impérativement être consommé en un jour et une nuit et était accompagné de 40 pains, nécessitait dès le départ un grand nombre d’invités pour pouvoir être achevé à temps. Le propriétaire devait donc prévoir un cercle conséquent de convives dès le début.

Rav Pinkous zatsal s’interroge sur les raisons de ces différences pour le Korban Toda. Il explique que ce sacrifice, destiné à exprimer la gratitude envers Hachem, requérait la participation de nombreuses personnes dès le départ afin de proclamer publiquement et avec éclat les bontés qu’Hachem avait accordées à celui qui l’offrait.

En effet, lorsque Hachem nous accorde une faveur, nous devons la reconnaître et la rendre publique. Comme il est dit : « Qu’ils offrent des sacrifices de reconnaissance et qu’ils racontent ses œuvres avec des chants joyeux ! » (Tehilim 107, 22). Remercier Hachem à haute voix et proclamer Son Nom est essentiel, ainsi qu’il est écrit : « Je t’offrirai un sacrifice de reconnaissance et j’invoquerai le nom d’Hachem » (id. 116, 17).

Cependant, depuis la destruction du Beth Hamikdach, le service des sacrifices n’existe plus. Comment la perte de ce service divin est-elle compensée aujourd’hui ?

En attendant la reconstruction imminente du troisième Beth Hamikdach, avec l’aide de d’Hachem, ce sont nos paroles, la tefila (prière), qui ont pris leur place, comme il est écrit dans le livre de Hoché’a (14, 3) : « Emportez avec vous des paroles et revenez à l’Éternel. Dites-lui : Pardonne toute faute, reçois ce qui est bon, et nous t’offrirons en sacrifice les paroles de nos lèvres. »

Ainsi, nos Sages ont institué de remercier Hachem dans la bénédiction de la reconnaissance (Modim dans la ‘Amida) : « Nous te remercions pour tes miracles de chaque jour, pour tes prodiges et tes bienfaits en tout temps, soir, matin et midi. Tu fais le Bien car ta miséricorde n’est pas épuisée, tu es le Compatissant car ta grâce n’a pas tari. Depuis toujours nous espérons en Toi. » Cela signifie que Hachem accomplit chaque jour des miracles en notre faveur, afin que nous puissions exister.

Notre verset initial prend alors tout son sens :« Quand vous offrirez à l’Éternel un sacrifice de reconnaissance, veillez à ce qu’il soit agréé. »

De même, lorsque nous publions les bontés qu’Hachem nous accorde, nous transmettons à notre entourage un message de joie et d’amour. En racontant par nos paroles tous les bienfaits d’Hachem, ils seront eux aussi incités à se rapprocher de notre Créateur pour Lui exprimer leur amour et leur adhésion, ce qui sera source de bien dans le monde. Remercier Hachem est une véritable source de bénédictions et constitue l’essence même du Juif.

Le Juif, « Yehoudi » (יְהוּדִי), porte son nom sur la « gratitude-Hodaa-הוֹדָאָה ». Nous devons remercier Hakadoch baroukh Hou à chaque instant pour tout ce qu’Il nous apporte, car nous devons être conscients que rien ne nous est dû. C’est la nature du Yehoudi, du Juif conscient qu’Hachem agit envers nous par ‘Hessed (grâce).

Nos sages nous ont inculqué cela en instituant de réciter dès le réveil la prière « Modé Ani », avant même de nous laver les mains ou d’accomplir toute autre action. Comme il est dit : « De quoi se plaindrait l’homme vivant ? » (Lamentations 3, 39). De quoi pourrions-nous nous plaindre, nous qui vivons ? Partant de ce principe, tout est un « plus », et notre reconnaissance envers Hachem se manifestera de la manière la plus agréable.

Derrière l’ambiance festive de ces Kidouch du Chabbath, se cache une inspiration ancienne. Ce moment de partage joyeux n’est pas seulement une pause gourmande : il puise ses racines dans le Korban Toda, l’offrande de remerciement. Car si le plaisir des saveurs est bien réel, l’essentiel est ailleurs — dans cette belle occasion de se retrouver, de raconter les bontés d’Hachem, et de transformer un simple buffet en un acte vibrant de gratitude et d’unité.

Chabat Chalom !

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