A Gaza, qui joue au Robin des bois israélien ?

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Une milice locale s’oppose au Hamas à Gaza

À Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, une figure atypique s’impose depuis plusieurs semaines sur le terrain comme sur les réseaux sociaux : Yasser Abu Shabab, chef d’une milice locale qui se présente comme une force d’autodéfense au service des civils. Dans une vidéo diffusée récemment, il a appelé les habitants de l’est de Rafah à retourner dans leurs foyers, assurant qu’ils y trouveraient sécurité, aide humanitaire et conditions de vie décentes. Une initiative qui divise profondément l’opinion palestinienne et qui a déclenché une violente réaction du Hamas.

Dans une vidéo de plus de quatre minutes, on voit des hommes d’Abu Shabab installer des tentes, distribuer de la nourriture et du matériel médical. Le chef de milice affirme agir sous l’autorité du « gouvernement palestinien légitime », sans en préciser la nature. Il dénonce la corruption dans la gestion de l’aide humanitaire, accusant certaines structures de la détourner pour la revendre sur le marché noir. Il assure que son groupe a mis fin à ces pratiques, redistribuant les ressources de manière équitable aux populations déplacées.

Yasser Abu Shabab justifie aussi la présence de ses hommes dans des zones sous contrôle israélien en invoquant une nécessité humanitaire : garantir la sécurité des convois d’aide et des civils. Il affirme que son groupe agit indépendamment, tout en reconnaissant la supervision militaire israélienne dans certaines zones d’opération, ce qui a provoqué l’indignation des autorités de Gaza.

La réaction du Hamas ne s’est pas fait attendre. Le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza dénonce une milice qui serait, selon lui, instrumentalisée par l’armée israélienne pour briser la résistance locale. Surnommé par moquerie le « Robin des Bois israélien », Abu Shabab est accusé de participer à un plan visant à concentrer puis expulser les habitants de Rafah, sous couvert de distribution humanitaire.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes palestiniens dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une manœuvre de collaboration avec l’ennemi. L’un d’eux a comparé Abu Shabab au fondateur du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, en évoquant la manière dont ce dernier avait été autorisé à créer le mouvement dans les années 1980 avec l’aval de l’administration militaire israélienne. La ressemblance entre les stratégies de légitimation semble, pour certains, indiquer une forme de manipulation répétée.

D’après le journal libanais Al-Akhbar, la milice dirigée par Abu Shabab compterait environ 300 membres, dont certains auraient été recrutés avec l’appui des services de renseignement de l’Autorité palestinienne. Plusieurs seraient d’anciens membres des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa. Leurs activités incluraient le maintien de l’ordre dans certains quartiers, la gestion de l’aide humanitaire, mais aussi, selon les accusations du Hamas, des actes de pillage, voire des assassinats.

Un des incidents les plus graves attribués à la milice concerne une attaque contre une unité du Hamas au nord du camp de Nuseirat, où plusieurs hommes auraient été tués et du matériel volé. Le groupe disposerait d’une base près de la frontière israélienne et aurait amassé un stock d’armes acheté grâce à des financements extérieurs.

À la tête de l’organisation se trouverait, selon les mêmes sources, le général Baha’ Al-Balusha, un haut responsable des services de renseignement palestiniens. Le Hamas, considérant désormais la milice comme une menace directe, aurait décidé d’éliminer certains de ses membres impliqués dans des actes de violence et de vol.

Le passé d’Abu Shabab alimente également la polémique. Ancien détenu du Hamas, il aurait été libéré après le 7 octobre et traîné une réputation de criminel impliqué dans la contrebande, le trafic de drogue et divers délits. Aujourd’hui, ses hommes patrouillent en uniforme, accompagnant les convois humanitaires sous les yeux de Tsahal, arborant des gilets rouges et un badge marqué « Mécanisme antiterroriste ».

De son côté, le Hamas accuse Israël de mettre en place une structure parallèle de gouvernance à travers ces milices. Selon un communiqué de l’organisation, ces groupes seraient financés, armés et encadrés par l’armée israélienne dans le but de semer le chaos et de détourner l’attention des populations des réels enjeux politiques et humanitaires.

Le climat à Gaza reste donc explosif, alors que se superposent crises humanitaire, sécurité incertaine, rivalités internes et luttes d’influence. Pour les civils pris au piège, la confusion est totale : entre aide bienvenue et manipulations supposées, difficile de discerner l’intention réelle derrière chaque convoi, chaque discours et chaque uniforme.

Jforum.fr

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