Une analyse personnelle, sans preuves
Sadr a expliqué avoir considéré « dès le premier instant » qu’Israël se trouvait derrière la disparition du président et de son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, également décédé dans l’accident. Il a toutefois reconnu que cette lecture relevait d’une « analyse personnelle », ne reposant sur aucun document officiel ni élément de preuve vérifiable. Plusieurs médias régionaux, dont al-Arabiya et Iran International, ont rapporté ses propos en soulignant le caractère spéculatif de ces accusations.
Les chefs militaires iraniens, pour leur part, ont répété à plusieurs reprises que l’État hébreu n’était pas impliqué dans l’accident. La thèse de l’assassinat a pourtant continué à circuler, relayée notamment par des militants anti-israéliens. La BBC persan a ajouté que Sadr voyait dans cette opération présumée un « message » adressé par Israël à l’Iran : la poursuite du renforcement militaire ou nucléaire de Téhéran entraînerait une riposte implacable.
Selon Sadr, l’objectif supposé d’Israël aurait été double : limiter les ambitions nucléaires de la République islamique et réduire son influence régionale à travers ses alliés, parmi lesquels le Hezbollah, le Hamas et les Houthis. Il a ajouté que, d’après ses contacts au Liban, l’échange de « messages » entre Israël et le Hezbollah se fait souvent par le biais d’actions militaires ou d’opérations ciblées, chaque camp testant ainsi les limites de l’autre.
Ces accusations s’inscrivent dans un contexte de rivalité persistante entre Israël et l’Iran. Les deux puissances s’opposent sur de nombreux fronts au Moyen-Orient, de la Syrie au Liban, et s’accusent régulièrement d’attaques secrètes, d’opérations de sabotage et d’assassinats ciblés.
Le rôle présumé de la Russie
L’intervention de Mohammad Sadr ne s’est pas limitée à Israël. Il a également mis en cause la Russie, pourtant alliée stratégique de l’Iran. Selon lui, Moscou aurait transmis à Israël des informations sensibles concernant les systèmes de défense aérienne iraniens. Cette fuite aurait facilité, selon ses propos, l’opération israélienne baptisée Rising Lion en juin 2024, qui aurait conduit à la destruction d’équipements militaires et à l’élimination de commandants et scientifiques liés au programme nucléaire.
Le responsable iranien a par ailleurs souligné que, dans l’éventualité d’un conflit ouvert entre l’Iran et les États-Unis, la Russie ne fournirait aucune aide concrète. « Notre relation avec la Russie doit être sérieuse, mais nous ne devons pas leur faire confiance », a-t-il affirmé.
Le parcours de Mohammad Sadr
Membre du Conseil de discernement de l’opportunité depuis 2017, Mohammad Sadr n’est pas une personnalité marginale dans le paysage politique iranien. Proche parent de l’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique, il a occupé plusieurs postes de haut rang. Ancien vice-ministre des Affaires étrangères en charge des dossiers arabes et africains, il a également été conseiller du ministre Javad Zarif, figure clé de la diplomatie iranienne.
Une controverse durable
L’accident d’hélicoptère qui a coûté la vie à Ebrahim Raïssi et à plusieurs hauts responsables iraniens reste officiellement classé comme un drame aérien. Pourtant, les accusations portées par Sadr témoignent des soupçons et des divisions persistantes en Iran, entre ceux qui voient la main d’Israël et ceux qui privilégient l’hypothèse d’une tragédie sans intervention extérieure.
Quoi qu’il en soit, cette prise de parole illustre la méfiance croissante d’une partie de la classe politique iranienne vis-à-vis de ses alliés traditionnels, mais aussi la place centrale qu’occupe toujours Israël dans le discours stratégique de Téhéran.
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