Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont découvert les plus anciens manuscrits juifs éthiopiens connus à ce jour

0
33

Orit 2Le programme de master « Décrypteurs d’Orit » a été créé il y a cinq ans avec pour objectif principal d’étudier, préserver et perpétuer l’héritage biblique du judaïsme éthiopien. L’atelier a été organisé en collaboration avec le Centre du patrimoine juif éthiopien et la Bibliothèque nationale d’Israël, qui ont enregistré les livres et créé une base de données numérique des écritures saintes des Beta Israël. Ces manuscrits ont été récemment dévoilés au public lors d’un événement festif organisé au Musée Anou (musée du peuple juif, anciennement musée de la Diaspora), sous l’égide du Centre Koret pour la civilisation juive (centre de recherche commun du musée Anou et de l’Université de Tel-Aviv), qui accompagne le projet et contribue à sa promotion.

Chaque livre possède sa propre histoire fascinante

« Les Orit des Beta Israël comprennent les cinq livres de la Tora, plus les livres de Josué, des Juges et de Ruth », explique l’initiatrice du projet, le Prof. Dalit Rom-Shiloni, du Département d’études bibliques. Au total, nous avons consigné à ce jour quatre livres d’Orit, dont les deux du XVe siècle que nous venons de trouver, et treize autres livres sacrés. Tous les livres sacrés du judaïsme éthiopien sont rédigés en guèze, ancienne langue liturgique sémitique connue uniquement des Kés, les prêtres des Beta Israël. Les textes sacrés étaient soigneusement gardés et leurs propriétaires ont parfois même risqué leur vie pour les rapporter en Israël. Chaque livre possède sa propre histoire fascinante. Ils ont été transmis de génération en génération, de père en fils, et certains ont été donnés aux prêtres par leurs maîtres, des moines juifs qui enseignaient la tradition sacrée en Éthiopie. Aujourd’hui, ils sont pour la plupart la propriété privée des Kés et de leurs familles, et servent de livres sacrés dans les lieux de prière des communautés éthiopiennes à travers le pays. Jusqu’à présent, ils n’étaient pas accessibles aux chercheurs. Nous nous efforçons désormais de localiser autant de ces livres que possible afin de permettre leur enregistrement, leur numérisation et leur étude universitaire. Il est important de souligner que ce processus est réalisé avec l’autorisation des propriétaires et que les livres restent leur possession ».

À cette fin, un atelier itinérant spécial a été organisé en juin 2024 avec la participation du Prof. Rom-Shiloni, du Prof. Erica Weiss, anthropologue, du Dr. Anbessa Teferra, linguiste, et des étudiants du programme « Décrypteurs d’Orit », tous de l’Université de Tel Aviv, ainsi que de représentants du Centre pour le patrimoine du judaïsme éthiopien et de la Bibliothèque nationale d’Israël, et de trois experts internationaux des écritures éthiopiennes anciennes, les Prof. Loren Stuckenbruck, Sophia Dege-Muller et Ted Erho.

Ces experts ont examiné les livres et les ont datés par paléographie, en se basant sur la forme de l’écriture. À leur grande surprise, il s’est avéré que les livres d’Orit récemment découverts dataient du XVe siècle ; il s’agit des plus anciens livres découverts à ce jour aux mains des Beta Israël. « Notre découverte suscite l’intérêt des experts dans ce domaine partout dans le monde », commente le Prof. Rom-Shiloni. « On connait bien des livres saints similaires éthiopiens datant de cette période et même d’avant, mais ce sont tous des textes chrétiens. Il est à présent établi pour la première fois que les prêtres des Beita Israël se trouvent également en possession de tels livres, datant d’il y a 600 ans ».

Des manuscrits juifs vieux de 600 ans

Au total, quatre livres d’Orit ont été découverts dans le cadre de l’atelier, deux du XVe siècle et deux du XVIIIe siècle, ainsi que 13 autres livres saints datant du XVIIe au XXe siècle. Tous les livres trouvés ont été enregistrés avec l’autorisation de leurs propriétaires et sont restés en leur possession, afin qu’ils continuent à servir de livres de prières au sein de leurs communautés. L’enregistrement permet désormais la recherche universitaire et la création d’une base de données numérique à la Bibliothèque nationale d’Israël.

Le Prof. Yuval Rotman, directeur académique du Centre Koret et membre du corps professoral du Département d’histoire juive de l’Université de Tel-Aviv, a ajouté : « Il s’agit d’une découverte exceptionnelle. Il est rare de découvrir des manuscrits anciens, d’autant plus qu’il s’agit des plus anciens manuscrits de ce type que nous possédons. Cette découverte a été rendue possible grâce à l’accent mis par le programme « Décrypteurs d’Orit » sur l’étude des connaissances textuelles et de la tradition interprétative préservées et transmises oralement depuis des siècles, au sein des différentes communautés des Beta Israël ».

Selon lui, la singularité de ce projet réside non seulement dans la cartographie des manuscrits et la formation des étudiant.es pour les examiner, mais aussi dans sa manière de le faire comme partie intégrante du savoir préservé au sein de la communauté, pour le perpétué et le développer. « Les jeunes chercheur.es d’origine éthiopienne tissent des liens personnels et gagnent la confiance des Kés, qui les considèrent comme les continuateurs de la tradition et les héritiers de l’interprétation orale. Ils relient ainsi leur savoir socio-communautaire à leurs études universitaires et nous sommes très fiers d’eux. Le projet révèle des trésors cachés qui ne sont pas encore sortis des synagogues locales, les enregistre, les étudie et les rend accessibles ».

« Dans le cadre d’un atelier itinérant du projet « Décrypteurs d’Orit », nous avons découvert 17 livres saints des Beta Israël, qui sont entre les mains des prêtres éthiopiens à travers le pays et sont encore utilisés aujourd’hui comme livres sacrés dans les lieux de prière du judaïsme éthiopien », conclut le Prof. Rom-Shiloni. « Entre autres, nous avons découvert deux livres d’Orit (Tora chez les Beta Israël), écrits au XVe siècle, les plus anciens découverts à ce jour auprès des prêtres juifs éthiopiens. Malgré notre enthousiasme, nous pensons que notre découverte n’est que la pointe de l’iceberg. On peut supposer que de nombreux autres livres sacrés des Beta Israël se trouvent entre les mains de familles et de Kés dans tout le pays, et nous poursuivrons nos recherches. Il est important de souligner que tous les manuscrits trouvés resteront entre les mains de leurs propriétaires, et seront photographiés et documentés afin de les rendre accessibles aux personnes intéressées de la communauté et du grand public, ainsi qu’aux chercheurs en Israël et dans le monde. Par ailleurs, il est aussi particulièrement urgent de s’attacher à la documentation de la tradition d’apprentissage des prêtres en Éthiopie, y compris la traduction du guèze en amharique et l’interprétation des Orit et autres textes sacrés. Ce patrimoine a été transmis oralement de génération en génération et n’a jamais été consigné par écrit. Aujourd’hui, il ne reste en Israël que 18 Kès formés en Éthiopie et détenant ce savoir. Si nous ne nous dépêchons pas, nous risquons de perdre ce merveilleux trésor culturel ».

Aucun commentaire

Laisser un commentaire